Cour d'appel, 18 mars 1975, S.A.M. Les Applications Magnétiques Automobiles c/ Société marseillaise de crédit.

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Abstract🔗

Fonds de commerce

Nantissement - Inscription provisoire - Validation et conversion en inscription définitive par voie de demande principale (non)

Résumé🔗

L'article 762 bis du code de procédure civile permet au Président du Tribunal, au cas où le recouvrement d'une créance semblerait en péril, d'autoriser le créancier à prendre une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce de son débiteur ; il ne prévoit pas que cette inscription provisoire puisse être validée et convertie en inscription définitive par voie d'action principale.

C'est sans objet et sans fondement légal que les premiers juges ont fait droit à la demande de conversion de l'inscription provisoire de nantissement alors, au surplus, qu'aucune condamnation au fond n'était réclamée même implicitement.


Motifs🔗

LA COUR,

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la Société Les Applications Magnétiques Automobiles, (en abrégé S.A.M.A.) d'un jugement du Tribunal de Première Instance de Monaco, du 27 juin 1974, lequel a transformé en inscription définitive une inscription provisoire de nantissement prise sur son fonds le 24 juillet 1973, en vertu d'une ordonnance présidentielle du 11 juillet précédent, ayant provisoirement évalué à 75 000 francs le montant de la créance de la S.M.C. ; statuant également sur la demande de dommages-intérêts formée par la S.M.C. en cause d'appel ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites que par acte du 9 novembre 1972, le sieur L., agissant en qualité d'administrateur de la S.A.M.A. s'est porté caution solidaire, dans la limite de 75 000 francs, des sommes dont pourrait être redevable envers la S.M.C. la Société Le Laboratoire de Technique Pharmaceutique, ci-après désignée sous le sigle de « Latephar » ; que cette dernière société ayant été déclarée en état de faillite, la S.M.C. a été admise au passif pour 83 400,93 F, représentant pour partie (8 617,80 F) le solde débiteur du compte courant de la Société Latephar, et pour le surplus le montant de trois lettres de change, par elle remises à l'escompte et demeurées impayées ; que c'est dans ces conditions qu'à été autorisée l'inscription provisoire de nantissement et qu'est intervenu le jugement déféré qui l'a transformée en inscription définitive ;

Attendu que la S.A.M.A. qui ne conteste pas son obligation de payer le solde débiteur du compte courant de la Société Latephar (8 617,80 F) fait grief au jugement entrepris de l'avoir en outre condamnée à payer à la S.M.C. le montant des trois lettres de change alors, d'une part, que deux plaintes pour escroquerie ayant été déposées par la S.M.C. contre le sieur B., administrateur délégué de la Société Latephar, il convenait, par application de l'article 3 du Code de Procédure Pénale, de surseoir à statuer jusqu'à décision définitive sur l'action publique, et que, d'autre part, la S.M.C. ayant eu connaissance de ce que les effets qui lui étaient remis à l'escompte étaient de pure complaisance, ne pouvait être considérée comme un porteur de bonne foi dans les conditions de l'article 86 du Code de commerce ; qu'elle fait encore valoir que, lors de la vérification de l'état des créances de la Société Latephar, elle n'a pas eu connaissance de la production de S.M.C., non contestée par le sieur B. et de son admission au passif de la faillite pour 83 400,83 F, représentant tant le solde débiteur du compte courant que les effets escomptés ; qu'elle conclut, en conséquence, par l'infirmation du jugement entrepris, à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à décision définitive sur l'action pénale intentée par la S.M.C. et, à titre subsidiaire, à la réformation de la décision entreprise, et à la mainlevée de l'inscription provisoire de nantissement prise le 24 juillet 1973 ;

Attendu que de son côté, la S.M.C. conclut à la confirmation du jugement déféré en faisant valoir notamment que la S.A.M.A., Société monégasque, ne peut prétendre n'avoir pas eu connaissance de la procédure de vérification des créances de la Société Latephar, alors que le jugement de faillite a été publié le 15 juin 1973 au Journal Officiel de Monaco et que, elle-même, par lettre recommandée du 20 juin suivant, l'a informée de la faillite en lui rappelant ses obligations de caution ; qu'elle conclut enfin à la condamnation de la S.A.M.A. à 5 000 francs de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Sur la demande principale de sursis à statuer :

Attendu que cette demande doit être écartée en l'état de la preuve apportée, par les expéditions des jugements du Tribunal correctionnel de Monaco du 24 février 1973, des condamnations définitives du sieur B., sur les plaintes qui avaient été déposées à son encontre par la S.M.C. ; qu'au surplus, le conseil de la S.A.M.A. a fait connaître verbalement à l'audience qu'il renonçait à ce moyen ;

Sur la transformation en inscription définitive de l'inscription provisoire de nantissement :

Attendu que l'article 762 bis du Code de procédure civile qui, au cas où le recouvrement d'une créance semblerait en péril permet au Président du Tribunal d'autoriser le créancier à prendre une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce de son débiteur, ne prévoit nullement que cette inscription provisoire puisse être validée et convertie en inscription définitive par voie de demande principale ; que selon son alinéa 4 une inscription définitive sera prise sans autre formalité sur la simple présentation de la grosse de la nécessaire décision sur le fond lorsque celle-ci aura acquis l'autorité de la chose jugée ;

Qu'il ressort que c'est sans objet et sans fondement légal que la décision entreprise a fait droit à la demande de conversion de l'inscription provisoire de nantissement, alors, au surplus, qu'aucune condamnation au fond n'était réclamée, même implicitement, la S.M.C. par son assignation du 14 septembre 1973, dont elle n'a pas ultérieurement modifié les termes, ayant, au contraire, demandé acte de ce qu'elle se réservait de former une telle demande pour l'avenir, ce qui n'a jamais été fait ;

Attendu qu'il convient, dès lors, conformément à une jurisprudence déjà affirmée par la Cour (arrêt du 29 janvier 1974, aff. D. G. c/ B.) de réformer le jugement entrepris, et, par voie de conséquence, de débouter la S.M.C. de sa demande de dommages-intérêts formée en cause d'appel ;

Sur la demande de la S.A.M.A. de mainlevée de l'inscription provisoire de nantissement :

Attendu qu'aux termes de l'article 762 bis du Code de procédure civile, le bénéficiaire d'une inscription provisoire de nantissement doit, dans les trois mois de cette inscription, saisir le Tribunal au fond ;

Attendu qu'une telle demande n'a pas été formée dans le délai ci-dessus précisé et qu'il échet dès lors, de donner mainlevée de l'inscription provisoire de nantissement prise au bénéfice de la S.M.C.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'inscription de nantissement provisoire prise le vingt-quatre juillet mil neuf cent soixante-treize, volume sept, n° vingt-sept, au Répertoire du Commerce et de l'Industrie, transformée en inscription définitive avec toutes les conséquences de droit ;

Et statuant à nouveau, donne mainlevée de ladite inscription et en ordonne la radiation ;

Donne acte à la Société Les Applications Magnétiques Automobiles de son offre de régler, en sa qualité de caution, la somme de Huit Mille Six Cent Dix Sept Francs, Quatre Vingts Centimes à la Société Marseillaise de Crédit ;

Déboute la Société Marseillaise de Crédit de sa demande de dommages-intérêts formée en cause d'appel et la condamne aux dépens tant de première instance que d'appel ;

Composition🔗

MM. J. Monseignat prem. pr., Défault prem. subst. gén., MMe Clérissi, Boisson av. déf. et Rouillot (du barreau de Nice) av.

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