Cour d'appel, 9 octobre 1984, Société de crédit et de banque (Socredit) c/ Dame J. M. et Sieur S. H.

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Abstract🔗

Responsabilité civile

Coffre-fort loué par Banque - Vol par employé de la banque - Responsabilité de la banque (oui) - Obligation de résultat

Résumé🔗

Le contrat de location de coffre-fort s'analyse en un contrat de location soumis aux règles du dépôt, au moins en ce qui concerne l'obligation de garde et de surveillance du banquier, obligation qui revêt le caractère d'une obligation de résultat et qui ne saurait être éludée par une clause déchargeant complètement la banque de toute responsabilité.

La participation volontaire d'un employé de celle-ci à l'acte délictueux ayant favorisé la soustraction frauduleuse du contenu du coffre-fort loué ne constitue pas un événement qui soit extérieur à la banque et qui présente un caractère imprévisible et inévitable de nature à exonérer l'établissement de toute responsabilité.


Motifs🔗

La Cour,

Considérant qu'il ressort des éléments de la cause la relation suivante des faits et de la procédure ;

Entre le 16 et le 18 avril 1977 un cambriolage était commis dans les locaux de l'établissement bancaire Crédit Mobilier de Monaco devenu depuis la Société de Crédit et de Banque (SOCREDIT) ; divers coffres-forts loués par cet établissement à sa clientèle étaient fracturés, ouverts et vidés de leur contenu qui était volé ;

A la suite d'une information pénale il ressortait que R. G. qui était employé au service du Crédit Mobilier de Monaco - dont il assumait sous la direction du chef d'agence M., le fonctionnement de la succursale sise avenue de Grande-Bretagne à Monte Carlo - avait participé comme complice à ce cambriolage ;

Par jugement du Tribunal correctionnel de Monaco en date du 10 juin 1978, devenu irrévocable, G. était déclaré coupable de complicité de vol et condamné de ce chef ;

Cette décision déclarait recevables les constitutions de partie-civile formées par Dame J. G. Veuve M., locataire du coffre-fort portant le n° 95 et par son neveu S. H. qui utilisait le même coffre dans lequel tous deux avait déposé des bijoux ;

Sur cette action civile le Tribunal correctionnel condamnait G. à payer d'une part à Dame J. G. la somme de 10 000 francs représentant la valeur des bijoux appartenant à celle-ci déposés dans le coffre n° 95, d'autre part, à S. H., la somme de 10 000 francs correspondant au préjudice moral subi par ce dernier, par suite du vol de divers autres bijoux déposés au coffre de sa tante et appartenant à un tiers, S. H. ayant exclu de sa demande en réparation du préjudice, son dommage matériel ;

Dans cette instance pénale le Crédit Mobilier de Monaco n'avait point été attrait en tant que civilement responsable de son employé G. ;

Aux termes d'une assurance « tous risques bijoutiers » à effet du 15 novembre 1976 au 14 novembre 1977, les assureurs membres souscripteurs du Lloyd's avaient consenti à l'Hoirie G. H.-H. à laquelle appartenait S. H., exerçant le commerce de bijoutier, une assurance applicable en particulier aux bijoux, objets de joaillerie et à toutes autres marchandises ou matières usuelles dans l'exercice du commerce de ces assurés, appartenant aux Hoirs G. H. ou leur ayant été confiés, en garde, dépôt, pour être travaillés ou à d'autres fins, ces objets sous réserve de diverses exclusions mentionnées par la police, étant alors assurés, à la condition de se trouver dans les limites territoriales spécifiques au contrat, contre toute perte ou dommage résultant de quelque cause que ce soit et à concurrence de la somme de 5 000 000 francs ;

Consécutivement au sinistre inhérent à ce cambriolage, les souscripteurs du Lloyd's ont, après déduction d'une franchise contractuelle de 25 000 francs, versé au compte de Dame Veuve H. à la Banque Worms le 9 juin 1977 la somme de 2 084 900 francs correspondant à une évaluation du préjudice faite par les assureurs après expertise ;

