Cour d'appel, 15 janvier 1974, Hoirs A. c/ G., R., O. ès qualités de syndic de la faillite S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace et autres.

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Abstract🔗

Hypothèques

Obligations hypothécaires - Obligations créées en représentation d'un prêt simulé - Fausse cause équivalant à l'absence de cause - Inopposabilité de l'absence de cause au porteur de bonne foi

Saisie immobilière

Obligations créées en représentation d'un prêt simulé - Saisissant - Mauvaise foi - Nullité de la saisie

Contrats et obligations

Contre-lettre - Augmentation du prix stipulé dans un acte soumis à l'impôt - Nullité

Résumé🔗

La cause des obligations créées par les contrats à titre onéreux est la considération d'une contre prestation ; en matière de prêt, la contre prestation de l'obligation de restituer est constituée par la remise de la chose prêtée. Lorsqu'il est constaté que les fonds dont une partie a été déclarée prêteur n'ont pas été versés, l'acte est dépourvu de cause.

En matière d'obligation à ordre ou au porteur, le débiteur accepte par avance pour ses créanciers directs tous ceux qui en deviendront successivement porteurs ; le porteur est, par suite, investi d'un droit propre et n'est passible, s'il est de bonne foi, que des exceptions qui lui sont personnelles ou qui résultent de la teneur de l'acte sans pouvoir se voir opposer par le débiteur les droits que celui-ci pourrait faire valoir contre le premier bénéficiaire. La fictivité du prêt et la mauvaise foi du saisissant étant établies, le défaut de cause entraîne la nullité de la procédure de saisie immobilière en raison du caractère inopérant des titres du saisissant.

Aux termes de l'article 38 de l'Ordonnance du 29 avril 1828, toute contre-lettre, faite sous signature privée, qui aurait pour objet une augmentation de prix stipulé dans un acte public, ou dans un acte sous signature privée précédemment enregistré, est déclarée nulle et de nul effet.


Motifs🔗

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par les hoirs H. A., décédé en cours d'instance, d'un jugement rendu le 11 janvier 1973, par le Tribunal de première instance de Monaco, dans un litige les opposant aux sieurs L. G. et V. R., en présence de la dame F. et des sieurs O. et A., pris respectivement ès-qualités de gérante de la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace, de syndic de faillite de la dite Société et de détenteur des actes passés en l'étude de l'ex-notaire Sangiorgio-Cazes ;

Attendu qu'il résulte des documents de la cause, que J. G. et H. A. ont consenti le 17 février 1967 à la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace, une promesse de vente sous seings privés portant à la fois sur les droits détenus par G. dans l'ensemble immobilier sis à ., et sur les actions détenues par A. de la S.A.M. Les Grands Hôtels de Londres et de Monte-Carlo Palace, locataire principal dudit immeuble, moyennant le prix de 9 000 000 de F ; que par le même acte, les sieurs G. et A. ont donné quittance de la somme de 500 000 F., qui leur était remise, pour moitié chacun, à titre d'avance sur le prix et de dédit en cas de non réalisation de la vente avant le 31 octobre 1967 ; que l'acte de vente a été établi le 1er décembre suivant, moyennant le prix déclaré de 6 000 000 de F., converti ultérieurement en deux grosses nominatives de 3 000 000 de F. au profit de chacun des vendeurs dont la créance était garantie par une inscription hypothécaire de second rang ; que dès le lendemain, la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace a constitué sur l'ensemble immobilier qu'elle venait d'acquérir une inscription hypothécaire de 2 500 000 F., somme dont un sieur O. était déclaré être le prêteur et premier porteur de 250 grosses de 10 000 F. chacune ; que le 15 novembre, soit quinze jours avant la signature de l'acte et la constitution de l'hypothèque, A. avait reçu du notaire Sangiorgio-Cazes une attestation indiquant qu'il détenait en son étude, pour être mise à sa disposition et à celle de G. une somme de 1 250 000 F., et que le même notaire l'informait, le 2 décembre 1967, jour de l'établissement de l'acte O., qu'il détenait pour son compte et celui de G., 125 des grosses de 10 000 F. chacune résultant de cette dernière convention et devant leur être remises dès leur matérialisation ; qu'une somme de 1 250 000 F. leur a été payée par chèque du 5 décembre 1967 et que les 125 grosses du prêt O., portant les n° 1 à 125 leur ont été remises le 22 décembre 1967 contre reçu par eux souscrit à cette date ;

