Cour d'appel, 8 mars 1976, Association Sportive de Monaco c/ C.

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Abstract🔗

Compétence pénale

Diffamation et injures publiques - Eléments constitutifs - Commission en territoire monégasque - Preuve non rapportée - Initiative du Ministère Public - Impossibilité - Compétence (non)

Résumé🔗

La rédaction à Monaco de lettres considérées par la partie civile comme constitutives des délits de diffamation et d'injures publiques ne constitue qu'un acte préparatoire et non l'un des éléments du délit, qui, à le supposer établi, ne peut être réalisé que par le dépôt à la poste et la distribution des lettres dont s'agit. La preuve de la commission en territoire monégasque de l'un des éléments constitutifs de l'infraction n'étant pas rapportée, la compétence des juridictions monégasques ne peut être envisagée que par l'application de l'article 8 alinéa 1er du Code de Procédure Pénale (délit commis au préjudice d'un monégasque à l'étranger par un étranger). De telles poursuites ne peuvent, selon l'article 6, 2° du Code de Procédure Pénale, être intentées qu'à l'initiative du Ministère Public, alors qu'en matière de diffamation ou d'injure, seule la partie diffamée ou injuriée a l'initiative de l'exercice de l'action publique, l'exécution des instructions du Procureur Général d'une enquête préliminaire d'ailleurs suivie d'une décision de classement ne pouvant être assimilée à l'exercice d'une telle initiative. Les juridictions monégasques sont donc incompétentes.


Motifs🔗

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par l'Association de droit monégasque dite « Association Sportive de Monaco » (A.S.M.), partie civile, d'un jugement du Tribunal correctionnel de Monaco du 24 novembre 1975, lequel s'est déclaré incompétent pour connaître des poursuites intentées contre Louis C. sur citation directe de l'A.S.M. des chefs de diffamation et d'injures publiques ;

Attendu que les faits de la cause sont exactement rapportés dans la décision attaquée ; qu'il suffit de rappeler que Louis C., de nationalité italienne, a reconnu avoir adressé à un certain nombre de personnalités sportives, domiciliées en France, des lettres anonymes considérées par la partie civile comme constitutives des délits de diffamation et d'injures publiques et qu'il a indiqué, lors de l'enquête préliminaire, que certaines de ces lettres avaient été postées à Monaco et d'autres en France, mais n'a pu ou voulu fournir de précisions quant au lieu de chaque envoi ;

Attendu que c'est dans ces conditions, que le Tribunal s'est déclaré incompétent en estimant, d'une part, qu'à défaut que soit rapportée la preuve de l'expédition à partir du territoire monégasque des lettres sus visées, le délit invoqué ne pouvait être réputé avoir été commis à Monaco et que dès lors, la compétence des juridictions monégasques pour en connaître ne pouvait être envisagée que par application de l'article 8  § 1er du Code de Procédure Pénale relatif à la poursuite des délits commis à l'étranger au préjudice d'un Monégasque, d'autre part, que ce texte qui renvoie aux conditions prévues par l'article 6 du même Code suppose des poursuites intentées à la requête du Ministère Public, ce qui n'était pas le cas de l'espèce, les poursuites ayant été engagées par voie de citation directe et ne pouvant d'ailleurs l'être d'une manière différente, les articles 67 du Code de Procédure Pénale et 63, 2e de l'Ordonnance du 3 juin 1910, attribuant à la seule partie diffamée ou injuriée l'initiative de l'exercice de l'action publique dans les cas de diffamation et d'injures envers les particuliers ;

Attendu que l'Association Sportive de Monaco, reproche aux premiers juges d'avoir statué ainsi qu'ils l'ont fait, alors, d'une part, que le prévenu ayant reconnu lors de l'enquête préliminaire, avoir adressé à partir du territoire monégasque certaines des lettres servant de fondement aux poursuites, un tel aveu leur aurait permis de se déclarer compétents, d'une autre part, que le prévenu ayant également admis avoir rédigé à Monaco les lettres dont s'agit, un des éléments constitutifs de l'infraction aurait été réalisé sur le territoire de la Principauté, d'autre part, enfin, que le Ministère Public, par ses investigations, ayant permis d'identifier l'auteur des lettres, devait être considéré comme ayant exercé l'action publique conjointement avec la partie civile et qu'ainsi se trouveraient conciliées les dispositions contradictoires des textes sus visés ;

Attendu que l'intimé conclut à la confirmation de la décision entreprise ;

Attendu que c'est à juste titre que le jugement entrepris a constaté que la preuve de l'expédition à partir du territoire monégasque des lettres incriminées n'était pas rapportée, en l'état des déclarations du prévenu selon lesquelles il avait posté certaines lettres à Monaco et d'autres en France, sans pouvoir donner de précisions à cet égard ; qu'en effet, même à ne pas retenir les nouvelles déclarations de C. qui, en cause d'appel a soutenu que toutes les lettres avaient été postées en France, il ne peut être affirmé que telle ou telle lettre déterminée, servant de base aux poursuites a été postée sur le territoire de la Principauté ;

Attendu, de même, qu'il importe peu que les lettres aient été rédigées à Monaco, dès lors qu'une telle rédaction ne constitue qu'un acte préparatoire et non l'un des éléments du délit, qui, à le supposer par ailleurs établi, n'a pu se trouver réalisé que par le dépôt à la poste et la distribution des lettres dont s'agit ;

Attendu que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que n'étant pas rapportée la preuve de la commission en territoire monégasque de l'un des éléments constitutifs de l'infraction, leur compétence ne pouvait être envisagée que par l'application de l'article 8, alinéa 1er du Code de Procédure Pénale qui, dans les conditions prévues par l'article 6 du même code, autorise la poursuite dans la Principauté d'un étranger qui s'est rendu coupable en dehors d'un crime ou d'un délit commis au préjudice d'un monégasque ;

Et attendu que de telles poursuites, selon l'article 6, 2° sus visé du Code de Procédure Pénale, ne peuvent être intentées qu'à l'initiative du Ministère Public lequel dispose ainsi, quant à leur opportunité, d'un pouvoir d'appréciation incompatible avec les termes des articles 67 du Code de Procédure Pénale et 63, 2e de l'Ordonnance du 3 juin 1910 qui réservent à la seule partie diffamée ou injuriée l'initiative de l'exercice de l'action publique dans les cas de diffamation ou d'injure envers les particuliers ; qu'étant observé que contrairement aux affirmations de l'appelant, l'exécution sur les instructions du Procureur Général d'une enquête préliminaire, d'ailleurs suivie d'une décision de classement, ne peut être assimilée à l'exercice d'une telle initiative, il échet de dire que c'est par une exacte application des textes régissant la matière que le Tribunal correctionnel de Monaco s'est déclaré incompétent ; qu'il échet en conséquence de confirmer la décision entreprise ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

Condamne l'association dite Association Sportive de Monaco aux frais de la présente instance ;

Composition🔗

MM. Bellando de Castro vice-président, Default prem. subst. gén., MMe Boeri, Boisson av. déf. et Champsaur (du barreau de Nice) av.

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