S. H. acceptait cette indemnité comme complet règlement de sa réclamation et autorisait les souscripteurs du Lloyd's à intenter toute action contre quiconque, comme subrogés à ses droits ;

Le 12 avril 1978, les souscripteurs du Lloyd's de Londres, S. H., Dame J. G. ont assigné le Crédit Mobilier de Monaco, la S.A.M. de Crédit et de Banque Socredit devant le Tribunal de première instance aux fins de dire et juger que les défendeurs sont civilement responsables de leur préposé G., de dire et juger en tant que de besoin que ces mêmes défendeurs ont commis des fautes particulièrement lourdes à l'égard des déposants dans les coffres de la banque ; en conséquence de les condamner à verser :

1° aux souscripteurs du Lloyd's de Londres la somme de 2 084 900 francs,

2° à S. H. les sommes de 25 000 francs (franchise contractuelle) et de 10 000 francs (dommages-intérêts pour préjudice moral auxquels a été condamné le préposé),

3° à Dame J. G., la somme de 10 000 francs (montant des dommages-intérêts auxquels a été condamné le préposé) ;

Et ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir et de condamner les défendeurs en tous les dépens ;

Les demandeurs ont par ailleurs réclamé dans leurs conclusions à l'encontre de la Socredit venant aux droits du Crédit Mobilier de Monaco le versement d'une somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance injustifiée ;

La société Socredit qui a demandé qu'acte lui soit donné de ce qu'elle venait aux droits du Crédit Mobilier de Monaco s'est opposé à cette demande en faisant grief à S. H., d'avoir en tant que mandataire de sa tante, locataire de coffres, utilisé celui-ci à des fins personnelles et d'avoir par là commis une grave faute exonérant la banque de sa responsabilité ; à Dame G. qui est la seule à pouvoir invoquer une responsabilité contractuelle d'avoir enfreint le caractère personnel de la location du coffre et de n'avoir point rapporté la preuve de son préjudice, la décision du Tribunal correctionnel étant dépourvue au civil d'autorité de la chose jugée ; aux souscripteurs du Lloyd's de ne pas démontrer que S. H. soit couvert par l'assurance ;

Par jugement du 27 mai 1982 le Tribunal de première instance de Monaco a donné acte à la Socredit de ce qu'elle venait aux droits du Crédit Mobilier de Monaco ; a déclaré la Socredit contractuellement responsable envers J. G., Veuve M. du préjudice subi par celle-ci lors du cambriolage perpétré avec la complicité de R. G. ; a déclaré la Socredit du fait de ce même cambriolage, civilement responsable envers S. H. de son préposé G. ; a dit, en conséquence, que la Socredit sera tenue de réparer l'entier préjudice découlant dudit cambriolage tant pour J. G., Veuve M. que pour S. H. ; a, dans la limite du préjudice matériel de S. H. comme de l'indemnité qu'ils lui ont versée en vertu du contrat d'assurance, déclaré les membres souscripteurs du Lloyd's fondés à exercer leurs recours, subrogés dans les droits de S. H., contre la Socredit afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en exécution dudit contrat ; a condamné la Socredit à verser d'ores et déjà à S. H. la somme de 10 000 francs en réparation de son préjudice moral ; avant dire droit pour le préjudice matériel de J. G. et de S. H., tous autres droits des parties demeurent expressément réservés ; a désigné en qualité d'expert, Ezavin P.L., avec mission serment préalablement prêté et en recourant s'il y a lieu à l'avis de tout sapiteur de son choix, de fournir tous éléments d'appréciation lui permettant :

1° de chiffrer la valeur des bijoux déposés dans le coffre-fort n° 95 dont s'agit par J. G., Veuve M., d'une part, et par S. H., d'autre part, qui auraient été dérobés lors du cambriolage ci-dessus évoqué,

