Cour d'appel, 18 octobre 1977, M. c/ époux E.

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Abstract🔗

Vente

Promesse de vente - Condition suspensive - Autorisation administrative - Retard non imputable à l'acquéreur - Non réitération de l'acte - Nullité du contrat (non)

Résumé🔗

Lorsqu'une promesse devant être réitérée par acte authentique dans un délai fixé est assortie de la condition suspensive, non assortie de délai, de l'obtention d'une autorisation administrative, il ne peut être fait grief à l'acquéreur du retard apporté à la délivrance de l'autorisation sollicitée ; la non réitération de l'acte, alors qu'elle est stipulée dans le seul intérêt de l'acquéreur qui peut y renoncer unilatéralement, ne saurait constituer une cause de nullité du contrat ; les offres de paiement formulées postérieurement au délai de réitération contractuellement prévu peuvent être validées.


Motifs🔗

La Cour

Attendu qu'aux termes d'un acte sous-seing privé en date à Monaco du 27 avril 1976, les époux E. A. ont promis de vendre à M., qui s'est obligé à acquérir, un fonds de commerce de tapisserie, meubles et antiquités de toutes sortes connu sous la dénomination « G. A. A. M. », exploité par la dame E. . à Monte-Carlo ;

Qu'il était expressément indiqué dans cet acte que M. serait propriétaire du fonds de commerce dont s'agit, le jour de la réitération de la promesse par acte authentique, laquelle constaterait la réalisation de la condition suspensive convenue entre les parties, la jouissance dudit fond devant intervenir - en cas de réalisation de ladite condition - le 31 décembre 1976 au plus tard, date à laquelle le fonds vendu serait livré libre de tous objets ou mobilier quelconques ;

Qu'il était indiqué, sous la rubrique « Charges et Conditions » que la promesse de vente et d'achat était respectivement consentie et acceptée moyennant le prix forfaitaire de 410 000 F que l'acquéreur s'engageait à régler comme suit :

1 - à concurrence de 41 000 F à l'instant même, en un chèque n° 40104564175 sur Commerz-Bank-Hanau, somme devant rester consignée d'un commun accord entre les parties en l'Étude de Me L.-P. Aureglia, Notaire à Monaco ;

2 - à concurrence de 166 050 F, le jour de la signature de l'acte authentique en l'Étude du notaire précité « dès la réalisation de la condition suspensive et au plus tard le 30 août 1976 » ;

3 - à concurrence du solde, soit 202 950 F, le jour de la prise de possession du fonds, soit au plus tard le 31 décembre 1976, sans intérêts ;

Que dans une sous-rubrique intitulée « Condition suspensive », il était expressément convenu : « la présente promesse de vente et d'achat est consentie et acceptée sous la condition suspensive que l'acquéreur obtienne des Autorités administratives l'autorisation nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce dont s'agit », les époux E. s'obligeant, dès la réalisation de ladite condition, à consentir à l'acquéreur un bail commercial des locaux faisant l'objet de la convention, pour une durée de trois, six ou neuf années à compter du 1er janvier 1977, moyennant un loyer annuel de base de 24 000 F, étant précisé que ce loyer commencerait à courir le jour de la prise de possession effective des locaux par M. ; qu'il était, de surcroît, stipulé que, dans le cas où la condition suspensive ne serait pas réalisée, la promesse serait considérée comme nulle et non avenue et que la somme de 41 000 F serait restituée à l'acquéreur dès justification au notaire de cette non-réalisation, mais qu'en revanche, dans le cas où M. obtiendrait la licence gouvernementale d'exploitation sans donner, malgré ce, aucune suite à ladite promesse, la somme de 41 000 F par lui versée lors de la signature de celle-ci, resterait de plein droit acquise aux vendeurs ; qu'enfin, sous la rubrique « Réitération », il était rappelé : « les présentes seront réitérées par acte authentique, en l'Étude de Me Aureglia et de Me Rey, Notaires à Monaco : dès la réalisation de la condition suspensive et au plus tard le 30 août 1976. M. M. s'oblige, dès maintenant, à présenter sa demande d'autorisation d'exploitation au Gouvernement monégasque » ;

Attendu que le 8 septembre 1976, les époux E. rappelaient, par écrit, à M. qu'en vertu du compromis du 1er avril 1976 (sic), il était tenu d'effectuer au plus tard le 30 août 1976, le versement de 207 050 F moins les arrhes de 41 000 F et que la réalisation de l'acte devait intervenir dans ce même délai ; que ce règlement et cette réalisation n'étant pas intervenus advenant ladite date du 30 août 1976, ils considéraient le compromis comme nul et non avenu et faisaient toutes réserves sur le préjudice qui leur avait été occasionné ;

