Cour d'appel, 18 mars 1975, S.A.M. Navigator c/ S.A. G.
Abstract🔗
Contrats et obligation
Vente - Commission - Accord des parties - Caractère aléatoire - Absence d'ambiguïté - Validité (oui)
Résumé🔗
Une lettre caractérisant un accord nouveau mais ferme et définitif sur le montant d'une commission calculée « compte tenu du cours du Deutsch Mark alors en vigueur » doit être retenue même si cet accord a un caractère aléatoire, les fluctuations du change pouvant jouer dans un sens comme dans l'autre, dès lors qu'il ne présente aucune ambiguïté.
Motifs🔗
LA COUR,
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté le 6 août 1974 par la Société Anonyme Monégasque « Navigator », à l'encontre du jugement du Tribunal du 27 juin 1974, signifié le 18 juillet, qui l'avait condamnée à payer à la Société G. la somme de 18 800 francs, avec intérêts de droit ;
Attendu que par un accord confirmé par lettre du 17 avril 1973, Navigator chargeait G. de vendre le yacht E., précisant que sur le prix demandé de 1 250 000 francs une commission de 60 000 francs lui serait réservée en cas de conclusion avec un sieur C. ou tout autre client présenté par elle ;
Que sur l'intervention incontestée de G. est intervenu le 21 avril 1973 un compromis de vente entre Navigator, représentant le vendeur G., et le sieur C., pour le prix de 1 190 000 francs, dont 150 000 F étaient payés comptant, le solde devant l'être et l'ayant été effectivement à la date limite du 20 juin 1973 ;
Qu'en tenant compte de la réduction du prix, G. réclamait le 7 juillet sa commission, diminuée dans la même proportion, en la somme de 57 120 francs ; que Navigator lui répondait le 31 juillet que lors de la décision de réduire le prix à 1 190 000 francs, il avait été convenu avec son représentant T. de « ramener le montant de sa commission à 50 000 francs, compte tenu du cours du change du Deutsch Mark alors en vigueur », mais que l'affaire ayant été prolongée du fait du délai excessif accordé par G. à l'acheteur et le cours du change ayant sensiblement évolué, la marge globale de commission se trouvait réduite à 62 400 francs qu'elle estimait devoir partager par moitié et qu'elle adressait un chèque de 31 200 francs ;
Qu'en acceptant cette somme à valoir sur le montant de sa commission, G. en réclamait le solde le 2 août, demande réitérée le 27 août ; que Navigator lui reprochait à nouveau, le 14 septembre, d'avoir introduit contre son gré un délai de paiement qui a perturbé l'opération par la variation du change, circonstance ne lui permettant pas d'offrir mieux que le partage par moitié du bénéfice, approchant le taux de partage d'une commission usuelle de 6 % ;
Attendu que le Tribunal a fait droit à la demande de G. et a condamné Navigator à lui payer le solde de la commission dont la réduction à 50 000 francs avait été acceptée ;
Attendu que l'appelante estime que le premier accord, fixant la commission à 60 000 francs étant devenu caduc, faute d'obtention du prix demandé, les parties ne demeuraient plus liées que par les usages en la matière, soit le partage par moitié de 6 % réduits encore des frais de vente, aboutissant à une somme inférieure à celle déjà acquittée, que sa propre lettre du 31 juillet 1973, même considérée comme un second accord, « ne garantissait pas du montant de la commission et faisait expressément référence au cours du D.M. », et ne peut, dans son ambiguïté, être interprétée autrement qu'avec le secours de l'usage, qui est de partager la commission, ainsi que l'atteste, le 27 novembre 1974 le Président de la Chambre syndicale du Commerce et des Industries Nautiques ; que le refus de se référer aux fluctuations du change aboutirait à une conséquence illogique et inéquitable, infirmant le jugement, de déclarer satisfactoire son règlement de 31 200 francs, moitié du profit net, conformément à l'usage, en déboutant G. de toute demande supplémentaire ; subsidiairement de constater que les frais de vente du navire se sont élevés à 10 865 F dont G. devra acquitter la moitié ; plus subsidiairement et pour le cas où la Cour retiendrait comme assiette de calcul de la commission un prix en francs français, dire que la commission de G. s'élèverait à 35 700 francs, desquels serait déduite la moitié des frais, et, en ce cas, condamner G. à restituer 937 F perçus en trop ;
Attendu que l'intimée conclut à la confirmation du jugement qui a parfaitement apprécié la situation de fait et appliqué le droit en considérant que les accords des parties étaient précis et ne se référaient aucunement à des usages, d'ailleurs susceptibles de dérogations : détermination à deux reprises d'une commission forfaitaire, sans référence à un paiement en D.M., résultant d'ailleurs de conventions auxquelles elle était étrangère, non plus qu'à un partage ou à un pourcentage quelconques ;
Attendu que si G. a rempli son rôle en amenant l'acheteur, c'est Navigator qui, au nom du vendeur G., a signé avec C. le compromis de vente du 21 avril 1973, stipulant ou acceptant le délai limite de paiement du 20 juin et la réduction du prix initialement envisagé ; que c'est postérieurement à ce compromis que Navigator a convenu, avec le représentant de G., d'une réduction de la commission, telle que le relate sa lettre du 31 juillet qui mentionne cet accord sur une commission forfaitaire réduite, tant en raison de la baisse du prix que de l'évolution déjà manifestée du cours du change du D.M. auquel il était pour la première fois fait allusion, cette lettre déplorant aussi le délai de paiement jusqu'au 20 juin ;
Attendu que cette lettre ne présente aucune ambiguïté et que les premiers juges ont considéré à bon droit qu'elle caractérisait un accord nouveau, mais ferme et définitif, sur le montant de la commission revenant à G. ; qu'il doit être retenu, en effet, que Navigator, connaissant déjà les circonstances qu'elle invoque, avait néanmoins déterminé avec T. le montant d'une commission forfaitaire sans nulle référence à un pourcentage ni à un partage de bénéfice net ; que cet accord avait pour Navigator un caractère aléatoire, les fluctuations du change pouvant jouer dans un sens comme dans l'autre, mais qu'il ne présentait aucune ambiguïté pouvant justifier le recours à un usage qui, selon l'attestation produite, n'aboutit d'ailleurs à un partage de la commission par moitié qu'à défaut de convention entre les intermédiaires sur des bases différentes, comme cela est le cas de l'espèce ;
Qu'il y a donc lieu de déclarer Navigator mal fondée dans les fins principales et a fortiori subsidiaires de son appel, de l'en débouter et de la condamner aux dépens ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS et ceux des premiers juges, La Cour,
Accueille en la forme la Société Navigator en son appel, mais l'y déclare mal fondée et l'en déboute ;
Confirme le jugement du vingt-sept juin mil neuf cent soixante-quatorze, dit qu'il sortira son plein et entier effet ;
Composition🔗
MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Boéri, Sanita av. déf., Blot et Estradier (du barreau de Nice) av.