Cour d'appel, 20 novembre 1984, Dlle P. c/ Groupement français d'assurances.

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Abstract🔗

Assurances

Non paiement de la prime d'assurance par le vendeur du navire assuré par celui-ci - Non subrogation de l'acquéreur - Valeur contractuelle en Principauté de Monaco de l'article 19 de la loi française du 13 juillet 1930 sur les assurances terrestres

Résumé🔗

Les dispositions législatives étrangères et notamment, la loi française du 13 juillet 1930 sur les assurances terrestres auxquelles se réfère le contrat d'assurances conclu entre les parties revêtent en Principauté le caractère de stipulations contractuelles.

En application de l'article 19 de la loi susvisée, l'aliénation de la chose assurée ne libère le vendeur vis à vis de l'assureur du paiement des primes à échoir qu'à partir du moment où il a informé celui-ci de l'aliénation par lettre recommandée. Il en va ainsi, alors même que l'acquéreur a acquitté une partie du montant de la prime.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant qu'il ressort des éléments de la cause la relation suivante des faits et de la procédure :

Le 22 octobre 1981 a été conclu entre le Groupement Français d'Assurances (G.F.A.) et Demoiselle P. M., par l'intermédiaire de l'Office Maritime Monégasque, un contrat d'assurances navigation de plaisance n° 5.750.243 portant sur un bateau à moteur T. P. - coque marque Chantiers de Pise - moteur marque Général Motors - d'une longueur de 19 m en bois d'une force de 650 CV x 2, pour une durée de 3 mois allant du 20 octobre 1981 au 19 janvier 1982 dont le montant de la prime s'élevant à la somme de 36 452 francs TTC payable comptant n'était réglé que partiellement à concurrence de 5 000 francs ;

Par acte sous seing privé du 30 octobre 1981 enregistré le 3 novembre 1981, demoiselle P. vendait ce bateau à G. B., l'acte de vente stipulant que les dépenses d'assurances seraient prises en charge dorénavant par l'acquéreur ;

Celui-ci effectuait à la GFA un versement de 20 000 francs ; après avoir porté cette somme au crédit de demoiselle P. la GFA réclamait le 26 mars 1982 à celle-ci le reliquat soit la somme de 11 452 francs ramenée après retranchement de la somme de 1 410 francs représentant un trop perçu de taxe, à la somme de 10 042 francs ;

Après un échange de correspondance n'ayant point abouti au règlement du solde réclamé, le GFA a le 27 avril 1983 assigné Demoiselle P. devant le Tribunal de première instance aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 10 042 francs augmentée des frais de recouvrement 1 004,20 francs et de la taxe sur la valeur ajoutée 186,78 francs soit au total 11 232,98 francs outre celle de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ainsi qu'aux dépens ; Demoiselle P. s'est opposée à cette demande en soutenant que même si les formalités de notification de cession à l'égard de l'assureur n'ont pas été respectées, celui-ci a eu connaissance de la vente intervenue le 30 octobre 1981 ; que les dispositions du Code des assurances invoquées par la GFA ne pouvaient lui être opposables dès lors qu'elles n'ont pas été portées à sa connaissance ; que l'assureur avait été largement rempli de ses droits en percevant 25 000 francs à titre de primes pour une période de 10 jours ; elle a demandé reconventionnellement 2 000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Par jugement du 17 novembre 1983 le Tribunal a condamné demoiselle P. au paiement de la somme de 10 042 francs à l'exclusion des autres sommes réclamées non justifiées et aux dépens avec distraction, aux motifs qu'elle n'avait pas satisfait aux dispositions de l'article 23 de la loi du 3 juillet 1967 sur les assurances maritimes - applicable en l'espèce - en ne réglant pas la prime à l'époque convenue - laquelle devait faire l'objet d'un paiement comptant et qu'elle était tenue, aux termes de l'article 49 de ladite loi, en dépit de l'aliénation de son navire, de régler les primes faute de s'être abstenue de demander la résiliation du contrat en application de l'article 26 - 1b des conditions générales de la police d'assurance ;

Par exploit d'huissier du 5 janvier 1984, demoiselle P. a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été signifiée le 6 décembre 1983 et a assigné devant la Cour d'appel le Groupement Français des Assurances aux fins d'infirmation du jugement et de débouter de la demande ;

Elle fait valoir dans son assignation que B. acquéreur a réglé à la GFA un acompte d'un montant de 20 000 francs à valoir sur la prime afférente à la période du 20 octobre 1981 au 20 janvier 1982 ; qu'en acceptant ainsi de substituer B. à Demoiselle P. au règlement de la prime, la GFA qui n'a pu ignorer la vente du navire a entendu respecter les dispositions expresses figurant dans l'acte de vente aux termes desquelles il appartenait à l'acquéreur de régler les primes d'assurance ; qu'ainsi les dispositions de l'acte de vente sont opposables à l'assureur lequel devait agir à l'encontre de B. ;