2° d'apprécier les divers éléments du préjudice matériel subi du fait de ce cambriolage par chacun de ces deux déposants à raison tant de leurs droits de propriété d'un tiers pour ce qui est de ceux qui ont été déposés par S. H. et dont il y aura lieu de préciser en quoi la perte implique pour S. H. un dommage ;

A dit que cette expertise aura lieu aux frais avancés des souscripteurs du Lloyd's ; a débouté les membres souscripteurs du Lloyd's de leur demande de dommages-intérêts ; a condamné la Socredit aux dépens avec distraction ;

La Société de Crédit et de Banque (SOCREDIT) a par exploit d'huissier du 4 août 1982, relevé appel de cette décision et assigné Dame G., S. H. et les souscripteurs du Lloyd's aux fins de les voir déclarer irrecevables ou mal fondés dans leurs actions et de les entendre condamner aux entiers dépens ;

Elle fait valoir :

  • à l'égard de la demande de Dame G. que le Tribunal sans méconnaître l'existence d'une clause élusive de responsabilité au sein du contrat de location de compartiment de coffre-fort ( « l'établissement ne contracte aucune responsabilité quant à la nature, la quantité, la qualité et la valeur des documents, papiers, titres et objets renfermés dans le compartiment loué ») a estimé à tort que celle-ci était inopposable à Dame G. en raison de la faute lourde qu'aurait commise la banque, en manquant à son obligation de surveillance ; qu'en effet la faute lourde n'est point qualifiée et la clause ne peut être écarté que s'il y a faute intentionnelle ce qui n'est pas invoqué ; que la participation de G. au délit ne peut en tant que telle être ipso facto assimilée à un manquement à l'obligation de surveillance de la banque laquelle appliquait les normes recommandées par l'Association Professionnelle des banques ;

  • à l'égard de S. H. que celui-ci en utilisant le coffre-fort de sa tante seule locataire et dont la location présentait un caractère « strictement personnel », a en tant que tiers, sans lien contractuel avec la banque, commis une faute grave, directement en relation avec le préjudice qu'il invoque - ce qui exonère la banque de la responsabilité qu'elle pourrait encourir comme commettant de G. ;

  • à l'égard des souscripteurs du Lloyd's que le sort de leur action doit suivre celui réservé à S. H., sous réserve de la recevabilité de l'action subrogatoire ; qu'il n'est pas établi qu'il existe un contrat d'assurance entre S. H. et la Lloyd's ; que par ailleurs le bénéficiaire de l'indemnité versée par l'assureur n'était point S. H. ;

Dans ses conclusions du 18 octobre 1983 la Socredit en reprenant ses moyens répond aux moyens invoqués par les intimés dans leurs conclusions du 8 février 1983 ; elle fait remarquer qu'à supposer que S. H. ait été colocataire du compartiment du coffre il aurait commis dans cette hypothèse un manquement grave à ses obligations en y entreposant des bijoux appartenant à un tiers alors que la location est strictement personnelle ; qu'il serait paradoxal qu'il puisse tirer de cette situation irrégulière la possibilité d'agir sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil ; que les fautes graves commises par S. H. lequel ne pouvait méconnaître les conditions générales d'utilisation du coffre, sont de nature à exonérer la banque de toute responsabilité ;

Dans ses conclusions du 4 avril 1984 la Socredit soutient qu'il n'existe pas de subrogation légale à Monaco en matière d'assurance, que l'action du Lloyd's de Londres doit être déclarée irrecevable en l'état de son refus persistant d'exposer les raisons pour lesquelles S. H. non assuré - pourrait délivrer une quittance subrogatoire régulière alors que le bénéficiaire de l'indemnité versée à été Dame J. H. ;

Dame G., S. H. et les souscripteurs du Lloyd's de Londres ont le 8 février 1983 conclu à la confirmation pure et simple du jugement entrepris et ont demandé, en formant un appel incident, la condamnation de la Socredit au paiement d'une somme de 2 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Subsidiairement, S. H. a demandé de dire et juger qu'à défaut de voir la responsabilité de la Socredit engagée sur le fondement de l'article 1231 alinéa 4 du Code civil, celle-ci verra sa responsabilité engagée sur un fondement contractuel, comme ayant agréé S. H. comme co-locataire du compartiment n° 95 ;