Attendu que de son côté et sous la date du 13 octobre 1976, M. sommait les époux E. d'avoir à comparaître en l'Étude de Me P.L. Aureglia le 18 octobre suivant, à 14 h 30, aux fins de réitération de la forme authentique de la promesse du 27 avril 1976, leur rappelant que la condition suspensive, dont celle-ci était assortie, s'était réalisée et que la partie du prix payable lors de la réitération de l'acte sous-seing privé avait été consignée par ses soins entre les mains du notaire précité depuis le 15 septembre 1976 ; qu'en réponse, et par acte extrajudiciaire du 18 octobre 1976, les époux E. lui rétorquaient qu'ayant constaté qu'aucune sommation aux fins de venir passer l'acte authentique chez le notaire au plus tard le 30 août 1976, ne leur avait été faite et qu'il n'avait nullement justifié, à cette date, du dépôt en l'Étude de Me Aureglia de la somme prévue dans le compromis, ils étaient fondés à considérer ce dernier comme nul et non avenu ;

Attendu qu'en cet état et après avoir, le jour même de cette notification, fait dresser par Me Aureglia, requis à cette fin, un procès-verbal de défaut à l'encontre des époux E., intimés de se présenter en l'Étude de ce notaire aux fins de réitération de la promesse en la forme authentique, M. a assigné, suivant exploit du 4 novembre 1976, lesdits époux aux fins de s'entendre condamner à passer l'acte de réitération dont s'agit en l'Étude de Me Aureglia ou, à défaut, d'entendre dire que le jugement à intervenir en tiendrait lieu, et à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts, demandant, en outre, au cas où cette réitération s'avérerait impossible, que les époux E. soient condamnés à lui verser la somme de 250 000 F à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice subi ;

Attendu que les défendeurs concluaient au déboutement de M. et lui réclamaient, par voie reconventionnelle, la somme de 150 000 F à laquelle ils évaluaient le quantum du préjudice résultant pour eux de la procédure abusive engagée à leur encontre ;

Attendu que pour fonder sa demande, M. soulignait le fait que le compromis litigieux comportait une condition suspensive non assortie de délai quant à sa réalisation puisque dépendant du fait d'un tiers, en l'espèce l'Administration monégasque, seule compétente pour accorder ou refuser l'autorisation d'exploitation sollicitée ;

Qu'il faisait valoir que cette condition ne s'est réalisée que postérieurement à la date du 30 août 1976, qui n'avait d'ailleurs qu'une portée indicative et dont l'irrespect provenait de circonstances indépendantes de la volonté des parties auxquelles le délai convenu lors de la signature du compromis apparaissait largement suffisant, en sorte qu'une délivrance légèrement tardive de ladite autorisation n'a pu avoir pour effet de frapper de caducité la convention du 27 avril 1976 ;

Attendu que, par jugement en date du 3 mars 1977, le Tribunal a débouté M. des fins de ses demandes et l'a, de surcroît, condamné à verser aux époux E. la somme de 5 000 F de dommages-intérêts au motif que sa tentative de faire revivre une promesse de vente caduque était constitutive d'un abus de droit ;

Que, pour faire litière des prétentions et moyens du demandeur, le Tribunal a estime que l'acte du 27 avril 1976 était rédigé en termes précis, ne laissant place à aucune équivoque et que la date limite de la réitération, fixée conventionnellement au 30 août 1976, avait été indiquée à deux reprises dans ledit acte, avec une précision exempte de toute ambiguïté, en sorte que la caducité de l'acte était encourue dès la survenance du terme ; qu'il a relevé, en outre, que M. ne justifiait pas de ses diligences en vue de l'obtention de son autorisation d'exploitation auprès de l'Administration compétente, non plus que de ses contacts avec les vendeurs pour les tenir informés d'éventuelles difficultés auxquelles se heurtait l'obtention de ladite autorisation ainsi que du prétendu règlement qu'il aurait effectué le 15 septembre 1976 en l'étude du notaire Aureglia dont le procès-verbal du 18 octobre 1976 est muet à cet égard ; qu'enfin, les premiers juges ont supplémentairement étayé leur décision sur la circonstance que M. n'a pas précisé, dans sa sommation du 13 octobre 1976, depuis quelle date l'autorisation administrative lui a été délivrée et n'a pas davantage produit cette autorisation, ce qui aurait, selon eux, permis de connaître la date à laquelle elle avait été demandée ;