Que l'article L 121.10 § 3 du Code des Assurances ne peuvent lui être opposables en raison de ce que les conditions générales auxquelles elle aurait souscrit ne sont pas annexées à son contrat et qu'aucune référence à la loi française n'est mentionnée dans sa police d'assurance ;

Dans ses conclusions du 20 février 1984 le GFA conclut à la confirmation du jugement entrepris en reprenant les motifs des premiers juges (art. 49 de la loi du 3 juillet 1967) et en se fondant sur l'article L. 121.11 paragraphe 3 du Code des Assurances ;

Il soutient qu'en fait il n'a jamais été prévenu de l'aliénation effectuée par la Demoiselle P., qu'il a reçu le 24 février 1982 un chèque global de 56 523, 16 francs émanant de l'Office Maritime Monégasque comprenant les versements en deux chèques de 5 000 francs et 20 000 francs ; qu'il était impossible de savoir que B. qui avait tiré et signé le chèque de 20 000 francs avait l'acquisition du bateau, le versement de 20 000 francs ne pouvant être considéré que comme acompte à valoir sur la police versé pour le compte de Demoiselle P. ; que la vente ne lui a été communiquée qu'en novembre 1982 en annexe à une lettre de Demoiselle P. en date du 5 novembre 1982 ;

Que de l'aveu même de Demoiselle P. la ventilation effectuée entre B. et elle-même pour le montant de la prime n'a été qu'un arrangement entre le vendeur et l'acquéreur auquel l'assureur est étranger ;

L'affaire ayant été mise en délibéré le 5 juin 1984, la Cour d'appel a demandé le 29 juin 1984 à Maître Sanita, avocat-défenseur de Demoiselle P. de remettre le texte des conditions générales de la police d'assurance ;

Il a été satisfait à cette demande, dans le courant octobre, au contradictoire des parties ;

Sur ce :

Considérant qu'il apparaît des pièces produites que le contrat d'assurance daté du 22 octobre 1981 couvrant la période du 20 octobre 1981 au 19 janvier 1982 devant faire l'objet d'un paiement au comptant ; que la référence dudit contrat aux « conditions générales du 1/5/1973 » se rapporte à un document annexe du contrat portant la numérotation 1/5/73, document non contesté, que Demoiselle P. est censée ne pas ignorer pour avoir signé le contrat sa signature ayant été précédée de la formule lu et approuvé ;

Considérant que ce document contient les conditions générales de la police lesquelles se réfèrent expressément à l'application des dispositions de la loi française du 13 juillet 1930 sur les assurances terrestres sans prévoir de stipulations particulières en ce qui concerne le paiement des primes au cas d'aliénation du navire ;

Considérant que ces dispositions législatives étrangères revêtent en Principauté le caractère de stipulations contractuelles faisant la loi des parties, sans qu'il y ait lieu de retenir les dispositions législatives françaises du 3 juillet 1967 sur l'assurance maritime auxquelles le contrat ne se réfère point ;

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi susvisée, ayant valeur contractuelle : « en cas d'aliénation de la chose assurée, celui qui aliène reste tenu vis-à-vis de l'assureur au paiement des primes mais il est libéré même comme garant des primes à échoir, à partir du moment où il a informé l'assureur de l'aliénation par lettre recommandée » ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, Demoiselle P. demeurait débitrice du paiement de la prime celle-ci étant échue dès le 20 octobre 1981 ; que par ailleurs l'appelante n'a nullement informé par lettre recommandée - ainsi qu'elle le reconnaît - son assureur de l'aliénation du navire alors que celle-ci est intervenue ;

Considérant que le fait que B. ait acquitté une partie du montant de la prime ne saurait en soi impliquer que celui-ci ait été avec l'accord de l'assureur subrogé aux applications de Demoiselle P., une obligation pouvant être acquittée par quiconque au sens de l'article 1091 du Code civil ; que d'ailleurs le paiement effectué par B. a été porté au crédit de Demoiselle P. ;

Considérant qu'il s'en suit qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en condamnant Demoiselle P. à payer au Groupement Français d'Assurances la somme de 10 042 francs ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges,

Déclare recevable l'appel interjeté par Demoiselle P. à l'encontre du jugement du 17 novembre 1983 ;

Confirme le jugement entrepris ;

Composition🔗

MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Sanita et Boeri, av. déf., Escoffier (du Barreau de Nice), av.

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