Cour d'appel, 21 février 1983, T. c/ D.

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Abstract🔗

Détention et séquestration illégales - Caractère criminel de l'infraction punissable d'une peine correctionnelle - Excuse atténuante

Résumé🔗

Le caractère criminel de l'infraction de détention et de séquestration illégales réprimée par les articles 275 et 277 du Code Pénal n'est pas modifié par l'excuse atténuante légale prévue par l'article 277 au cas de libération de la personne détenue avant le dixième jour de la détention.


Motifs🔗

La Cour

jugeant correctionnellement,

Considérant que dans le cadre de la procédure de flagrant délit instituée par l'article 399 du Code de procédure pénale, F. D. et F. T. ont été traduits par le Procureur Général devant le Tribunal Correctionnel, sous la prévention :

A. - En ce qui concerne D., d'avoir à Monaco, le 14 janvier 1983 :

1° détenu et séquestré illégalement le personnel de la S.A.M. dite « société générale de distribution », dans les locaux de ladite Société, immeuble Le Panorama, avec cette circonstance qu'il a rendu la liberté aux personnes séquestrées avant le dixième jour accompli depuis la détention ;

Délit prévu et puni par les articles 275 et 277 du Code pénal ;

2° volontairement fait des blessures, porté des coups et commis des violences ou voies de fait sur le personnel de la société générale de distribution et sur la personne de Madame J. S., avec cette circonstance qu'il y eut préméditation ;

Délit prévu et puni par les articles 236 et 238 du Code pénal ;

3° menacé de mort Madame J. S., avec cette circonstance que les menaces ont été faites verbalement mais avec ordre et sous condition ;

Délit prévu et puni par l'article 232 du Code pénal ;

4° été trouvé porteur, hors de son domicile, sans autorisation administrative, d'un fusil de marque « Winchester », 22 L. R. et d'un révolver dit à grenailles de calibre 22 L. R.

Délit prévu et puni par les articles 1, 5 et 6, 11 et 20 de la loi n° 913 du 18 juin 1971 ;

5° sciemment recelé une gourmette et deux bagues provenant d'un vol commis courant novembre 1982, sur le territoire de Roquebrune-cap-Martin (06), au préjudice de Madame D., avec cette circonstance qu'il a été trouvé en possession desdits bijoux en Principauté de Monaco ;

Délit prévu et puni par l'article 339 du Code pénal, 6 et 8 du Code de procédure pénale ;

B. - En ce qui concerne T., d'avoir à Monaco, le 14 janvier 1983, ensemble et de concert avec D. :

1° détenu et séquestré illégalement le personnel de la S.A.M. dite « société générale de distribution », dans les locaux de ladite société, immeuble « Le Panorama », avec cette circonstance qu'il a rendu la liberté aux personnes séquestrées avant le dixième jour accompli depuis la détention ;

Délit prévu et puni par les articles 275 et 277 du Code pénal ;

2° volontairement commis des violences ou voies de fait sur le personnel de la société générale de distribution, avec cette circonstance qu'il y eut préméditation ;

Délit prévu et puni par l'article 238 du Code pénal ;

3° avoir été trouvé porteur, hors de son domicile et sans autorisation administrative, d'un fusil de marque « Winchester », 22 L.R. ;

Délit prévu et puni par les articles 1, 5 et 6, 11 et 20 de la loi n° 913 du 18 juin 1971 ;

Considérant que par jugement du 1er février 1983, le Tribunal Correctionnel s'est déclaré incompétent aux motifs que les faits imputés à D. à l'égard de J. S., à supposer établis, étaient de nature à entraîner contre lui une peine criminelle, soit par application de l'article 275 du Code pénal, soit par application des articles 275 et 278, alinéa 2 du même Code et que les autres infractions reprochées d'une part à D., et d'autre part à T., retenu comme co-auteur d'une partie des faits déférés, étaient non seulement connexes au sens de l'article 27 du Code de procédure pénale aux infractions visant J. S., mais étaient rattachés à celles-ci par les liens de l'indivisibilité ;

Qu'il a, en application de l'article 394 du Code de Procédure Pénale, renvoyé le Ministère Public et la partie civile à se pourvoir ainsi qu'ils aviseront et a décerné un mandat d'arrêt contre F. D. et F. T. et laissé les dépens à la charge du Trésor ;

Considérant que seul T. a interjeté appel à cette décision ;

Considérant que l'affaire étant dévolue à la Cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de prévenu de l'appelant, il échet d'apprécier si les faits pour lesquels T. est poursuivi - à supposer qu'ils soient établis, sont de nature à justifier l'incompétence du Tribunal Correctionnel ;

Considérant en ce qui concerne les faits, objet du premier chef de la poursuite, réprimés par les articles 275 et 277 du Code Pénal, qu'il s'infère du libellé de l'article 275, lequel définit les éléments constitutifs de la détention et de la séquestration illégales et pose le principe d'une pénalité allant de 10 à 20 ans de réclusion, que cette infraction revêt un caractère criminel ; qu'il en serait de même si les faits incriminés ne constituaient pas une détention ou une séquestration illégale mais caractériseraient une tentative de ces infractions ; que la réduction de peine prévue par l'article 277 au cas de libération de la personne détenue ou séquestrée avant le dixième jour constitue une excuse atténuante légale et n'a pas en conséquence pour effet - bien que la peine soit dans ce cas correctionnelle - de modifier la nature de l'acte criminel et de le transformer en délit ;

Considérant qu'il s'ensuit que les infractions afférentes au premier chef de la poursuite, qualifiées à tort de délit, lesquelles ne pouvaient donner lieu à l'application de la procédure spéciale de flagrant délit, justifient l'incompétence du Tribunal Correctionnel ;

Considérant que les infractions relatives aux deuxième et troisième chefs de poursuite se rattachent étroitement par leur lien de connexité aux premières infractions comme s'étant produites en même temps que celles-ci ;

Considérant que par suite de la co-action imputée à T., les poursuites pénales engagées contre celui-ci sont indivisibles de celles engagées contre D. en ce qui concerne les premier et deuxième chefs de prévention dont ce dernier fait l'objet ;

Considérant que T. qui est incarcéré depuis le 16 janvier 1983 formule à l'audience une demande de liberté provisoire ;

Considérant qu'en l'état actuel de la procédure cette demande apparaît prématurée ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel interjeté par T. contre le jugement du Tribunal Correctionnel rendu le 1er février 1983 ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Rejette la demande en liberté provisoire formée par T. ;

Composition🔗

MM. R. Vialatte prem. prés. ; H. Rossi, J. Ambrosi, cons. ; V. Garrabos, subst. proc. gén., Mes Blot et Sisbanek, av.

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