Les intimés font observer :

1. - que les premiers juges ont exactement qualifié la faute lourde reprochée à la banque excluant le bénéfice d'une clause de non responsabilité à son profit ; que cette faute lourde se trouve caractérisée par le fait que le caissier - laissé sans surveillance - a facilité les cambrioleurs en leur faisant visiter à plusieurs reprises les coffres,

2. - que S. H. n'était pas comme le prétend la banque un simple tiers ; que bien que ce coffre-fort soit personnel à sa tante, celle-ci l'avait autorisé à effectuer des dépôts ; qu'il y a ainsi déposé tant des bijoux personnels que des bijoux qui lui avaient été confiés par des tiers ; que la banque dont il était l'un des administrateurs ne méconnaissait pas cette situation ; que la banque a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, du fait qu'il a été tacitement agréé comme locataire au même titre que Dame G., la banque ne disposant d'ailleurs d'aucun mandat écrit donné par Dame G. pour accéder au coffre ; qu'il doit être considéré comme co-locataire du coffre n° 95,

3. - que le recours des souscripteurs du Lloyd's est bien fondé dès lors que S. H. a signé la quittance subrogative et qu'à sa demande les fonds ont été adressés à sa mère co-assurée ;

Dans des conclusions du 17 janvier 1984 les intimés reprennent leurs écritures antérieures en soutenant que la banque en tant que commettant de G. devait être déclarée civilement responsable des fautes de ce dernier et a formé appel incident en prétendant qu'il n'y avait pas lieu à expertise et en sollicitant la condamnation de la Socredit au paiement, au profit des souscripteurs du Lloyd's de la somme de 2 084 900 francs avec intérêts de droit du jour du paiement et ce à titre de dommages-intérêts ;

Dans des conclusions du 20 mars 1984 les intimés réclament 200 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive rectifiant ainsi par suite d'une erreur matérielle le chiffre de 2 000 francs mentionné dans leurs écritures antérieures ;

Dans des conclusions du 15 mai 1984 les intimés soutiennent que dans leurs écritures de première instance la Socredit a reconnu la validité de la subrogation des assureurs ; que l'ordonnance du 19 août 1963 rendant exécutoire à Monaco la convention relative à la réglementation des assurances signée à Paris le 18 mai 1963, emporte la reconnaissance juridique en droit monégasque de la subrogation légale édictée par la réglementation française au profit de l'assureur ; que les souscripteurs du Lloyd's sont régulièrement subrogés en application des dispositions de l'article 1105 du Code civil ; que la qualité d'assuré de H. ainsi que la régularité de la quittance subrogative sont incontestables ; la police d'assurance et ses annexes sont rédigées en langue française ;

Sur ce :

Sur l'action intentée par Dame G. contre la Socredit

Considérant qu'il est constant que la convention de location du compartiment n° 95 du coffre-fort a été conclue entre l'établissement bancaire et Dame J. G., Veuve M. le 8 avril 1976 ;

Qu'il n'est point contesté que celle-ci était locataire de ce compartiment et y avait déposé quelques bijoux personnels ;

Considérant qu'en l'état de la règle du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, il apparaît que Dame G. privée du choix de l'option ne peut qu'exercer contre la banque civilement responsable de G. en tant que commettant de ce dernier, une action en responsabilité contractuelle ;

Considérant que la convention de location comporte la stipulation selon laquelle la location est consentie « à titre strictement personnel » et la clause d'exonération de responsabilité ainsi libellée :

« L'établissement ne contracte aucune responsabilité quant à la nature, la quantité, la qualité et la valeur des documents, papiers, titres et objets renfermés dans le compartiment loué. L'établissement décline toute responsabilité en cas d'accident comme en cas de force majeure » ;

