Cour d'appel, 9 janvier 1979, R. c/ O. - Dame W. D. - Dame S., ès qualités.

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Abstract🔗

Trust de droit Liechtensteinois - Droits du fondateur

1° Forme, enregistrement et représentation du trust - Nécessité pour le fondateur d'être domicilié au Liechtenstein ou ressortissant de ce pays (oui)

2° Droits du fondateur - Propriété apparente du trust pendant le temps requis pour sa formation - Droit de disposition ou de regard après les formalités d'enregistrement du trust au registre public et de « blankozession » (non) - Possibilité pour le fondateur de faire partie du conseil d'administration avec un droit de signature (oui)

Résumé🔗

D'après le droit du Liechtenstein, un trust enregistré constitue une entité juridique ayant la forme d'une entreprise fiduciaire ou de curatelle, habituellement constituée par une personne : le fondateur du trust, lequel est nécessairement domicilié au Liechtenstein ou généralement un ressortissant de ce pays, et agit pour le compte d'un client désirant y créer une telle société à des fins personnelles ou pour le compte de tiers (1).

En pratique, aussitôt l'acte de constitution signé et enregistré au Registre public, le fondateur transfère ses droits au moyen d'un acte de cession en blanc dit « blankozession » parce que le plus souvent le client bénéficiaire ne désire pas que son nom apparaisse dans cet acte de cession, lequel confère à ce dernier la propriété exclusive dudit trust dont le fondateur n'a été que le propriétaire apparent pendant le temps requis pour sa fondation.

La possibilité pour le fondateur de faire partie du conseil d'administration, avec un droit de signature individuelle ou collective, ne lui confère pas pour autant un quelconque droit pétitoire sur le trust dont il demeure le représentant légal au Liechtenstein (2).


Motifs🔗

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par R. R. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 30 juin 1977, lequel s'est déclaré incompétent ratione loci et l'a débouté en conséquence de ses demandes, fins et conclusions ;

Attendu que le 5 mars 1974 décédait à Monaco, le sieur D. R. en l'état d'un testament établi à Lugano (Suisse) le 17 novembre 1972, selon les formes de la loi anglaise, aux termes duquel il léguait tous les biens mobiliers se trouvant dans son appartement au jour de son décès, à son épouse, la dame D. W., tous les autres biens mobiliers et immobiliers étant laissés pour 60 % à cette dernière, 30 % à son fils R. R. issu d'un premier mariage avec la dame K. D., prédécédée, et 10 % à son ami, le sieur D., sollicitor en Grande-Bretagne ;

Attendu qu'en sa qualité d'héritier réservataire, R. R. sollicitait et obtenait le 5 avril 1974 l'apposition de scellés sur l'appartement sis n° 24, bloc C, au 8e étage de l'immeuble ., ., loué par la dame W. et dans lequel se trouvaient les biens mobiliers à elle légués ; que, le 12 décembre 1974, il était procédé à l'inventaire de ces biens par Madame N. S., désignée par jugement du 23 août 1974, en qualité d'administrateur provisoire de la succession de D. R., avec la mission de faire procéder à la levée desdits scellés et d'inventorier tous les biens mobiliers et immobiliers du défunt ;

Attendu que la dame S. ayant remis tous les documents, papiers personnels et correspondances ayant appartenu à D. R. à Maître Rey, notaire à Monaco, aux fins d'inventaire, ce dernier procédait aussitôt à ses opérations, qui se poursuivaient encore le 18 octobre 1976, lorsqu'il a été fait état d'une lettre adressée le 7 février 1976 à ce notaire par un sieur G. O. se disant propriétaire du Steward International Trust Reg, enregistré à Vaduz (Liechtenstein) qui s'opposait à l'examen de tous les documents concernant ledit trust et se trouvant dans la résidence de feu D. R., tenant ledit notaire pour responsable de la violation du secret professionnel à l'encontre aussi bien du trust que de son administrateur et de ses membres au cas où il serait passé outre à son interdiction ;

Que Maître Rey suspendait alors ses opérations et saisissait de la difficulté le Président du Tribunal qui, par ordonnance du 20 octobre 1976, constatait que le Steward International Trust Reg, personne morale, pouvait avoir des intérêts propres, différents de ceux des personnes physiques qui le composent et parmi eux le de cujus qui n'était apparemment pas le membre unique de ce trust, et sursoyant à statuer sur ladite difficulté d'inventaire, ordonnait la mise en cause dudit trust aux diligences de R. R. ;

