Cour d'appel, 7 décembre 1976, Dame A. M. c/ W.
Abstract🔗
Référés
Droit de visite - Organisation - Juge Tutélaire - Compétence exclusive - Juge des référés - Incompétence
Résumé🔗
Aux termes de l'article 831 du Code de procédure civile, le juge tutélaire connaît, à l'exclusion de toute autre juridiction, des demandes tendant à titre principal... à organiser le droit de visite. Ce texte a implicitement abrogé l'article 10 alinéa 5 de l'Ordonnance du 3 juillet 1907 à tort visé par le juge des référés qui était incompétent pour statuer sur le droit de visite.
Motifs🔗
La Cour
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme, par la dame A. M., d'une ordonnance de référé rendue le 21 mai 1976 par le Président du Tribunal de première instance, lequel s'est déclaré compétent conformément aux dispositions de l'article 10 de l'Ordonnance du 3 juillet 1907 et a dit que la dame M. devra remettre l'enfant commune prénommée E. à son père, sieur W., le samedi 22 mai à 9 heures pour être reconduite par celui-ci à son domicile, le dimanche 23 mai 1976 à 18 heures ;
Statuant également sur l'appel régulièrement interjeté en la forme, par la dame A. M., d'une ordonnance de référé rendue le 18 juin par le même magistrat, lequel, après référence à l'article 10 alinéa 5 de l'Ordonnance du 3 juillet 1907, a dit que le sieur W. pourra recevoir et héberger la nuit sa fille E. à son domicile ou à sa résidence familiale sise dans le Var durant les week-ends des 19 - 20 juin, 3 - 4 juillet, 17 - 18 juillet et les périodes des samedi 31 juillet au dimanche 8 août et samedi 21 août au dimanche 29 août, à charge par lui d'aller prendre sa fille chaque début de week-end ou de période au domicile de son ex-épouse à 9 heures et de l'y ramener à l'expiration du délai à 18 heures ;
Statuant enfin sur l'appel régulièrement interjeté en la forme, par la dame A. M., d'une ordonnance de référé rendue le 6 août 1976 par le même magistrat, lequel, conformément au texte susvisé de l'Ordonnance du 3 juillet 1907, a rejeté l'exception d'incompétence formulée par la dame M. et tenant pour valables les dispositions encore applicables de l'ordonnance de référé du 18 juin 1976, a dit que la dame M. devra, en outre, remettre l'enfant commune à son père, du vendredi 10 septembre au lundi 13 septembre, du samedi 18 septembre au lundi 20 septembre, du samedi 2 octobre au lundi 4 octobre, du samedi 15 octobre au lundi 18 octobre, du samedi 30 octobre au mardi 2 novembre et un week-end tous les 15 jours jusqu'à décision définitive de l'instance en divorce, à charge par le père d'aller chaque fois prendre l'enfant à 9 heures et de la reconduire à 18 heures à la fin de chaque période ou week-end ;
Attendu qu'en raison de leur connexité il y a lieu de joindre ces instances ;
Attendu que la dame M., qui a également interjeté appel du jugement du 6 mai 1976, rendu par le Tribunal de première instance, lequel a prononcé le divorce entre les époux W.-M. à leurs torts réciproques et a réglé le droit de visite du père, soutient que c'est à tort que le magistrat des référés s'est déclaré compétent, alors que la Cour d'appel était saisie du litige au fond ; que subsidiairement elle demande dans ses assignations l'infirmation des ordonnances entreprises et qu'il soit jugé que le droit de visite du père s'exercera trois fois par semaine au domicile de la mère ou encore que le père prendra l'enfant trois fois par semaine à 9 heures au domicile de la mère pour la ramener le soir à 18 heures ; que dans ses conclusions en date du 16 novembre 1976, mêlant l'appel sur le fond avec les appels des trois ordonnances de référé, elle demande que le divorce soit prononcé à son profit et aux torts exclusifs du sieur W., avec toutes conséquences de droit, que la garde de l'enfant lui soit confiée, qu'un droit de visite soit accordé au père deux jours par semaine de 10 heures à 19 heures, que le sieur W. soit condamné à lui payer la somme mensuelle de 700 francs à titre de pension alimentaire pour sa fille E. et de 600 francs pour elle-même ;