Attendu que, par exploit du 22 avril 1977, M. a relevé appel du jugement précité dont il sollicite l'infirmation ;

Qu'il soutient, à cette fin, que le Tribunal s'est fondé, en fait, sur des circonstances faisant apparaître son comportement post contractu comme carentiel alors que sa demande aux fins d'autorisation d'exploitation a été, à la connaissance des époux E., instruite et déposée par le Notaire Aureglia, co-rédacteur de l'acte à réitérer, sous la date du 20 mai 1976, fort rapprochée de celle de la contractation, étant observé qu'à cette demande et pour satisfaire à toutes les exigences de l'Administration, étaient joints tous les documents nécessaires ; que, contrairement aux dispositions du jugement entrepris, il est constant que les époux E. ont été, par personne interposée, tenus au courant du retard insolite apporté par l'Administration à la délivrance de l'autorisation sollicitée, laquelle est enfin intervenue, le 24 septembre 1976, comme il appert d'une pièce produite en cause d'appel ensemble avec d'autres documents non produits en première instance ;

Qu'il fait grief aux premiers juges d'avoir délibérément omis de relever que la date du 30 août 1976 - à supposer qu'elle puisse constituer un terme susceptible de provoquer la caducité de la promesse de vente - s'analysait en réalité en un terme après réalisation de la condition suspensive, pour laquelle aucun délai n'avait été prévu, en sorte que l'intention des parties a été d'inclure la manifestation de volonté de l'acquéreur dans la période comprise entre la réalisation de ladite condition présumée largement antérieure au 30 août 1976 et ledit terme du 30 août 1976, et ce dans l'intérêt des vendeurs ;

Qu'il fait valoir que le type d'autorisation dont s'agit est régulièrement délivré dans un délai maximum de six semaines lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, de commerçants de nationalité étrangère et que partant les parties étaient fondées à compter sur la délivrance d'une telle autorisation au plus tard dans la deuxième quinzaine du mois de juin 1976, soit un mois et demi environ avant l'arrivée du terme du 30 août 1976, période pendant laquelle il était tenu de régler la deuxième partie du prix et de faire procéder à la réitération par devant notaire du compromis de vente ; que seule une commune erreur desdites parties a pu être à l'origine des dispositions de cet acte, dès lors que si elles avaient pu prévoir un retard dans la délivrance de l'autorisation administrative, et entendu que la déchéance du terme soit encourue dans tous les cas le 30 août 1976, elles n'auraient pas manqué de l'indiquer expressément dans ledit acte par ailleurs méticuleusement rédigé ; qu'au demeurant, la lettre de la convention en confirme manifestement l'esprit comme il résulte des dispositions relatives au paiement du prix et au sort actuel des 41 000 F versés par lui, lesquels ne peuvent lui être restitués en l'état de la réalisation de la condition suspensive, et ne peuvent pas davantage être attribués aux époux E. puisque une telle attribution n'a été prévue que dans l'hypothèse où une fois l'autorisation administrative obtenue, il n'aurait pas donné suite à la promesse de vente ; qu'il insiste sur le fait que les obligations de payer et de réitérer ayant le 30 août 1976 n'étaient assorties d'aucun terme extinctif et qu'à la première et seule manifestation des vendeurs en date du 7 septembre 1976, il a, à la fois justifié, dans la quinzaine suivante, de la réalisation de la condition suspensive, payé la deuxième partie du prix de vente et offert de procéder à la réitération de l'acte à laquelle les époux E. se sont opposés ; qu'enfin, et à titre subsidiaire, il fait observer qu'aucune sommation ou mise en demeure ne lui a été adressée, alors que l'acte du 27 avril 1976 ne contenait aucune dispense de sommation et que les termes de paiement ou échéances de réitération ne sont impératives que si elles sont assorties d'un pacte commissoire exprès ;

Qu'il demande en conséquence à la Cour de dire et juger que la date du 30 août 1976 ne saurait constituer un terme extinctif que dans l'hypothèse de la réalisation préalable de la condition suspensive, en sorte que cette condition ne s'étant pas réalisée à la date précitée, ce terme doit être réputé inexistant, et compte tenu de ce qu'il a rempli avec diligence toutes les obligations mises à sa charge par l'acte du 27 avril 1976, de faire droit aux fins de son exploit introductif d'instance ;