Attendu qu'en cet état, ce dernier assignait directement devant le Tribunal de première instance G. O., dame D. W., D. et dame S., à l'effet d'entendre dire et juger que ledit O. ne saurait se prétendre propriétaire du Steward International Trust, que la preuve était rapportée que son père avait fait des opérations personnelles par l'intermédiaire de ce trust et que les opérations d'inventaire pendantes en l'étude de Maître Rey, notaire, devaient comprendre l'examen détaillé des dossiers rubriqués au nom dudit trust ;

Attendu que pour décliner sa compétence, le Tribunal estimait que l'action dont il était saisi apparaissait, au plan juridique, dirigée contre le sieur O. et que la mise en cause de dame W. et de D., comme celle de dame S. n'avait d'autre objet que de leur rendre opposable une procédure à l'occasion de laquelle le demandeur ne concluait pas contre eux ;

Que relevant que O. est domicilié à Vaduz (Liechtenstein), il considérait qu'aucune disposition du Code de procédure civile n'autorise un demandeur à assigner à Monaco une partie domiciliée à l'étranger, pour faire déterminer par les juridictions monégasques si ce défendeur peut ou non se prétendre propriétaire d'une société étrangère ;

Attendu que l'appelant fait grief à la décision attaquée d'avoir méconnu les dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure civile, qui attribuent compétence aux juridictions monégasques pour connaître de toute action, d'une part, en cas de pluralité de défendeurs, si l'un d'eux est domicilié en Principauté, d'autre part, lorsqu'une telle action est relative à une succession ouverte à Monaco ;

Qu'il soutient que la dame W. n'a, à aucun moment, contesté être domiciliée au ., ., et qu'un arrêt de la Cour de céans du 28 juin 1977 a relevé que feu D. R. était lui-même domicilié à cette adresse lors de son décès et qu'en conséquence, c'est en Principauté que s'est ouverte sa succession ; qu'il estime que c'est donc en violation des textes susvisés que les premiers juges se sont déclarés incompétents ratione loci et que, par suite, leur décision doit être réformée de ce chef ;

Attendu que reprochant encore à la décision déférée de n'avoir pas répondu aux questions de fond posées par son assignation du 20 janvier 1977, l'appelant conteste d'autant plus le droit pour O. de revendiquer la propriété du Steward International Trust qu'il était le seul administrateur de ce trust - les deux autres étant feu D. R. et D. - à ne pas détenir un droit de signature individuel, en sorte que son rôle s'est limité à celui d'un administrateur prête-nom en résidence au Liechtenstein, auquel il convenait nécessairement de recourir pour fonder une société dans ce pays, d'une part, et qu'aussitôt la fondation dudit trust, intervenue le 6 février 1970, cet administrateur a cédé tous ses droits dans cette société au moyen d'un acte de cession en blanc dont il est établi que feu D. R. a été le seul bénéficiaire, ce qui lui assurait la possibilité de faire des opérations personnelles par le truchement du trust dont s'agit, d'autre part ;

Qu'il rappelle, à cet égard, que le 11 mars 1970, soit peu après la fondation du Steward International Trust, son père, feu D. R. faisait l'acquisition d'une villa à Cervo (Italie) au nom de cette société, tout en acquittant le prix au moyen d'un chèque tiré sur son compte personnel à la Société de Banque Suisse à Zurich ; que, s'étant installé immédiatement dans cette villa, il y faisait placer un poste téléphonique à son nom et contractait une assurance de garantie immobilière qui devait être portée au nom de ses héritiers après son décès et dont les primes ont continué à être réglées par sa veuve, laquelle, associée à D., tentait de mettre en vente ladite villa avant que soient effectuées les opérations d'inventaire ordonnées par le juge des référés ;

Que, relevant, en outre, que le papier à en-tête du Steward International Trust comportait les numéros de boîte postale et de téléphone personnels de D. R. à l'époque où il résidait à Locarno (Suisse), il soutient que ces faits et circonstances démontrent que depuis sa fondation ladite société n'a eu d'autre siège réel que le lieu de domicile de feu D. R., transféré en dernier lieu à Monte-Carlo, immeuble ., où ont d'ailleurs été trouvées toutes les archives du trust précité ;

