Cour d'appel, 18 janvier 1977, S.C.I. Le Régon c/ H.

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Abstract🔗

Baux d'habitation

Congé donné par lettre recommandée - Lettre non retirée - Validité (oui)

Baux commerciaux

Location - Caractère commercial - Exercice d'une activité commerciale - Condition de durée

Référés

Juge des référés - Congé valablement donné - Contestation sérieuse (non) - Compétence (oui)

Résumé🔗

Le congé donné par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au domicile du locataire est valable, à plus forte raison si ce mode de dénonciation est prévu au contrat de bail, même si la lettre n'a pas été retirée par son destinataire malgré l'avis laissé par le service des Postes.

La protection de la loi sur les loyers commerciaux n'est acquise que pour un local où une exploitation s'exerce depuis au moins trois ans consécutifs, ce qui ne peut concerner un studio dont la location pour un an a été reconduite une seule fois.

Les contestations soulevées des deux chefs précédents par le locataire devant le juge des référés ne présentaient pas un caractère sérieux de nature à justifier son incompétence.


Motifs🔗

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme par la S.C.I. Le Régon à l'encontre de l'Ordonnance contradictoire du 9 juin 1976, par laquelle le Magistrat des Référés s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'expulsion formée par elle à l'encontre de son locataire le sieur A. H. et de tous occupants de son chef, d'un studio meublé n° 429, au motif qu'il existerait une contestation sérieuse du défendeur, portant à la fois sur la nullité du congé, qui n'aurait pas été régulièrement porté à sa connaissance en temps utile, et sur la nature de la location, qu'il qualifiait de commerciale ;

Attendu que l'appelante, après avoir rappelé les clauses du bail et les circonstances de fait qui établissent qu'elle a donné congé le 12 février 1976 pour le 30 avril suivant, selon la forme de la lettre recommandée avec A.R. prévue à cette convention et dans un délai excédant celui de deux mois qui y était stipulé, soutient que la contestation d'H. n'était pas sérieuse car le fait pour lui de n'avoir pas retiré la lettre recommandée contenant effectivement le congé entre le 12 février 1976, jour de sa présentation et le 28 février, jour de son retour à l'expéditeur, ne rend aucunement nul ou discutable ce congé donné à bonne date dont tout établit qu'H. a eu connaissance sans soulever alors ou ensuite de protestation ; que la prétendue commercialité de la location, alors qu'il s'agissait d'un studio meublé, ne pouvait être sérieusement soutenue pour une location n'ayant pas duré trois ans et à l'occasion de laquelle n'avait été demandé aucun pas de porte, contre-partie habituelle de la concession de la propriété commerciale ; qu'elle reproche donc au juge des référés d'avoir retenu comme sérieuse cette double contestation et demande à la Cour, infirmant son ordonnance, de constater qu'H. était occupant sans droit ni titre et d'ordonner son expulsion sous huitaine ;

Attendu qu'H. soutient :

1° que le bail l'autorisait expressément à domicilier dans le studio une filiale d'une Société commerciale dont il est l'agent responsable et qu'il en est résulté une activité réelle et suivie comportant la présence à plein-temps d'une secrétaire ;

2° qu'il n'a pas reçu, étant en voyage, la lettre invoquée, à supposer qu'elle ait été réellement écrite et qu'elle contint effectivement une dénonciation du bail, et qu'un congé, manifestation unilatérale de volonté, n'a d'effet que du jour où il est parvenu en temps utile à la connaissance de son destinataire, ce que ne prouve aucunement la Société Le Régon qui a choisi, parmi les moyens de signifier un congé, celui, imparfait, de la lettre recommandée ;

Que ce défaut de preuve de la bailleresse justifierait l'inexistence du congé ou, pour le moins, l'incompétence du juge des référés ;

Attendu qu'il est constant que par acte sous seing privé du 11 avril 1974, enregistré le 27 décembre 1974, intervenait entre la S.C.I. Le Régon, représentée par l'Agence Sotransco, et le sieur A. H., la location d'un studio meublé portant le n° 429 au . pour une durée d'un an à compter du 1er mai 1974, renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée A.R. deux mois au moins à l'avance ; que la bailleresse autorisait le preneur à domicilier dans ce studio une filiale de la Société « Internationale Economic Publication Limited » dont le siège est à Dublin et dont H. est agent responsable ; qu'il était annexé à cette convention un état des lieux et un inventaire des meubles et objets ménagers ;

