Cour d'appel, 6 janvier 1976, Procureur Général c/ dame D., ép. R. S., R. S. et A. en qualité d'administrateur ad hoc de la mineure F. R. S.

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Abstract🔗

Mariage

Annulation - Epoux de bonne foi - Mariage putatif - Enfant - Légitimation - Validité (oui)

Résumé🔗

Lorsqu'un mariage est annulé parce que l'un des époux était engagé dans les liens d'une précédente union, le mariage produira les effets civils en faveur de l'époux de bonne foi. Les conséquences du mariage putatif de la mère s'appliquent également à l'enfant mineur dont la légitimation est valable et produira ses effets civils.


Motifs🔗

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme, par le Procureur Général, d'un jugement rendu le 24 avril 1975 par le Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel, par défaut contre R. S. A. :

1° a prononcé avec tous les effets de droit la nullité du mariage célébré entre la dame M. D. et le sieur A. R. S., le 13 janvier 1972 devant l'Officier de l'Etat Civil de la Commune de Monaco ;

2° a prononcé avec tous les effets de droit la nullité de la légitimation opérée par reconnaissance mensongère concomitante à ce mariage de la jeune F., née le 20 mars 1967, par R. S. A. ;

3° a dit qu'en conséquence, devront, sur les doubles registres de l'Etat civil, être annulés l'acte de mariage portant le n° 4 et l'acte de reconnaissance inscrit sous le n° 17 (actes de naissance) de l'année 1972, et opérées toutes les mentions marginales rectificatives dans les actes de l'état civil concernés par ledit jugement, qui sera régulièrement transcrit ;

Statuant également sur l'appel incident formé par la dame M. D. épouse R. S. ;

Attendu que le Ministère Public s'en rapporte à justice sur l'annulation du mariage contracté entre A. R. S. et M. D., mais demande la réformation pour le surplus du jugement entrepris ; qu'il souligne que les premiers juges, après avoir énoncé que la dame D. avait contracté mariage de bonne foi, ont néanmoins admis que l'intéressée, refusant le bénéfice des dispositions de l'article 171 du Code Civil, ne pouvait se voir appliquer les effets du mariage putatif ; qu'il y voit une contradiction de motifs et une violation des dispositions légales ; qu'il reproche également à la décision attaquée d'avoir omis de mentionner l'administrateur ad hoc parmi les parties en cause, et d'avoir néanmoins statué sur la demande de la dame D. tendant à l'annulation de la légitimation par R. S. de la mineure F., alors qu'elle n'avait pas qualité pour ce faire ; qu'il déclare qu'en vertu de la protection qui leur est conférée par la loi, les enfants légitimés doivent être considérés comme légitimes quelle que soit la gravité du vice par lequel le mariage est entaché de nullité ; qu'il demande, en conséquence, qu'il soit jugé que le mariage putatif produira les effets civils prévus par l'article 171 du Code civil ;

Attendu que l'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé le mariage des époux D. R. S., du chef de bigamie à l'encontre du sieur R. S. ; qu'elle demande, par voie d'appel incident en s'associant à l'appel principal, que la décision attaquée soit réformée pour le surplus ; qu'il soit jugé qu'étant de bonne foi elle soit admise, ainsi que sa fille mineure, à bénéficier des dispositions de l'article 171 du Code civil ;

Attendu que Monsieur A., ès qualités d'administrateur ad hoc de la mineure F. s'en rapporte à justice.

Attendu que par arrêt du 18 novembre 1975, défaut profit joint a été prononcé à l'encontre de R. S. A. ; que, réassigné le 26 novembre 1975, ce dernier ne comparaît toujours pas ;

Sur la nullité du mariage

Attendu qu'il est établi par les éléments du dossier que R. S. se trouvait engagé dans les liens d'un précédent mariage, lorsqu'il a épousé, le 13 janvier 1972, la dame D. M. devant l'officier d'Etat civil de la Commune de Monaco, délit pour lequel il a été condamné, le 11 février 1974 à la peine de deux ans de prison et 2 000 francs d'amende par jugement de défaut du Tribunal correctionnel de Monaco ;

Attendu que la dame D., dont la bonne foi ne saurait être mise en doute, a qualité pour demander l'annulation du mariage qu'elle a contracté avec R. S., en se fondant sur l'article 119 du Code civil ;

Que la nullité dudit mariage doit donc être prononcée, et le jugement entrepris confirmé de ce chef ;

Sur les effets du mariage

Attendu que, contrairement à la position qu'elle avait adoptée en première instance, la dame D. se joint aux conclusions du Ministère Public pour demander que, conformément aux dispositions de l'article 171 du Code civil, le mariage soit considéré comme putatif à son égard et qu'il produise les effets civils tant en sa faveur qu'en faveur de sa fille mineure ;

Attendu qu'il est constant que seule l'intimée était de bonne foi, lorsqu'elle a contracté mariage le 13 janvier 1972 à Monaco ; qu'elle est par conséquent fondée à réclamer pour elle-même l'application de l'article 171 sus visé ;

Qu'il convient donc de déclarer que le mariage produira les effets civils en sa faveur ;

Attendu en ce qui concerne la légitimation de la mineure F., opérée par reconnaissance concomitante faite par R. S., le 13 janvier 1972, tant sur l'acte de mariage que sur les registres des actes de naissance, qu'il doit être donné acte à Monsieur A., administrateur ad hoc de cette enfant qu'il s'en rapporte à justice ;

Attendu qu'il échet à l'égard de la jeune F. de tirer les conséquences du mariage putatif de sa mère et de lui faire application également des dispositions de l'article 171 du Code civil, en décidant que sa légitimation sera considérée comme valable et produira ses effets civils ;

Qu'il convient donc de réformer de ce chef le jugement frappé d'appel ;

Sur les dépens :

Attendu que les dépens tant de première instance que d'appel doivent être mis à la charge de R.S., qui a rendu nécessaire la présente instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

En la forme, reçoit les appels principal et incident du Ministère Public et de la dame D. ;

Au fond, dit ces appels fondés l'un et l'autre ;

Confirme le jugement du vingt-quatre avril mil neuf cent soixante-quinze, en ce qu'il a prononcé avec tous les effets de droit la nullité du mariage célébré à Monaco le 13 janvier 1972 entre la dame M. D. et le sieur A. R.S. ;

L'infirme pour le surplus ;

Dit que ce mariage sera considéré comme putatif et produira les effets civils, tant à l'égard de la dame D. qu'en faveur de la mineure F. R.S. ;

Déclare, en conséquence, valable la légitimation de la dite enfant ;

Dit que mention du dispositif du présent arrêt sera faite sur les doubles registres de l'état civil, en marge de l'acte portant le n° 4 des actes de mariage de l'année 1972 ;

Composition🔗

MM de Monseignat, prem. pr. Default prem. subst. gén., MMe Sanita, av. déf. et Karczag-Marquet, av.

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