Considérant qu'il est généralement acquis en jurisprudence que le contrat de coffre-fort s'analyse en un contrat de location soumis aux règles du dépôt au moins en ce qui concerne l'obligation de garde et de surveillance du banquier ; que cette obligation revêtant le caractère d'une obligation de résultat, il s'ensuit que le banquier ne peut se libérer ou atténuer sa responsabilité qu'en prouvant l'existence d'une force majeure ou d'une faute de la victime ce qui n'est point le cas en l'espèce ; que la clause d'exonération ne saurait avoir pour effet d'opérer un renversement de la charge de la preuve en obligeant le déposant à établir la preuve d'une faute du dépositaire, ni de limiter la responsabilité du dépositaire à la conservation et l'intégralité matérielle extérieure du compartiment à l'exclusion de son contenu ;

Considérant que cette obligation de surveillance et de garde qui apparaît primordiale dans ce mode de convention ne saurait être éludée par une clause déchargeant complètement la banque de toute responsabilité ;

Considérant que la participation volontaire d'un employé de la Socredit à l'acte délictueux ayant favorisé la soustraction frauduleuse du contenu du compartiment du coffre-fort susvisé, caractéristique d'une faute intentionnelle, ne constitue pas un événement qui soit extérieur à la banque et qui présente un caractère imprévisible et inévitable pour constituer un cas de force majeure ou un cas fortuit susceptible d'exonérer la Socredit de toute responsabilité ;

Considérant que Dame G. se trouve fondée à réclamer à la Socredit le montant du préjudice personnel qu'elle a subi à la suite du cambriolage, le titulaire du coffre n'ayant entendu être dédommagée que des seuls objets dont elle était propriétaire ;

Sur l'action intentée par S. H. contre la Socredit

Considérant qu'il ressort des déclarations de dame G. et de S. H., faites à la police - lesquelles ne sont point contestées - que S. H. - qui occupait les fonctions d'administrateur de la Socredit, utilisait aussi personnellement sans formalités bancaires préalables le coffre dont sa tante était titulaire, laquelle lui avait confié à cette fin la clé, mais ne lui avait point donné de procuration ; qu'il y avait déposé des bijoux lui appartenant ainsi que ceux que lui avait remis un client, Renato R., étant précisé que S. H. exerçait la profession de bijoutier ; que les circonstances de la cause permettant d'inférer que cette utilisation continue sans procuration, que la banque n'ignorait point et admettait tacitement, ne revêtait point un caractère clandestin ;

Considérant qu'il apparaît de cette situation que S. H. doit être considéré comme co-locataire de fait, du compartiment du coffre objet du vol ;

Considérant qu'il s'ensuit que S. H. se trouve fondé à diriger au même titre que sa tante une action contractuelle à l'encontre de la Socredit ;

Considérant au surplus que la banque ne saurait prétendre limiter la garantie de son obligation de sauvegarde aux seuls objets dont dame G. titulaire du coffre était propriétaire alors qu'il était normalement prévisible compte tenu des circonstances de la cause que le coffre cambriolé pouvait détenir des objets précieux appartenant à d'autres que dame G., l'absence de distinction entre les objets déposés par dame G. et son neveu découlant du secret inhérent à la nature même du contrat de location ;

Considérant enfin, qu'à supposer qu'il n'ait pu exercer une telle action, il n'en serait pas moins demeuré que H. eût été fondé à invoquer contre la Socredit la responsabilité délictuelle incombant au commettant du fait de son préposé ;

Sur l'action subrogatoire intentée par les souscripteurs du Lloyd's

Considérant que la police d'assurances n° 552/24 0632 300 « Tous risques bijoutiers » souscrite du 20 octobre 1976 (expirant le 14 novembre 1977) par les Hoirs H.-H. auprès du Lloyd's de Londres, stipule dans son article 14 - des conditions générales :

  • subrogation - recours après sinistre - « Les assureurs sont subrogés, dans les termes de l'article 35 de la loi du 13 juillet 1930, jusqu'à concurrence de l'indemnité payée par eux, dans les droits et actions de l'assuré contre tous responsables du sinistre » ;

