Cour d'appel, 30 juin 1981, Société Spring Alexandra c/ Époux C.

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Abstract🔗

Baux commerciaux - Fixation du loyer à l'occasion du renouvellement du bail

Absence de modification substantielle affectant la commercialité des lieux loués à la date du renouvellement du bail - Possibilité de reconsidérer le montant du loyer par référence aux conditions générales de l'économie dans la Principauté et notamment à l'augmentation des prix et des services locatifs (article 21 de la loi 490 modifiée) (non) - Fixation de ce loyer en contemplation des seuls critères énoncés par l'article 6 de ladite loi, à savoir : l'étendue, la situation, le confort, les aménagements des locaux et les facilités d'exploitation qu'ils comportent (oui)

Résumé🔗

La loi n° 490, en son article 21, tel que modifié par la loi n° 969 du 21 mars 1975, n'autorise la référence aux facteurs d'ordre économique et conjoncturel qu'en matière de révision du prix de location.

D'où il suit qu'en prenant de tels facteurs en considération à l'occasion d'une instance non point en révision au sens de l'article 21 de la loi n° 490 mais en fixation de la valeur locative équitable des lieux loués dans le cadre d'une procédure en renouvellement de bail définie par les articles 4 et 8 de ladite loi, les premiers juges ont fait une inexacte application de celle-ci et par là même, injustement fondé leur décision.


Motifs🔗

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la S.C.I. Spring Alexandra, d'un jugement de la Commission arbitrale des loyers commerciaux, en date du 27 novembre 1980, laquelle, après avoir constaté l'accord des parties sur le renouvellement à compter du 1er janvier 1980 du bail consenti par ladite société aux époux C., a fixé à la somme de 19 000 francs par an à partir du 1er janvier 1980 la valeur locative équitable et le prix du loyer que lesdits époux seraient tenus de payer à leur bailleresse, et a fait masse des dépens pour être supportés dans la proportion des 2/3 par la demanderesse et de 1/3 par les époux C. ;

Attendu qu'il doit être rappelé qu'en vertu d'une cession de bail à eux consentie par les époux S. par acte Crovetto, notaire, en date du 2 novembre 1977, les époux C. sont devenus locataires d'un local dépendant de l'immeuble sis . et appartenant à la S.C.I. Spring Alexandra, dans lequel ils exploitent à l'enseigne E. un fonds de commerce de bazar et de vente d'articles de sports, et qu'en suite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 12 mars 1980, leur bailleresse - qui a déclaré accepter le principe du renouvellement de bail venant à expiration le 31 décembre 1979 - les a attrait devant la Commission arbitrale des loyers commerciaux aux fins de voir porter le loyer annuel fixé en dernier lieu et à compter du 1er janvier 1978 à 15 000 francs par an, à 30 000 francs à partir du 1er janvier 1980 ;

Que pour justifier sa demande la S.C.I. Spring Alexandra soutenait que malgré les hausses successives intervenues depuis la fin de la guerre, les loyers n'avaient jamais pu rattraper la valeur locative équitable des locaux litigieux dont il convenait de reconsidérer l'importance et les éléments particulièrement favorables de commercialité à l'occasion du renouvellement du bail et que le loyer par elle sollicité à compter du 1er janvier 1980 était fort modéré car sensiblement inférieur à la valeur du marché apprécié par référence au prix de location d'un tel local donné pour la première fois à bail à la date précitée ;

Attendu que pour faire échec aux prétentions de leur bailleresse, les époux C. objectaient qu'en suite de révisions successives du loyer porté de 6 800 francs par an à compter du 1er janvier 1971 à 9 000 francs à partir du 1er avril 1974 puis à 15 000 francs depuis le 1er janvier 1978, après extension de l'objet du bail les autorisant à la vente d'articles de ski, alpinisme et camping, il ne pouvait être considéré qu'un tel loyer ne correspondait pas à la valeur locative des locaux litigieux dont les éléments de commercialité, au demeurant bien moins avantageux que le prétendait la bailleresse, ne justifiaient en aucun cas l'augmentation de 100 % réclamée par celle-ci ; qu'estimant manifestement excessive une telle majoration, ils offraient de payer, à compter du 1er janvier 1980, un loyer annuel de 18 000 francs, et demandaient que cette offre soit déclarée satisfactoire ;

Attendu que pour statuer ainsi qu'ils l'ont fait, les premiers juges, après avoir considéré qu'eu égard à la détermination conventionnelle du montant du loyer intervenu à une date relativement récente, la Société bailleresse ne pouvait être admise à soutenir que ce loyer ait pu ne pas correspondre à l'époque à la valeur locative des locaux appréciée en fonction des critères énoncés à l'article 6 de la loi n° 490, ont estimé que faute par la demanderesse de justifier d'une modification substantielle de la commercialité potentielle des locaux depuis 1978, date de la dernière fixation du loyer, ou de formuler une offre de preuve de ce chef, les raisons d'une majoration du loyer devaient être recherchées dans l'évolution des conditions générales de l'économie de la Principauté et en particulier dans l'augmentation des prix et des services locatifs ;

Attendu que réitérant en cause d'appel les termes de son argumentation primitive au soutien de sa demande telle que formée devant la Commission arbitrale, la S.C.I. Spring Alexandra fait grief à celle-ci d'avoir erré tant en fait qu'en droit en statuant comme s'il s'agissait d'une action en révision d'un loyer amiablement fixé à 15 000 francs par an depuis le 1er janvier 1978, impliquant une référence à l'article 21 de la loi n° 490, alors que le litige porté devant elle s'analysait en une instance en fixation du prix d'un bail renouvelé, autrement dit de la valeur locative équitable, au sens de l'article 6 de ladite loi, des locaux litigieux ;