Qu'insistant sur le caractère fictif de ce dernier, établi, selon lui, par la propre correspondance du conseil de O. au Liechtenstein versée aux débats, et sur le bien-fondé de sa demande tendant à la détermination, par voie d'inventaire, de l'importance des créances de feu son père sur la Société dont s'agit, il demande à la Cour de faire droit aux fins de son exploit introductif d'instance réitérées en cause d'appel ;

Qu'estimant, par ailleurs, avoir subi un grave préjudice par suite des manœuvres dilatoires auxquelles se sont livrés dame W. et les sieurs O. et D. pour faire échec à son droit de faire rechercher la consistance exacte d'une succession à laquelle il est partie prenante, il conclut à la condamnation de ces derniers au paiement d'une somme de 100 000 francs à titre de dommages intérêts en réparation dudit préjudice ;

Qu'enfin, rectifiant à la barre ses écritures judiciaires en date du 20 juin 1978 tendant à voir constater qu'il y a eu de la part des susnommés recel de succession au sens de l'article 673 du Code civil, il sollicite le donné acte de ses réserves d'agir à leur encontre sur le fondement de ce texte au cas où il serait avéré que les biens de feu D. R. ont été par eux divertis ;

Attendu, qu'en des écritures communes G. O., D. et dame W., intimés, font valoir, d'une part, que le Steward International Trust, enregistré et domicilié à Vaduz (Liechtenstein) constitue une personne morale possédant la nationalité de ce pays et dont le patrimoine est exclusif de tout actif mobilier ou immobilier en Principauté de Monaco, d'autre part, que bien que distinct de ses membres, ledit trust n'a pas été attrait en la cause et qu'au demeurant, aucune des parties à la présente instance n'est domiciliée à Monaco ;

Qu'ils estiment, en conséquence, que c'est à bon droit que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour rechercher quel serait le véritable propriétaire du Steward International Trust ;

Qu'ils soutiennent, à cet égard, que ce dernier est légalement la propriété de O. depuis sa création et que son activité essentielle consiste en la gestion de portefeuilles d'investissement appartenant à des particuliers, ce qui explique la désignation - concurremment avec ledit O. et D. - de feu D. R., particulièrement compétent en semblable matière, aux fonctions d'administrateur, détenteur avec D. de la signature sociale quoique tributaire, pour l'accomplissement des actes importants engageant le patrimoine du trust, de l'autorisation préalable du propriétaire fondateur O., lequel n'exerçant pas lui-même effectivement les fonctions d'administrateur ne possédait nécessairement qu'un droit de signature collectif ; qu'ainsi c'est avec l'autorisation de O. que D. R. a acheté une villa à Cervo (Italie) pour le compte du trust et que D. a tenté, par la suite, d'en négocier la vente puis a représenté ledit trust en justice dans un procès en revendication engagé devant le Tribunal de première instance d'Imperia (Italie) par l'appelant qui a été débouté de sa demande faute de prouver que ladite villa était la propriété personnelle de son père ;

Qu'ils concluent donc à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de l'appelant de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Attendu que la dame S. sollicite, en sa qualité d'administrateur de la succession de feu D. R. le donné acte de son rapport à justice ;

I. - Sur la compétence :

Attendu qu'il doit être observé qu'aux termes de son exploit introductif d'instance du 20 janvier 1977, R. R. a assigné quatre défendeurs aux fins ci-avant rappelées ;

Que s'il est constant que deux de ces défendeurs : les sieurs O. et D. ne sont pas domiciliés en Principauté de Monaco, il est tout aussi avéré que les deux autres savoir : dame D. W. et dame S., cette dernière prise en sa qualité d'administrateur de la succession du sieur D. R. y ont leur domicile, la première dans l'immeuble ., ., la deuxième, en ses bureaux, au Palais de Justice ; que la domiciliation de ladite dame W. à Monaco peut d'autant moins être contestée qu'elle a été consacrée par un arrêt de la Cour de céans en date du 28 juin 1977 devenu irrévocable en suite du rejet, par la Cour de Révision, d'un pourvoi formé à son encontre ;