Attendu qu'il résulte des écritures des parties, concordantes sur ce point, d'une part, que l'acte du 1er décembre 1967 portait dissimulation d'une partie du prix, soit 3 000 000 de F., et qu'à cet égard l'acte du 17 février précédant constituait une contre-lettre, d'autre part que le prêt O. était fictif, le prêteur désigné n'ayant pas fait les fonds ;

Attendu qu'agissant en qualité de porteur de 40 grosses de 10 000 F. chacune, n° 1 à 40 provenant du « prêt » O. du 2 décembre 1967, H. A. a entamé, le 15 septembre 1970, contre la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace une procédure de saisie immobilière ;

Attendu que les sieurs L. G. et V. R., se prévalant de leur qualité de créanciers de la société saisie ont, suivant exploit du 9 février 1971, intenté contre A. une action tendant à la déclaration de la nullité de la saisie au motif, dans un premier temps, que les garanties hypothécaires attachées aux grosses dont le saisissant était porteur se trouvaient éteintes par la confusion des créances intervenue lors de la remise desdites grosses à la société débitrice avant que A. n'en prenne possession, ensuite que l'acte du 2 décembre 1967 étant fictif, le montant du prêt constaté de 2 500 000 F. n'ayant pas été, de l'aveu même du sieur A., versé par O., l'obligation corrélative souscrite par la S.C.I. « Monte-Carlo Résidence Palace » était nulle pour défaut de cause et, par voie de conséquence, l'inscription hypothécaire qui en était résultée ; qu'ils ont enfin demandé au Tribunal de constater que les grosses n° 1 à 40 détenues par A. constituaient une partie de la dissimulation du prix de vente des biens visés à l'acte du 1er décembre 1967, dissimulation qui leur était inopposable par application de l'article 1168 du Code civil ; que par le jugement déféré du 10 janvier 1973, le Tribunal a fait droit à ces demandes, après avoir écarté « l'exception » tirée par A. du fait que R. n'étant pas créancier privilégié était irrecevable en son action ;

Attendu que pour statuer sur le fond, ainsi qu'il l'a fait, le Tribunal a estimé :

  • qu'en matière de prêt à intérêts, en dehors de tous les motifs personnels qui ont agi sur la volonté des contractants, la cause de l'engagement pris par l'emprunteur de restituer la somme prêtée et de payer les intérêts, réside dans la prestation fournie par le prêteur, à savoir le versement de la somme promise ;

  • qu'en l'absence d'un tel versement le contrat de prêt est nul,

  • que l'hypothèque dont il était assorti et qui avait pour but d'assurer le remboursement d'une somme non versée est devenue caduque,

  • qu'à supposer que l'obligation souscrite par la S.C.I. ait été réellement causée, G. et A. tenant d'elle les grosses litigieuses, ainsi qu'il résulte du reçu souscrit par eux le 22 décembre 1967, la société débitrice est bien entrée en possession des titres au porteur, de telle sorte que la détention de ces titres intervenue par simple tradition supposant le paiement de leur équivalent, il en serait juridiquement résulté la réunion en sa personne des deux qualités de débiteur et de créancier emportant extinction de l'obligation et par voie de conséquence de l'hypothèque ;

  • que c'est à tort que A. soutient qu'il aurait payé les 125 grosses au moyen de la somme de 1 250 000 F., détenue pour son compte et celui de G. par le notaire instrumentaire, alors que les documents comptables permettent de constater que le versement de 1 250 000 F. prétendument effectué par G. et A. ne figure pas dans la colonne correspondante à celle de la remise des grosses et que les allégations de A. tendent à démontrer, contre toute logique, que les fonds détenus par le notaire, d'ordre de la S.C.I. et au crédit de G. et de A., ont été versés au compte de la S.C.I. en l'étude de l'officier ministériel pour faire ensuite l'objet d'un retrait au moyen d'un chèque tiré par le gérant de ladite S.C.I. à son ordre et être remis en espèces à G. qui les aurait reversés au notaire pour prix d'acquisition des 125 grosses,