Attendu que, reprochant à M. de tenter de dénaturer les clauses, selon eux claires et précises du compromis de vente litigieux, les époux E., intimés, estiment que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et de l'intention des parties en déboutant l'appelant de ses prétentions ; que, réitérant les conclusions et moyens développés en première instance auxquels il convient de se reporter pour plus ample exposé, ils objectent que la convention du 27 avril 1976 était affectée de deux conditions : l'une, suspensive en faveur de l'acheteur lui permettant de récupérer les fonds bloqués en cas de non obtention de l'autorisation administrative d'exploitation du fonds de commerce litigieux, l'autre, de délai, en faveur des vendeurs, de la réitération de ladite convention devant intervenir avant le 30 août 1976, date à laquelle l'acquéreur devait avoir déposé entre les mains du notaire la somme de 166 050 F ; qu'il ne peut, dans ces conditions, être invoqué la moindre erreur commune des parties et que dès lors que dans le délai sus-indiqué, l'appelant n'a rempli aucune de ses obligations, c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté la caducité du compromis du 27 avril 1976 et débouté M. de ses prétentions ;

Qu'ils concluent, en conséquence, à la confirmation pure et simple de la décision entreprise et à la condamnation de l'appelant aux dépens ;

Sur ce :

Attendu qu'à l'examen de la promesse de vente du 27 avril 1976, il apparaît que cet acte ne comporte qu'une condition suspensive : celle, soulignée dans l'acte, que « la présente promesse de vente et d'achat est consentie et acceptée sous la condition suspensive que l'acquéreur obtienne, des Autorités Administratives, l'autorisation nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce dont s'agit » ; qu'il n'est pas sans intérêt d'observer que les parties n'ont entendu prévoir aucun délai pour la réalisation de ladite condition ;

Attendu que sans doute a-t-il été expressément prévu, dans le texte du compromis de vente, d'une part que le transfert de propriété interviendrait le jour de la réitération de l'acte à l'occasion de laquelle serait constatée la réalisation de la condition suspensive, et l'entrée en jouissance du fonds vendu - sous réserve de la réalisation de cette condition - le 31 décembre 1976, d'autre part que le règlement de la somme de 166 050 F serait effectué le jour de la signature de l'acte authentique en l'Étude du notaire Aureglia, dès la réalisation de la condition suspensive et, au plus tard, le 30 août 1976 ; que cette circonstance, jointe à l'existence dans l'acte litigieux d'une mention intitulée « réitération » ainsi libellée : « les présentes seront réitérées par acte authentique en l'Étude de Me Aureglia et de Me Rey, Notaires à Monaco, dès la réalisation de la condition suspensive et au plus tard le 30 août 1976 », apparaît révélatrice de l'intention des parties de ne voir invalider leur convention qu'en cas de non obtention par l'acquéreur - auquel aucun délai n'était imparti contractuellement pour en justifier - de l'autorisation administrative d'exploitation par lui sollicitée, l'obtention d'une telle autorisation concrétisant la réalisation de la condition suspensive nécessairement antérieure, dans l'esprit desdites parties, au règlement de la somme de 166 050 F et à la réitération en la forme authentique de la promesse de vente ;

Or attendu que si tant est, comme l'ont exprimé les premiers juges, que les intimés se sont engagés, dans l'acte du 27 avril 1976, à vendre leur fonds de commerce à un prix ferme et définitif, non susceptible de réévaluation sous condition suspensive non assortie d'un délai quant à sa réalisation, ayant pour effet de suspendre la formation de leur droit alors qu'était réservée à l'appelant la faculté de ne pas donner suite à son engagement moyennant un dédit de 41 000 F, il n'en demeure pas moins que les termes de la convention litigieuse revêtent un caractère certain d'ambiguïté et n'apparaissent pas, en raison de l'incompatibilité de l'exécution des obligations qu'ils expriment au plan chronologique, traduire la volonté commune des parties au moment de la contractation : celle de subordonner la validité de celle-ci à la seule réalisation de la condition suspensive - dont les errements administratifs habituels excluaient dans leur esprit un retard tel qu'il excédât la date du 30 août 1976 - à laquelle était subordonnée la réitération de l'acte susvisé ; que s'il est constant que cette réitération n'a pu intervenir advenant la date du 30 août 1976, il ne saurait en être fait grief à l'appelant, alors surtout que les intimés n'ont pas cru devoir prévoir, pour la réalisation de la condition suspensive qui la conditionnait, le moindre délai et que, s'agissant d'une condition non point potestative à l'égard de M. mais mixte car dépendant de la volonté d'un tiers, en l'espèce, l'Administration monégasque, la non obtention de l'autorisation d'exploitation sollicitée auprès de celle-ci dans un délai particulièrement court ne saurait lui être imputable ;

