Cour d'appel, 25 octobre 1977, S.A.M. Banque de Financement Industriel c/ S.A. San Maria, R., G. et Autres.
Abstract🔗
Sociétés anonymes
Conseil d'Administration - Modification - Nécessité d'en aviser l'Administration - Sanction - Nullité
Action en justice
Société Anonyme - Président - Défaut de qualité - Irrecevabilité de l'action
Résumé🔗
L'article 5 de l'Ordonnance du 5 mars 1895 impose à peine de nullité aux Sociétés Anonymes, notamment, l'obligation de signaler toutes modifications survenant dans les indications fournies dans la demande d'inscription (donc la composition du Conseil d'Administration) au Secrétariat du Département des Finances dans les 15 jours du Conseil ou de l'Assemblée Générale qui les auront décidées ; faute de l'accomplissement de cette formalité dans le délai imparti, le Président nouvellement désigné est sans qualité pour agir en justice au nom de la société et l'action ainsi engagée est irrecevable
Motifs🔗
La Cour
Statuant sur l'appel interjeté dans le délai légal par la Société Anonyme Monégasque « Banque de Financement Industriel (en abrégé B.F.I.), en la personne du Président en exercice de son Conseil d'Administration, à l'encontre de l'Ordonnance du 14 février 1977 par laquelle le Magistrat des Référés, saisi par son assignation du 2 février » aux poursuites et diligences de son Président en exercice, le sieur E.-C. M. «, tendant à la rétractation de l'Ordonnance présidentielle du 18 janvier 1977 et par voie de conséquence à la mainlevée des mesures conservatoires prises par la Société anonyme San Maria, son liquidateur amiable et ses actionnaires, notamment de la saisie-arrêt pratiquée le 21 janvier 1977 ;
1° a rejeté l'exception d'irrecevabilité, soulevée par les défendeurs, de l'action de B.F.I. pour défaut de qualité de M.,
2° a dit n'y avoir lieu d'ordonner la rétractation et la mainlevée sollicitée ;
Attendu que sans revenir sur la première partie de cette ordonnance, qu'elle approuve implicitement, la Société appelante critique, en son exploit, la décision rendue qui n'aurait pas tiré les conséquences des accords intervenus entre les parties, de l'indépendance de leurs personnalités et la régularité dans l'approbation des prêts litigieux en raison desquels serait invoquée à tort sa qualité de débitrice vis-à-vis de la Société San Maria ;
Qu'en de premières conclusions les intimés : Sté San Maria, représentée par son liquidateur amiable A., et ses actionnaires A., G., R. et L., reprenaient uniquement le moyen d'irrecevabilité de l'acte d'appel, rejeté par le premier juge, se réservant de conclure sur le fond du litige après réponse de la Société appelante sur ce point ; qu'ils soutiennent, en vertu de l'article 5 de l'Ordonnance Souveraine du 5 mars 1895, la nullité à l'égard des tiers de la nomination aux fonctions de Président de la B.F.I. du sieur M., qui n'a pas été signalée aux autorités administratives dans les quinze jours mais près de trois mois après et déclarent en apporter les justifications en l'absence desquelles le Juge des référés avait rejeté leur exception en considérant que ce défaut d'avis n'était pas suffisamment prouvé ; qu'en de nouveaux écrits, postérieurs aux conclusions de B.F.I. soutenant la qualité de M. pour agir et tendant au rejet du moyen d'irrecevabilité, les intimés répondent à ces arguments, confirment leur moyen principal et n'abordent que subsidiairement l'examen de la décision du premier juge dont ils soutiennent qu'elle est bien fondée et devrait, en toute hypothèse, être confirmée ;
Sur la qualité de M. pour agir au nom de la B.F.I.
Attendu qu'il est constant que la S.A. San Maria, son liquidateur amiable A. et ses actionnaires R., G., A. et L., régulièrement autorisés par Ordonnance présidentielle du 18 janvier 1977, ont fait procéder le 21 janvier à une saisie-arrêt, avec assignations en déclarations affirmatives et en validité, sur toutes sommes revenant ou pouvant revenir à la B.F.I. et aux S.C.I. Castel Régina et Florentina à concurrence de 4 710 000 F, mesure faisant suite à celle, de même nature, qui avait été autorisée par Ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Nice du 30 novembre 1976 et pratiquée le 9 décembre 1976 ;
Attendu que par exploit du 2 février 1977, la B.F.I., aux poursuites et diligences de son Président en exercice, M. E.-C.-H. M., né à Schaarbeck (Belgique), le 15 mai 1922, de nationalité belge, et se déclarant domicilié au siège social, a assigné la Société San Maria, son liquidateur et ses actionnaires devant le Juge des Référés pour voir ordonner la rétractation de l'Ordonnance surprise à la religion du Président et la mainlevée des mesures conservatoires prises en son application, sous réserve de tous dommages-intérêts ;
Attendu que l'Ordonnance du 14 février 1977 rejetait l'exception d'irrecevabilité de l'action introduite au nom de B.F.I. pour défaut de qualité de M., au motif que les défendeurs, qui l'avaient aussitôt soulevée, ne rapportaient pas suffisamment, par la lettre du Directeur du Répertoire du Commerce du 25 juin 1976, la preuve que B.F.I. n'aurait pas » signalé « le changement de son Conseil d'Administration, autrement que par la demande de modification d'inscription déposée à ce service le 18 mars 1976 ;
Attendu que les intimés, demandeurs à l'exception, font observer que la preuve de la carence prolongée de B.F.I. est actuellement rapportée par une lettre du Département des Finances, Direction du Répertoire du Commerce, du 21 février 1977, et concluent formellement à la reconnaissance du défaut de qualité de M. en tous ses actes et écrits de procédure à leur égard ;