  • qu'il résulte par contre des éléments comptables et bancaires fournis par le syndic qu'en réalité les 125 grosses litigieuses représentent partie du montant de la dissimulation du prix réalisé par l'acte du 1er décembre 1967 ;

Attendu que par leur acte d'appel, les hoirs A. critiquent le jugement entrepris d'avoir :

1° - en ce qui concerne la recevabilité de l'action de R., admis celle-ci au motif que l'irrecevabilité aurait dû être soulevée in limine litis et que, au surplus, à la date de son exploit introductif d'instance, R. aurait eu la qualité de créancier hypothécaire, étant titulaire d'une inscription provisoire prise le 24 août 1970 en vertu d'une autorisation présidentielle, qualité qui aurait été confortée ultérieurement par l'acquisition de grosses au porteur, alors, d'une part, que l'exception fondée sur le défaut de qualité est une fin de non recevoir au fond pouvant comme telle être opposée en tout état de la procédure et que, d'autre part, la qualité de créancier hypothécaire de R. devant s'apprécier au jour de l'assignation, c'est-à-dire le 9 février 1971, il n'était à cette date ni titulaire d'une hypothèque judiciaire prise en vertu des dispositions de l'article 1961 du Code civil, ni porteur de grosses hypothécaires, celles-ci n'ayant été acquises par lui que postérieurement et se trouvant de surcroît annulées par le jugement même qui en faisait état pour déclarer recevable l'action de leur détenteur,

2° - au fond,

a) sur le défaut de cause, dit que les 250 grosses au porteur résultant de l'acte du 2 décembre 1967 étaient nulles faute pour le sieur O., présenté comme premier porteur, d'avoir fait les fonds, alors que la cause de l'acte résultait pour la société « Monte-Carlo Résidence Palace » de son désir de mobiliser son crédit et que dès lors importait seul le fait de savoir si les grosses litigieuses avaient, ou non, fait l'objet d'un paiement de la part de leur possesseur ou même, éventuellement, avaient été émises en exécution d'une obligation de la société préexistante à leur constitution, alors qu'il n'était pas contesté par ailleurs que les tiers n'avaient pas été induits en erreur sur le montant des charges grevant le bien hypothéqué,

b) sur la confusion, dit que la remise à la société débitrice des grosses constatant son obligation a entraîné, par voie de confusion, l'extinction de la dette de ladite société et partant de l'hypothèque qui en était l'accessoire, alors qu'il résulterait de la lettre du 2 décembre 1967, par laquelle le notaire Sangiorgio-Cazes informait les sieurs G. et A. qu'il détenait pour leur compte 125 grosses au porteur provenant de l'acte du même jour, qu'ils en étaient dès lors propriétaires pour les avoir acquises au moyen de la somme de 1 250 000 F., mises le 15 novembre à leur disposition en l'étude du même notaire ; qu'en conséquence lesdites grosses ne pouvaient se trouver entre les mains d'un tiers qu'à titre de dépôt excluant toute confusion ; qu'au surplus, même en l'absence d'un paiement, la remise faite à l'appelant desdites grosses pouvait encore être justifiée s'il était établi qu'il possédait sur la société civile une créance antérieure à l'acte du 2 décembre,

c) sur la contre-lettre, dit que les grosses n° 1 à 40 en vertu desquelles A. a saisi aux fins de leur vente judiciaire les biens de la société lui ont été remises sans que le paiement ait été effectué et qu'elles dissimulent une partie du prix de vente des biens visés à l'acte du 1er décembre 1967, dissimulation inopposable aux tiers aux termes de l'article 1168 du Code civil, alors que la faculté réservée aux tiers d'invoquer l'inopposabilité de la convention occulte ne leur donnerait pas le droit de faire annuler les effets que l'accord secret a produit entre ceux qui l'ont signé ;

Que les hoirs A. concluent en conséquence à la réformation de ces différents chefs du jugement entrepris et à ce que soit repris dans le dispositif de l'arrêt à intervenir l'essentiel des motivations de l'acte d'appel,