Attendu que si la dame S. ne peut être considérée, eu égard à sa qualité, comme un défendeur au fond en opposition d'intérêt avec le demandeur, il en est autrement de dame W., partie prenante, au même titre que ce dernier, à la succession de feu D. R., et à laquelle il a été reproché, dans l'assignation du 20 janvier 1977, de s'être livrée, de concert avec D., à des manœuvres d'obstruction pour faire échec à tout inventaire des biens laissés par son époux prédécédé et d'avoir tenté, le 16 février 1976, d'obtenir la suspension des opérations d'inventaire en produisant une lettre de G. O. dans laquelle ce dernier se prétendait propriétaire de Steward International Trust et déclarait s'opposer à l'examen de tous documents y afférents ; qu'étant, en sa qualité de légataire à titre universel, nécessairement concernée par le résultat de l'inventaire tel que réclamé par R. R. dans le dispositif de son assignation précitée, dame W. ne saurait, par là même, soutenir valablement qu'elle a comparu devant les premiers juges en tant que défendeur étranger à l'action engagée contre O., D. et elle-même ;

Qu'il s'ensuit qu'en l'état de la pluralité de défendeurs et de la circonstance que l'un d'eux, ladite dame W., est domiciliée en Principauté, le Tribunal se trouvait compétent pour connaître de la demande de R. R. en vertu des dispositions de l'article 2 du Code de procédure civile ;

Attendu que ce dernier agissant en qualité d'héritier de feu D. R. à l'encontre des trois défendeurs précités dont deux d'entre eux, dame W. et D., ont été institués légataires à titre universel des biens du de cujus, décédé le 5 mars 1974 à Monaco et dont il a été définitivement jugé que la succession s'était ouverte en Principauté, le Tribunal était supplémentairement compétent en application des dispositions de l'article 3, paragraphe 3 du Code de procédure civile, eu égard à la nature de l'action tendant en définitive et par voie d'inventaire de tous les documents se trouvant au domicile du défendeur, à la détermination de l'actif successoral ;

Attendu dans ces conditions, qu'en déclinant leur compétence ratione loci, les premiers juges ont méconnu, à tort, les dispositions légales susvisées ; qu'il y a donc lieu de réformer leur décision et de statuer au fond ;

II. - Sur le fond :

Attendu qu'à la suite d'une décision de la Cour de Révision en date du 27 avril 1978 - soit postérieurement au jugement attaqué - ayant rejeté un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour de céans du 28 juin 1977, qui a estimé que feu D. R. était domicilié à Monaco, est intervenue une ordonnance de référé en date du 26 mai 1978, disposant que tous les dossiers, documents et pièces trouvés au domicile du susnommé, immeuble ., ., et transférés chez Maître Rey, notaire, seraient remis par ce dernier à dame S., administrateur judiciaire de la succession dudit D. R., afin de permettre toutes les investigations nécessaires pour établir la consistance de cette succession, ledit administrateur étant habilité à remettre sur la demande de chacune des parties photocopie des documents en sa possession ;

Attendu qu'en cet état, l'appelant produit aux débats un certain nombre de pièces régulièrement communiquées et dont les termes, traduits de l'allemand, ne sont nullement contestés, desquelles il ressort que d'après le droit du Liechtenstein, un trust enregistré, tel que le Steward International Trust Reg, constitue une entité juridique ayant la forme d'une entreprise fiduciaire ou de curatelle habituellement constituée par une personne : le fondateur du trust, lequel est nécessairement domicilié au Liechtenstein ou généralement un ressortissant de ce pays, et agit pour le compte d'un client désirant y créer une telle société à des fins personnelles ou pour le compte de tiers ; qu'aussitôt l'acte de constitution signé et enregistré au Registre Public, qui remplace au Liechtenstein le Registre du Commerce, le fondateur transfère ses droits au moyen d'un acte de cession en blanc dit « blankozession » parce que dans la plupart des cas le client bénéficiaire ne désire pas que son nom apparaisse dans cet acte de cession, lequel n'est pas nécessairement annexé au dossier de la Société déposé auprès du Registre public et constitue, d'après la jurisprudence Liechtensteinoise, un document établissant que les droits du fondateur ont été cédés et que ce dernier n'a plus sur le trust aucune prétention pétitoire ; qu'une telle entreprise est tenue de par la loi du Liechtenstein d'avoir un représentant permanent dans ce pays et que la personne physique à laquelle est conféré un pouvoir de représentation est, d'ordinaire, le fondateur lui-même en raison de sa domiciliation dans ledit pays, étant observé qu'il peut, pour cette même raison, faire partie du conseil d'administration avec, selon les cas, un droit de signature individuelle ou collective ; qu'enfin, la forme normale d'un trust enregistré est celle d'une société dont le capital n'est pas divisé en parts ou actions et qui est mis à la disposition du fondateur par celui qui entend créer à son profit ou à celui d'un tiers, le trust dont s'agit, pour être entièrement libéré avant le dépôt des statuts au Registre public ;