Attendu que B.F.I. leur reproche de ne pas préciser la nature de la nullité qu'ils invoquent : vice de forme, nécessitant la preuve d'un dommage, ou irrégularité de fond ne pouvant plus être invoquée lorsque sa cause a disparu ; qu'elle soutient encore que la sanction de la nullité, prévue par la loi de 1895 ne porterait que sur le défaut d'accomplissement de la » signalisation « mais non sur le délai pour l'effectuer ;
Qu'elle fait enfin observer que ce même moyen d'irrecevabilité a été rejeté le 16 février 1977 par la Cour d'appel de Montpellier et le 9 mars 1977 par le Président du Tribunal de grande instance de Nice ;
Attendu qu'apparaît vaine la distinction que B.F.I. tente d'instaurer entre les nullités de forme et de fond, en se fondant sur des dispositions qui n'ont pas leur équivalent dans le Code de procédure civile Monégasque, alors que l'invocation d'un défaut de qualité pour agir constitue une fin de non recevoir que les défendeurs ont, supplémentairement, soulevée avant toute défense au fond ;
Attendu que l'article 5 de l'Ordonnance du 5 mars 1895 impose aux Sociétés Anonymes un certain nombre d'obligations et notamment, en son 5e alinéa, celle de signaler toutes modifications survenant dans les indications fournies dans la demande d'inscription (donc la composition du Conseil d'Administration) au Secrétariat du Département des Finances, dans les 15 jours de la délibération du Conseil ou de l'Assemblée Générale qui les auront décidées ;
Que l'alinéa suivant précise que les formalités seront observées à peine de nullité à l'égard des tiers et que leur inobservation pourra entraîner le retrait de l'autorisation de la Société, les associés ne pouvant par contre se prévaloir de leur carence ;
Attendu que la sanction légalement prévue de la nullité à l'égard des tiers est sans équivoque et ne saurait se limiter, comme le soutient B.F.I., à la seule inobservation de la formalité mais non au délai dans lequel elle doit être accomplie, dès lors que cette formalité doit être remplie dans un délai précis dont le point de départ est fixé et dont le défaut de prise en considération rendrait inopérantes les sanctions prévues qui peuvent être mises en œuvre par les tiers ou même par l'Administration ;
Attendu que le juge des référés n'a pas méconnu ce principe, mais a estimé que la justification d'une demande tardive de modification d'inscription au Répertoire du Commerce n'établissait pas, à elle seule, l'absence d'une éventuelle » signalisation " sous une forme différente, à un autre service des Finances et qui aurait pu intervenir à temps ;
Attendu qu'il résulte clairement de la lettre du 21 février 1977 que c'est généralement par la notification au Répertoire du Commerce, ayant le même effet que la signalisation prévue à l'article 5 de l'Ordonnance de 1895, que l'Administration a pour la première fois connaissance des modifications apportées à la composition du Conseil d'Administration ; qu'il se peut cependant qu'une telle notification soit précédée de l'attestation des commissaires aux comptes, mais que tel n'a pas été le cas pour M. M., circonstance confirmée par lettre du 22 mars 1977 ;
Qu'il est donc établi que l'accomplissement, le 18 mars 1976, de la formalité imposée par l'article 5, 5e alinéa de la loi de 1895 n'est intervenu que bien postérieurement à l'expiration du délai légal suivant la date du Conseil d'Administration (24 décembre 1975) ou même celle de la prise à effet du changement (1er janvier 1976) l'ancienne composition du Conseil figurant inchangée au Répertoire du Commerce encore à la date du 26 février 1976 ;
Que la sanction de la nullité est prévue par le 6e alinéa de l'article 5 ; qu'il en résulte nécessairement le défaut de qualité de M. pour accomplir à l'égard des tiers que constituent les intimés actuels, tout acte ou procédure au nom de la B.F.I. ;
Attendu que ce point de vue ne peut être modifié par les décisions françaises invoquées, intervenues entre des parties parfois différentes et qui consacrent l'impossibilité, pour ces juridictions de statuer, à défaut d'une action précise en nullité, aux lieu et place des juges naturels d'une société monégasque ;
Qu'il y a donc lieu, sans examiner les arguments de fond, comme l'avait fait le juge des référés, de faire droit au moyen principal soulevé et maintenu par la Société San Maria, son liquidateur et ses actionnaires et de condamner la Société appelante aux entiers dépens ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Réformant en sa première partie l'ordonnance de référé du 14 février 1977 et sans avoir à statuer sur la seconde,
Déclare irrecevable, faute de qualité du sieur M. se présentant comme Président du Conseil d'Administration de la Société Anonyme Monégasque Banque de Financement Industriel, le recours exercé à l'encontre de l'Ordonnance présidentielle du 18 janvier 1977, par assignation du 2 février 1977 ;
Dit en conséquence que les mesures conservatoires prises par application de l'Ordonnance susdite du 18 janvier 1977, conserveront leur plein et entier effet ;
Condamne la Société appelante à l'indemnité prévue par la loi et aux entiers dépens,
Composition🔗
MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Clérissi, Jean-C. Marquet av. déf., C., Saffores, Rouillot (tous trois du barreau de Nice), Cénac (du barreau d'Aix-en-Provence) et Michel Marquet av.
Note🔗
dans le même sens C.A. 22 novembre 1977 (Hagaerts c. héritiers Solamito et autres) où le Président, déclarant avoir été remplacé dans ses fonctions par une délibération, non notifiée à l'Administration, demeure le représentant de la Société et ne peut être mis hors de cause.