Attendu, au demeurant que si des promesses de vente sont fréquemment affectées de la condition suspensive de la rédaction d'un acte authentique dans un délai déterminé, il rentre dans les pouvoirs des juges du fond de décider qu'une telle condition n'a été stipulée que dans le seul intérêt de l'acquéreur qui peut y renoncer unilatéralement, en sorte que la non réitération en l'espèce de l'acte ne saurait - eu égard de surcroît à l'indétermination du délai de réalisation de la seule condition suspensive insérée au contrat du 27 avril 1976 - constituer une cause de nullité de ce dernier (Cass. Civ. 5.2.71 : D. 1971, 281) ;

Attendu que, si, par ailleurs, les premiers juges ont pu, pour conforter leur décision erronément fondée sur l'inexécution fautive par l'appelant de ses obligations, souligner le défaut de justifications de la part de ce dernier quant aux diligences effectuées en vue de l'obtention de l'autorisation d'exploitation, les documents produits par M. en cause d'appel établissent que non seulement ce dernier a déposé le 20 mai 1976, soit peu après la souscription de la promesse de vente, une demande assortie de toutes les pièces exigées par l'Administration, mais encore qu'il a manifesté ostensiblement sa volonté de voir se concrétiser au plus tôt les accords du 27 avril 1976, sans jamais s'attirer de la part des intimés la moindre récrimination quant au retard inaccoutumé - mais sans doute dû au ralentissement des diligences administratives en période estivale - apporté à la délivrance de l'autorisation sollicitée, rien ne laissant à penser que celle-ci n'interviendrait pas ou n'interviendrait qu'après une temporisation d'une durée anormale ;

Qu'il doit être rappelé à cet égard que la jurisprudence a érigé en principe qu'en cas d'obligation contractée sous la condition qu'un événement arrivera sans préciser l'échéance, la condition peut toujours être accomplie et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas (Cass. 4 mars 1975 : Bull. Civ. III 89), ce qui ne saurait être le cas en l'espèce dès lors qu'à aucun moment les intimés n'ont acquis la certitude que l'autorisation d'exploiter sollicitée par l'appelant lui serait refusée et qu'en définitive et par notification en date du 24 octobre 1976, cette autorisation lui a été au contraire accordée ;

Attendu que vainement l'on chercherait dans l'acte du 27 avril 1976 une disposition équipollente à une clause résolutoire expresse de la convention en cas de non règlement de la seconde partie du prix de vente et de non réitération dudit acte avant le 30 août 1976, ou bien à une clause subordonnant la validité du contrat lui-même à la signature d'un acte notarié ; que la seule nullité de la promesse de vente expressément convenue par les parties est relative uniquement à la réalisation de la condition suspensive de l'obtention de l'autorisation administrative d'exploiter, accordée en définitive dans les conditions ci-dessus rappelées ; que la jurisprudence, soucieuse d'éviter toute dénaturation des contrats mais aussi de décourager toutes velléités spéculatives préjudiciables à des contractants de bonne foi, a décidé à cet égard et en tout état de cause, que même s'il a été stipulé lors de la vente d'un immeuble que faute de paiement du prix dans le terme convenu la vente serait résolue de plein droit - résolution non prévue en l'espèce dans une telle hypothèse - l'acquéreur n'en conserve pas moins la possibilité de payer après l'expiration du délai tant qu'il n'a pas été mis en demeure par une sommation ; que la Cour Suprême a approuvé notamment une Cour d'appel qui, en présence d'une convention ne contenant aucune dispense de sommation a jugé que l'inobservation du terme fixé ne saurait en l'absence d'une telle sommation et du procès-verbal de carence, entraîner la résolution de la vente (Cass. civ. 1re, 29 novembre 1965 : Bull. cass. 1965) ; qu'il en est d'autant plus ainsi, in concreto, que le compromis du 27 avril 1976 ne dispense aucunement les parties de toute mise en demeure ou sommation et qu'il est constant que la non réitération de l'acte avant le 30 août 1976 ainsi que le non règlement avant cette date de la somme de 166 150 F par l'appelant ne sont pas imputables à ce dernier, dans l'attente d'une autorisation administrative devant nécessairement précéder ces réitérations et règlement ;