Attendu qu'à l'examen des documents versés aux débats, il appert que la fondation, la représentation et l'administration du Steward International Trust Reg, s'inspirent des principes rappelés ci-dessus et que G. O. son administrateur et représentant statutaire au Liechtenstein n'a été que le fondateur prête-nom nécessaire, au vœu de la loi de ce pays, à sa création, requis à cet effet par feu D. R. ;

Qu'il est en effet établi qu'après une consultation de O., en date du 26 novembre 1969, l'instruisant de la procédure à suivre pour créer une société au Liechtenstein, D. R. donnait, le 4 février 1970, l'ordre à sa banque, la Société de Banque Suisse à Zurich, de virer une somme de 20 000 francs suisses, en faveur de Steward International Trust en voie de fondation à Vaduz et d'envoyer l'avis de versement de ces fonds, correspondant au capital social de ce trust, audit O. ; que dès réception, ce dernier procédait à l'enregistrement du trust à Vaduz en vertu d'un acte de fondation en date du 6 février 1970 qui en fixait le siège dans cette ville sans autre précision d'adresse, attestait la libération intégrale des fonds sociaux s'élevant à 20 000 francs suisses et désignait comme membres du conseil d'administration, D. et D. R. avec droit de signature individuelle et O., avec droit de signature simplement collective, ce dernier se voyant confier en outre la représentation légale de la société ainsi créée, dont l'objet, tel que prévu par l'article 3 de ses statuts, revêtait un caractère très général puisque relatif à « des affaires commerciales de toute sorte, importation et exportation de marchandises, administration de biens, acquisition, administration et utilisation d'immeubles et de meubles, brevets et licences, ainsi que toutes les affaires en rapport direct ou indirect avec cet objet principal » ; que cependant, et en l'état des dispositions de l'article 10 des statuts lui en réservant expressément la possibilité, O. souscrivait à la même date du 6 février 1970, un acte de cession en blanc, par lequel il déclarait céder, en sa qualité de fondateur, tous les droits qui lui étaient conférés par la loi à un bénéficiaire innomé, et n'avoir plus aucun droit dans la société en ladite qualité ; qu'en fait, cette cession a été consentie à D. R. qui, dans une lettre du 10 février 1970, adressée de Clarens Montreux écrivait à O. pour lui accuser réception de son acte de cession comportant renonciation « à toutes réclamations et droits en tant que propriétaire de la fondation », lui déclarer qu'il acceptait « les droits et obligations découlant de cette cession » et le décharger de toutes responsabilités en ladite qualité de propriétaire originel de la Société ;

Attendu qu'il est surabondamment démontré de la sorte, que O. n'a été le propriétaire apparent du Steward International Trust Reg que le temps requis pour l'accomplissement des formalités de fondation et qu'après avoir rempli son rôle de prête-nom nécessaire et suffisant mais aussi salarié - comme il résulte de sa consultation du 26 novembre 1969 - pour parvenir à la création d'un tel trust au Liechtenstein, à la demande de D. R., il a renoncé aux droits illusoires qu'il possédait dans ledit trust pour ne plus figurer dans les rouages de ce dernier qu'en qualité d'administrateur chargé de sa représentation légale ; qu'au demeurant, l'activité quasi professionnelle et intuitu personnae de simple fondateur de sociétés au Liechtenstein pour le compte d'autrui de G. O. s'évince encore d'une correspondance échangée avec D. R. en novembre 1970 et en septembre 1973, aux termes de laquelle ce dernier le priait d'envisager d'abord la création d'un nouveau trust pour son fils, puis d'entreprendre la fondation d'une autre société dénommée Cranch International ;

Attendu que, dans ces conditions, O. apparaît mal fondé à se prétendre propriétaire du Steward International Trust en exhibant un document souscrit par ses soins le 17 juillet 1974 dans lequel il certifie posséder cette qualité, ainsi qu'une attestation émanant du Bureau du Tribunal de première instance de Vaduz en date du 26 novembre 1974 faisant simplement état, en contemplation « des actes déposés légalement » de la qualité de « fondateur » (fiduciaire) dudit O. de la Société précitée ;