Attendu que le sieur W. soutient dans ses conclusions en date du 26 octobre 1976, que les ordonnances entreprises n'ayant pu être vidées durant la période de vacations, l'appel de ces ordonnances ne présente plus d'intérêt ; qu'il affirme que les rapports de Madame L. et du Docteur R., désignés par Ordonnance de référé du 4 juin 1976, démontrent que l'intimé peut parfaitement exercer son droit de visite dans les conditions visées par les premiers juges, sans aucun danger moral ou physique pour la jeune E. ; que son logement est assez vaste et confortable pour accueillir sa fille et la faire dormir aussi bien à Monaco que dans sa propriété familiale du Var ; qu'il peut fort bien s'occuper de sa fille avec l'aide de sa propre mère âgée de 56 ans et de sa belle-sœur âgée de 31 ans ; que le droit de visite réglementé par les premiers juges pourra s'exercer l'année prochaine en août sans la moindre difficulté pour l'équilibre psychique de l'enfant, celle-ci devant atteindre alors l'âge de 2 ans et ayant dépassé la période de dépendance psychologique à l'égard de la mère fixée à 18 mois par l'expert R. ;
Attendu que l'intimé, passant sous silence les ordonnances frappées d'appel, conclut simplement à la confirmation de la réglementation du droit de visite édictée par le jugement du 6 mai 1976 ;
Attendu que le Ministère Public conclut verbalement à l'incompétence du juge des référés, en raison de l'attribution exclusive de compétence du juge tutélaire en la matière ainsi que cela résulte de l'article 831 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il convient, tout d'abord de souligner que les trois appels dont la Cour est actuellement saisie portent uniquement sur les ordonnances de référés des 21 mai, 18 juin et 6 août 1976, à l'exclusion de l'appel du jugement du 6 mai 1976, lequel fait l'objet d'une instance séparée ; que lesdits appels sont donc limités auxdites ordonnances de référés ;
Attendu que le magistrat des référés s'est déclaré compétent par application des dispositions de l'article 10, alinéa 5, de l'Ordonnance du 3 juillet 1907, ainsi rédigées : « les mesures urgentes et celles que réclame l'intérêt des enfants peuvent être ordonnées par le Tribunal Supérieur, soit d'office, soit sur la demande de l'un des membres de la famille, soit sur les réquisitions du Ministère Public, sans préjudice du droit qu'a toujours le juge de statuer, en tout état de cause, en référé, sur ces mêmes mesures » ;
Mais attendu que l'article 831 du Code de procédure civile, tel qu'il résulte de la loi n° 894 du 14 juillet 1970, stipule que le juge tutélaire connaît, à l'exclusion de « toute autre juridiction, des demandes tendant à titre principal... 2° à organiser le droit de visite » ;
Attendu que contrairement au jugement de divorce du 6 mai 1976 qui a statué accessoirement sur le droit de visite du père, le juge des référés a été saisi à trois reprises par le sieur W. d'une demande tendant à titre principal à organiser ledit droit de visite ; que conformément aux dispositions de l'article 831 sus visé, ces demandes sont de la compétence exclusive du juge tutélaire ;
Attendu que le législateur de 1970 a voulu attribuer au juge tutélaire des pouvoirs étendus pour la protection des mineurs et des incapables et pour le règlement des rapports familiaux, à l'exclusion de toute autre juridiction, dans un but de simplification procédurale ;
Attendu que si le juge tutélaire est compétent en vertu de l'article 831 pour organiser le droit de visite, quand celui-ci n'a pas été fixé par le Tribunal saisi du fond, il l'est à fortiori pour l'adopter ou le modifier, quand il a déjà été réglementé ;
Attendu que, dans ces conditions, il ne peut être admis une compétence cumulative du juge des référés et du juge tutélaire, dont la compétence est certaine, et qu'en présence d'un texte aussi précis que l'article 831 du Code de procédure civile, qui a implicitement abrogé relativement à la réglementation du droit de visite l'article 10, alinéa 5 de l'Ordonnance du 3 juillet 1907 à tort visé par le premier juge dans ses ordonnances, il y a lieu de déclarer que le magistrat des référés était incompétent pour statuer sur le droit de visite du sieur W., et que les trois ordonnances attaquées doivent être annulées ;
Attendu que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Accueille la dame A. M. en ses appels ;
Au fond les dit bien fondés ;
Joint les instances ;
Dit que le juge des référés était incompétent, en vertu de l'article 831 du Code de procédure civile pour organiser le droit de visite du sieur W. ;
Annule les ordonnances des 21 mai, 18 juin et 6 août 1976 ;
Composition🔗
M. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Lorenzi, Sanita av. déf. et Escaut ( du barreau de Nice) av.