Attendu que bien plus encore, la jurisprudence reconnaît aux juges du fond, en raison du caractère particulièrement sanctionnateur des actions en résolution ou en nullité qui n'appartiennent qu'à la partie ayant à se plaindre de l'inexécution - dans l'hypothèse d'une faute du débiteur -, un large pouvoir de décision, l'autorisant à s'arroger la prérogative non inscrite dans les textes, de valider des offres d'exécution faites postérieurement aux délais contractuellement impartis, en cours d'instance et même devant la Cour d'Appel (Cass. Req. 17.7.1923 : D.P. 1923 1. 140. - Civ. 10.4.33 : DH 1933 - Civ. 27.3.1911 : - D.P. 1915) ;

Attendu enfin qu'au plan de la moralisation du contrat, l'obligation d'attirer l'attention puise sa source dans l'exigence de la bonne foi et qu'ainsi qu'en a décidé la jurisprudence (Colmar 28 mars 1969 : D. 1969.7.35) cette bonne foi implique l'obligation de renseigner le co-contractant sur la portée active et passive de ses engagements chaque fois que celle-ci s'écarte directement ou indirectement de ce qui répond aux prévisions normales ; que cette obligation qu'en leur qualité de parties à l'acte du 27 avril 1976, les époux E. ont contractée, aurait dû, en l'état du retard anormal apporté par l'appelant à la réalisation de la condition suspensive de l'obtention de l'autorisation administrative d'exploiter - les conduire à lui rappeler l'économie de leurs obligations réciproques ainsi que leur commune intention lors de la contractation, et le cas échéant, à le mettre en demeure de faire en sorte que ladite autorisation lui soit accordée avant le terme convenu pour la réitération ; qu'en négligeant de ce faire, les intimés ont manifestement failli à ce que Ripert appelle une « obligation juridique » et ne sauraient, par là même, être admis à rejeter sur l'appelant la responsabilité de l'inexécution au plus tard le 30 août 1976, des obligations prévues aux rubriques « prix » et « Réitération » de la promesse litigieuse ;

Attendu que M. ayant, comme il ressort des pièces produites en cause d'appel et qui permettent d'apprécier autrement que ne l'ont fait les premiers juges, obtenu de l'Administration, l'autorisation d'exploiter le 24 septembre 1976 et sommé les intimés de comparaître en l'étude de Maître Aureglia aux fins de réitération et de consignation d'un deuxième acompte du prix, c'est à bon droit que l'appelant reproche aux juges du premier degré de l'avoir débouté des fins de son assignation ;

Qu'il échet donc de faire droit à son appel, et réformant la décision entreprise, de le dire fondé en son action tendant à voir condamner les appelants à passer, dans le délai de quinzaine, l'acte de réitération de la promesse synallagmatique de vente du 27 avril 1976 et, à défaut, à dire que faute par eux de ce faire, le présent arrêt en tiendra lieu ;

Attendu que M. n'ayant versé qu'une partie du prix de vente à la date du 16 septembre 1976 et n'étant pas fondé à rejeter sur les intimés la responsabilité de la relative obscurité des termes du compromis litigieux, il ne saurait être admis à soutenir qu'il a subi un préjudice par la faute de ces derniers justifiant l'allocation des dommages-intérêts qu'il réclame ;

Qu'il échet, de ce chef de le débouter des fins de son exploit introductif d'instance ;

Attendu que rien n'établissant une impossibilité - au demeurant non alléguée ni soutenue par les parties - de réitération de l'acte du 27 avril 1976 en la forme authentique, il n'y a pas lieu davantage et en l'état, de faire droit aux prétentions de l'appelant d'obtenir, à titre alternatif, la somme supplémentaire de 250 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qui résulterait éventuellement pour lui au cas où ladite réitération ne pourrait intervenir ;

Attendu que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Reçoit M. en son appel régulier en la forme et l'y déclarant fondé,

Infirme la décision entreprise et condamne les époux E. à passer, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, l'acte de réitération de la promesse synallagmatique de vente et d'achat du 27 avril 1976, en l'étude de Maître Aureglia, notaire à Monaco ;

Dit que faute par eux de ce faire, le présent arrêt en tiendra lieu à l'expiration dudit délai ;

Déboute pour le surplus M. des fins de son exploit du 22 avril 1977 ;

Condamne les époux E. aux dépens de première instance et d'appel.

Composition🔗

MM. Bellando de Castro vice pr., Default prem. subst. gén., MMe Marquet et Marquilly av. déf.

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