Attendu qu'une telle prétention est d'autant moins sérieuse qu'outre le fait de son infirmation par la cession par O. de tous ses droits sur le trust litigieux à D. R. dans les conditions ci-avant rappelées, elle se trouve contredite par une correspondance échangée entre le conseil liechtensteinois de ce dernier, le Docteur F. et celui de O. à Vaduz, le Docteur M., lequel dans une lettre en date du 23 novembre 1977, a reconnu que son client n'était que « Conseiller et cosignataire » du trust et ne possédait « pas de documents concernant les affaires de cette compagnie » et que « ces affaires se faisaient uniquement par deux personnes habilitées chacune à signer seule, c'est-à-dire Monsieur P. B. D. et feu Monsieur D. R. » ;

Attendu qu'il apparaît, en réalité, qu'aussitôt après sa fondation et en l'état de la cession des droits de fondateur intervenue à son profit, feu D. R. s'est comporté en maître du Steward International Trust dont le papier à en-tête comportait l'indication des numéros de boîte postale et de téléphone personnels de ce dernier lorsqu'il résidait à Locarno (Suisse) et par le truchement duquel il a réalisé des opérations personnelles telles que l'acquisition d'une villa à Cervo (Italie) dont le prix a été réglé au moyen d'un chèque tiré sur son compte personnel à la Société de banques Suisses à Zurich, et dans laquelle il s'est installé avec sa famille et fait poser un poste téléphonique à son nom, après avoir souscrit une police d'assurances dommages, vol et incendie auprès de la Compagnie « Le Assicurazione d'Italia » à Imperia, en sa qualité de propriétaire de ladite villa, laquelle police a été ultérieurement transférée au nom de ses héritiers qui ont continué à en régler les primes ;

Attendu que c'est donc sans droit que O. s'est opposé à l'examen de tous documents concernant le Steward International Trust trouvés au domicile de feu D. R. à Monaco et déposés en l'étude de Maître Rey, notaire, aux fins d'inventaire, et fait ainsi échec à une décision de justice ayant ordonné une telle mesure en vue de la détermination exacte de l'actif successoral du de cujus ;

Attendu que la preuve que ce dernier faisait des opérations personnelles par l'intermédiaire de la société précitée étant rapportée et le montant de ses créances éventuelles sur celle-ci ne pouvant être déterminé que par ledit examen, il y a lieu de faire droit, de ce chef, aux fins de l'appel de R. R. dont l'intérêt à ce qu'il y soit procédé apparaît parfaitement légitime ;

Attendu que l'opposition de O., mais aussi de dame W. et de D. - qui concluent à la confirmation du jugement déféré - à la poursuite des opérations d'inventaire revêtant un caractère abusif et dommageable en raison des instances que l'appelant a été dans l'obligation de diligenter jusque devant la Cour de céans, il échet également de faire droit en son principe à la demande de ce dernier tendant à la condamnation conjointe et solidaire des intimés susnommés à des dommages intérêts dont il convient d'arbitrer le quantum à la somme de dix mille francs ;

Attendu qu'il y a lieu, en outre, de donner acte à l'appelant de ses réserves d'agir ultérieurement à l'encontre de O., D. et dame W. sur le fondement de l'article 673 du Code civil ;

Qu'il doit être enfin donné acte à la dame S. de son rapport à justice ;

Attendu que les dépens doivent être mis à la charge de O., dame W., Veuve R. et D. qui succombent ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Accueille en la forme R. R. en son appel, et y faisant droit ;

Réforme le jugement du Tribunal de première instance en date du 30 juin 1977, en ce que ce dernier s'est déclaré incompétent ratione loci et a débouté ledit R. R. de ses demandes, fins et conclusions ;

Et statuant au fond,

Dit et juge que O. ne saurait, pour les causes énoncées aux motifs, valablement se prétendre propriétaire de la Société Steward International Trust Reg, et que les opérations d'inventaire actuellement pendantes en l'étude de Maître Rey, notaire à Monaco, comprendront l'examen détaillé de tous les documents rubriqués au nom de cette société et trouvés au domicile de feu D. R. sis immeuble ., . ;

Condamne O., dame W., Veuve R. et D. conjointement et solidairement à payer à R. R. la somme de 10 000 (dix mille) francs, à titre de dommages intérêts ;

Décerne à ce dernier et à dame S. ès-qualités les donné actes par eux respectivement sollicités et visés aux motifs.

Composition🔗

MMe Marquilly, Boéri et Sanita, av. déf., Vadon (du barreau de Marseille), av.

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