Que le gérant de la Société Le Régon donnait congé pour le 30 avril 1976 par lettre recommandée A.R. du 12 février 1976 ; qu'H. ne recevait pas celle-ci à sa présentation, le jour même de son envoi, ni ne la retirait de la Poste jusqu'au 28 février, date à laquelle elle était retournée à son expéditrice ;

Que par exploit du 20 mars, la S.C.I. Le Régon, après avoir rappelé son congé, notifiait à H. qu'elle ferait visiter les lieux à d'éventuels candidats à la location les mardi et jeudi de 10 à 12 heures, les jours et heures proposés par lui ne permettant pas une visite normale pour une éventuelle relocation ; qu'H. répondait de Paris le 29 mars ; qu'il ne contestait pas le principe des visites mais seulement leurs modalités, exigeant qu'à l'avenir l'agence qui fait visiter soit mandatée par le bailleur ; qu'il déclarait toutefois in fine « tenir à garder tous ses droits concernant son contrat de bail vis-à-vis du bailleur et de l'Agence de location » ; qu'il ne protestait pas contre une sommation du 7 mai, de libérer les locaux le 11 mai, bien qu'elle rappelât tous les faits antérieurs, se contentant à cette dernière date, de refuser à l'huissier l'accès des locaux en soutenant « qu'une telle procédure ne lui apparaissait pas légale » ;

Attendu qu'en l'état de ces faits et circonstances, que le Juge des référés énonçait dans les motifs de son ordonnance, il a admis comme sérieuse la contestation qu'avait soulevée H. en partant du principe qu'un congé n'est réputé donné que le jour où il parvient à la connaissance de la partie à laquelle il est adressé et que les circonstances rendraient irrégulière et sans effet la notification de la volonté de la bailleresse de mettre fin à une location qu'il va jusqu'à qualifier de commerciale ; que ce point de vue ne saurait être retenu par la Cour ;

Attendu, en effet que la Société bailleresse a usé de son droit contractuel de dénonciation du bail en se conformant aux modalités et délais prévus par celui-ci ; que le préavis de deux mois doit nécessairement s'entendre de la prise à effet de la location, 1er mai, et non de celle de la signature du bail, 11 avril, comme le soutient incidemment H., et que la bailleresse, en adressant le 12 février la lettre recommandée A.R. prévue, a rempli toutes ses obligations pour que le congé produise ses effets et ne saurait subir les conséquences de l'absence d'H. et de sa négligence, volontairement ou non, à retirer la lettre ;

Attendu, en effet, qu'une jurisprudence bien établie estime qu'un congé notifié par lettre recommandée est valable dès lors que l'expéditeur a pris toutes dispositions pour que cette lettre parvienne en temps utile au domicile du destinataire et qu'il importe peu que celui-ci ne l'ait pas reçue, soit qu'il ait été momentanément absent, soit qu'il n'ait pas laissé les instructions nécessaires pour faire suivre son courrier ; qu'il doit en être ainsi, a fortiori, s'il a négligé de retirer la lettre malgré l'avis que la Poste avait nécessairement laissé lors de sa présentation infructueuse ;

Attendu que le second point sur lequel portait la contestation de H. devant le Juge des référés ne peut davantage être considéré comme sérieux ; que sans avoir à apprécier si la nature des locaux ou la domiciliation d'une filiale de Société sont ou non compatibles avec une location commerciale, il suffit de retenir que la protection de la loi n° 490 sur les loyers commerciaux n'est, selon l'article 1er de cette loi, acquise que pour un local où une exploitation s'exerce depuis au moins trois ans consécutifs, ce qui, à l'évidence, ne peut concerner le studio dont la location pour un an avait été reconduite une seule fois ;

Qu'il y a donc lieu, retenant comme non sérieux les moyens de contestation soulevés par H. et en présence d'une urgence certaine, d'infirmer l'ordonnance entreprise et de faire droit aux fins de l'appel tendant à l'expulsion d'H., occupant sans droit ni titre, dans le délai proposé par l'appelante ;

Attendu que l'intimé qui succombe en ses moyens de défense doit supporter les entiers dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Accueille la S.C.I. Le Régon en son appel ; l'y déclare fondée ;

Infirme l'Ordonnance de référé entreprise ;

Rejette comme dépourvues de caractère sérieux les contestations soulevées par H. à l'encontre de l'action exercée contre lui ; renvoyant les parties à se pourvoir au principal comme il appartiendra, mais, vu l'urgence ;

Déclare H. occupant sans droit ni titre du studio . ;

Ordonne son expulsion et celle de tous occupants de son chef dans le délai de huit jours à dater de la signification du présent arrêt ;

Composition🔗

MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Marquilly et Marquet av. déf.

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