Considérant qu'il est constant que la Lloyd's après avoir recueilli l'avis de ses experts, a fait virer au compte bancaire (Banque Worms) de Dame J. H., mère de S. H., le 9 juin 1977 la somme de 2 084 000 francs montant de l'indemnité proposée en règlement complet du sinistre ; que S. H. a accepté cette indemnité comme valant règlement complet du sinistre par la Lloyd's et a subrogé celle-ci à ses droits ;

Considérant que S. H. en tant que membre de l'Hoirie G. H., bénéficiaire de la police d'assurance, a pu valablement agir comme gestionnaire de l'indivision en acceptant ladite indemnité et en subrogeant la Lloyd's ;

Considérant que la référence à l'article 35 de la loi française du 13 juillet 1930 concernant la subrogation de l'assureur, confère en Principauté aux dispositions de cet article, la valeur d'une stipulation contractuelle dans le cadre de l'article 14 des conditions générales où il est inséré ;

Qu'au surplus une ordonnance souveraine en date du 14 août 1963, a rendu exécutoire sur le territoire monégasque, la convention du 18 mai 1963 conclue entre la France et la Principauté relative à la réglementation des assurances laquelle adopte les règles françaises ; que bien que la Principauté n'ait point promulgué la réglementation annoncée, les textes susvisés sont de nature à faire considérer que la législation française qui admet la subrogation légale de l'assureur a été implicitement adoptée en droit monégasque ; que celui-ci par ailleurs admet dans son article 1106, 3e la subrogation légale ;

Qu'il s'ensuit que la quittance subrogatoire signée par S. H. se trouve opposable à Socredit, tiers responsable, dans la limite des seuls droits que S. H. est fondé à exercer contre cet établissement ;

Considérant que la valeur des bijoux a été estimé par le Cabinet Tyler et Cie, expert d'assurance de la Lloyd's de Londres, à la somme de 1 623 000 francs en exceptant un manque à gagner de 30 % ;

Considérant que la Socredit est en droit de débattre de l'importance du préjudice invoquée, alors que l'expertise effectuée par le Cabinet Tyler et Cie présente un caractère officieux et sans contradiction et que les estimations faites au regard de chaque objet n'ont pas été portées à la connaissance de Socredit ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence en retenant les motifs des premiers juges de confirmer la mesure d'expertise ordonnée telle qu'elle a été articulée par les premiers juges sauf dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, à désigner directement un expert bijoutier plutôt que de recourir aux diligences d'un administrateur de biens ;

Sur la réparation du préjudice

Considérant que la Cour en adoptant les motifs retenus par les premiers juges, confirme d'une part, en l'état de la mesure d'expertise ordonnée, le sursis à statuer en ce qui concerne la franchise de 25 000 francs, d'autre part l'allocation d'ores et déjà de 10 000 francs de dommages-intérêts au profit de S. H. ;

Considérant qu'il n'est nullement établi que la Socredit ait commis un abus de droit dans l'invocation de ses moyens de défense et qu'elle ait ainsi abusivement résisté à la prétention des intimés ; qu'il y a lieu en conséquence de débouter ceux-ci de leur demande en dommages-intérêts ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges ;

Déclare recevables l'appel principal et l'appel incident interjetés respectivement par la Socredit, d'une part par Dame J. G., Veuve M., S. H. et les membres souscripteurs du Lloyd's, d'autre part, à l'encontre du jugement rendu le 27 mai 1982 ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions en désignant toutefois M. Pierre Peyrot, 14, avenue du Monastère à Nice - 81.92.57 au lieu et place de M. Ezavin, désigné en qualité d'expert par les premiers juges ;

Déboute Dame J. G., Veuve M., S. H. et les membres souscripteurs du Lloyd's de leur demande en dommages-intérêts ;

Composition🔗

MM. Vialatte, prem. près. ; Merqui, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquet et Lorenzi, av. déf.

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