Qu'elle estime que rien ne permet de considérer comme une simple révision du prix de location précédemment fixé de l'accord des parties à 15 000 francs par an l'objet de la demande dont la Commission arbitrale a été saisie dans le cadre d'une procédure en renouvellement du bail et que c'est à tort que cette juridiction a cru devoir suivre les époux C. dans leur argumentation consistant à identifier le loyer conventionnellement porté à la somme susvisée ensuite d'une extension de l'objet du bail, à la valeur locative équitable des locaux litigieux à l'époque où est intervenue cette majoration du loyer ; qu'enfin, reprochant aux premiers juges de s'être refusés à admettre que la notion de valeur locative équitable doit s'entendre, au vœu du législateur, d'une quantification se rapprochant des prix du marché locatif, elle conclut à la réformation du jugement entrepris et à ce qu'il soit fait droit aux fins de son exploit introductif d'instance tendant à voir fixer à compter du 1er janvier 1980 la valeur locative des lieux loués à la somme annuelle de 30 000 francs ;

Attendu qu'au bénéfice des moyens de fait et de droit déjà invoqués en première instance et par emprunt aux motifs de la décision querellée, les époux C., intimés, concluent à la confirmation de cette décision ;

SUR CE :

Attendu que si dans l'appréciation du fondement de la demande dont ils étaient saisis et erronément qualifiée par eux de « demande en révision de la valeur locative » en liminaire de leur motivation, les premiers juges ne se sont pas pour autant mépris sur la nature réelle d'une telle demande tendant à la fixation de la valeur locative équitable des locaux litigieux à l'occasion d'une procédure en renouvellement de bail et ce, en contemplation des critères légaux par eux justement rappelés tels que l'étendue, la situation, le confort, les aménagements desdits locaux et les facilités d'exploitation qu'ils comportent, il doit être observé que pour décider de la légitimité d'une augmentation du prix du bail après renouvellement et en arbitrer le montant, la Commission arbitrale n'a pas cru devoir se référer aux critères précités, énoncés par l'article 6 de la loi n° 490 telle que modifiée par la loi n° 969 du 21 mars 1975, et qui seuls pouvaient être pris en considération au jour de la demande, mais a estimé qu'en raison d'une prétendue absence de modification substantielle affectant la commercialité des lieux loués il convenait nécessairement d'avoir égard à d'autres facteurs susceptibles de promouvoir éventuellement en l'espèce, une reconsidération du loyer, tels que l'évolution des conditions générales de l'économie dans la Principauté et plus particulièrement l'augmentation des prix et des services locatifs ;

Or, attendu qu'il est constant que la loi n° 490, en son article 21, tel que modifié par la loi n° 969 du 21 mars 1975, n'autorise la référence à ces facteurs d'ordre économique et conjoncturel qu'en matière de révision du prix de location ;

Qu'il s'ensuit qu'en les prenant en considération à l'occasion d'une instance aux fins non point de révision au sens de l'article 21 précité mais de fixation de la valeur locative équitable des locaux litigieux dans le cadre d'une procédure en renouvellement de bail définie par les articles 4 et 8 de ladite loi n° 490, les premiers juges ont fait, en l'espèce, une inexacte application de celle-ci et par là même, injustement fondé leur décision dont il doit être observé qu'elle s'induit également à tort de circonstances antérieures à l'expiration du bail telles que la détermination conventionnelle du loyer intervenue en novembre 1977 lors de l'entrée dans les lieux des intimés et implicitement considérée comme ayant pu correspondre à la valeur locative desdits locaux à cette époque ;

Qu'il est à peine besoin de souligner le caractère inopérant d'une telle considération au regard de la démarche juridique qu'impose la solution du litige dès lors qu'en admettant même que le prix de location convenu par les parties lors de la cession, à la date précitée, du bail dont s'agit aux époux C. ait correspondu alors à la valeur locative des lieux loués entendue au sens de l'article 6 de la loi n° 490, la survenance de cette circonstance en cours de location n'a pu avoir pour conséquence d'interdire une reconsidération de ladite valeur locative à l'occasion du renouvellement du bail venu à expiration le 31 décembre 1979, lequel, en l'état du désaccord des parties sur le montant du loyer applicable à partir du 1er janvier 1980, impliquait nécessairement une nouvelle fixation de celui-ci, cette fois par voie judiciaire et en fonction des seuls critères énoncés à l'article 6 susvisé de la loi n° 490 et appliqués au cas de l'espèce à la date dudit renouvellement, étant observé à cet égard qu'une absence de modification des éléments de commercialité d'un local ne confère pas pour autant un caractère ne varietur à sa valeur locative ;

Attendu que la Cour ayant, en l'espèce, et en contemplation des seuls critères de commercialité dont s'agit, reconsidérés au 1er janvier 1980, les éléments pour arbitrer à 19 000 francs la valeur locative équitable et le montant du loyer annuel du local litigieux, il échet, par substitution de motifs, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'après avoir constaté l'accord des parties sur le renouvellement, à compter du 1er janvier 1980, du bail portant sur ledit local aux clauses et conditions stipulées sauf en ce qui concerne le prix, il a fixé à la même somme de 19 000 francs par an, à partir de cette date la valeur locative équitable et le prix du loyer que les époux C. devront payer à la Société Spring Alexandra ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

substitués à ceux des premiers juges ;

La Cour confirme le jugement déféré de la Commission arbitrale des loyers commerciaux en date du 27 novembre 1980 qui sortira son plein et entier effet ;

Composition🔗

M. Merqui, prés., Mme Picco-Margossian, prem. subst. gén., MMe Marquet et Boéri, av. déf., Cohen (du barreau de Nice), av.

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