Qu'en outre, et par conclusions ultérieures, au motif qu'un faisceau d'éléments graves, précis et concordants permettrait d'affirmer que R. aurait été un associé occulte de la S.C.I. « Monte-Carlo Résidence Palace » ; qu'il aurait en effet consenti à la société des apports dissimulés sous la forme de prêts ; qu'il serait intervenu dans sa gestion et aurait utilisé les fonds sociaux dans son intérêt personnel ; qu'enfin il était en possession de diverses pièces, notamment de la promesse de vente du 17 février 1967 et du reçu du 22 décembre suivant par lequel G. et A. reconnaissaient la remise qui leur était faite des 125 grosses au porteur, les appelants demandent que acte leur soit donné de ce qu'ils se réservent, le cas échéant, de demander la mise en faillite commune de R. avec la société,

Attendu que G. et R. concluent à la confirmation de la décision entreprise pour les motifs par eux invoqués en première instance et retenus par les premiers juges ; que R. déclare en outre se fonder sur les dispositions d'ordre public de l'article 38 de l'Ordonnance du 29 avril 1828 sur l'enregistrement ;

Attendu enfin que le sieur O., ès-qualités, prend acte de l'acquiescement par les hoirs A. des dispositions du jugement entrepris relatives à ses conclusions déposées en première instance ; que pour le surplus il s'en rapporte à justice, de même que la dame F. prise en sa qualité de gérante de la société « Monte-Carlo Résidence Palace »,

Sur la recevabilité de l'action de R.

Attendu que le défaut de qualité est sanctionné par une fin de non recevoir qui s'apparente à une défense au fond et qui, pour cette raison, peut être soulevé à tout moment de la procédure, même si l'ordre public n'est pas en cause ; que c'est donc à tort que le Tribunal a écarté cette fin de non recevoir au motif qu'elle n'avait pas été soulevée in limine litis et qu'il échet en conséquence d'examiner si le moyen est fondé,

Attendu que la recevabilité de l'action doit être appréciée au jour de la demande en justice,

Attendu que R. ne justifie pas avoir été, à cette date, en possession des grosses hypothécaires dont il est aujourd'hui porteur et dont il n'a pas fait état dans son assignation,

Attendu par ailleurs que le fait d'avoir, à la même date, été bénéficiaire d'une hypothèque conservatoire ne lui donnait pas la qualité de créancier inscrit au sens des textes gouvernant la procédure de saisie immobilière alors que par la suite une inscription définitive ne s'est pas substituée rétroactivement à l'inscription provisoire qui, au contraire, a été rayée,

Et attendu que le créancier chirographaire, s'il a le pouvoir de saisir, n'a pas qualité pour intervenir dans une procédure de saisie immobilière dont il n'a pas pris l'initiative,

Qu'il échet, en conséquence, de déclarer R. irrecevable en son action,

Sur le défaut de cause

Attendu que la cause des obligations créées par les contrats à titre onéreux est la considération d'une contre prestation ; qu'en matière de prêt, la contre prestation de l'obligation de restituer est constituée par la remise de la chose prêtée ; que dès lors c'est à juste titre que le Tribunal, ayant constaté que O. n'a pas versé les fonds dont il était déclaré prêteur, a considéré que l'acte du 2 décembre 1967 était dépourvu de cause,

Attendu toutefois qu'en jugeant de ce fait l'acte nul ainsi que l'obligation hypothécaire dont il est le support juridique, le Tribunal a tiré de ses constatations une conclusion trop générale compte tenu de la nature particulière des titres créés pour assurer l'exécution de l'obligation souscrite,

Attendu, en effet, qu'en matière d'obligations à ordre ou au porteur, le débiteur accepte par avance pour ses créanciers directs tous ceux qui en deviendront successivement porteurs ; que par suite, le porteur est investi d'un droit propre et n'est passible, s'il est de bonne foi, que des exceptions qui lui sont personnelles ou qui résultent de la teneur de l'acte ; qu'ainsi, sauf mauvaise foi de sa part, le débiteur n'est pas fondé à lui opposer les droits qu'il pourrait faire valoir contre le premier bénéficiaire,

Attendu qu'il échet en conséquence de rechercher si le sieur A., auteur des appelants, était ou non de bonne foi et si dès lors le défaut de cause de l'acte peut ou non lui être opposé,

Attendu qu'il y a lieu de relever à cet égard que c'est par les premières conclusions de A. devant le Tribunal qu'a été révélée, le 24 mars 1971, la fictivité du « prêt » O. alors que l'unique moyen invoqué par les demandeurs dans leur assignation portait sur la confusion qui se serait opérée, en la personne de la société « Monte-Carlo Résidence Palace », des qualités de débiteur et de créancier que par ailleurs la prétention de A. d'avoir été propriétaire des grosses dès leur création, la concordance de l'acte litigieux et de la lettre du notaire l'informant de ce qu'il détenait les grosses pour son compte ainsi que le fait que lesdites grosses ne lui ont pas été remises par la personne désignée comme prêteur et premier porteur ni en son nom, établissent sa mauvaise foi,

Attendu en conséquence, que le défaut de cause de l'acte du 2 décembre 1967 peut être valablement opposé aux hoirs A. par G., ayant cause de l'auteur de l'engagement ; que dès lors c'est avec raison que le Tribunal a annulé la procédure de saisie immobilière en raison du caractère inopérant en l'espèce des titres du saisissant ; qu'il y a lieu ainsi, sans même examiner le moyen tiré de la confusion, de confirmer sur ce point la décision entreprise,

Sur la contre-lettre

Attendu que le caractère de contre-lettre de l'acte du 17 février 1967 portant augmentation du prix porté à l'acte du 1er décembre de la même année n'est pas contesté ; qu'une telle contre-lettre, faite sous signature privée, tombe sous le coup de l'article 38 de l'Ordonnance du 29 avril 1828 qui énonce que « toute contre-lettre, faite sous signature privée, qui aurait pour objet une augmentation du prix stipulé dans un acte public, ou dans un acte sous signature privée précédemment enregistré, est déclarée nulle et de nul effet » ; que vainement les hoirs A., se fondant sur les termes « précédemment enregistré » qui, selon eux, qualifieraient tant l' « acte public » que l' « acte sous signature privée », font plaider que ce texte n'édicterait que la nullité de la contre-lettre postérieure à l'acte ostensible, alors que la virgule apposée après les mots « acte public » et l'absence de virgule entre les mots « acte sous signature privée » et les termes « précédemment enregistré » ne permettent pas une telle interprétation ;

Attendu au surplus, que l'article 38 susvisé, d'ordre fiscal, tend à sanctionner une fraude qui ne se trouve réalisée qu'après que l'acte non secret ait acquis ce caractère pour avoir été soumis à l'impôt ; qu'un acte public s'y trouve soumis par sa nature même, en dehors de la volonté des parties, alors que s'agissant d'un acte sous signature privée, l'intervention d'au moins une d'entre elles est nécessaire pour son enregistrement ; qu'ainsi les termes « précédemment enregistré » n'ont d'autre sens que de préciser que lorsque c'est un acte sous signature privée qui est destiné à devenir l'acte ostensible, ce n'est que par son enregistrement qu'il acquiert ce caractère et ce n'est qu'après son enregistrement, la fraude étant alors consommée, que la nullité de la contre-lettre est encourue,

Attendu, enfin, que pour les motifs retenus par les premiers juges et que la Cour fait siens, il échet de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que le sieur A. n'a pas payé les grosses 1 à 40 en vertu desquelles il a intenté la procédure de saisie immobilière et que ces grosses ne lui ont été remises qu'en représentation d'une partie de la dissimulation du prix des biens vendus aux termes de l'acte du 1er décembre 1967 ; qu'il échet toutefois d'émander la décision dont appel en ce qu'elle a déclaré « cette dissimulation inopposable aux tiers, aux termes de l'article 1168 du Code civil, les effets de la contre-lettre, dans le cas particulier de dissimulation portant sur le prix, étant exclusivement régis par l'article 38 susvisé de l'Ordonnance du 29 avril 1828 dont il n'avait pas été fait application en première instance »,

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

et ceux non contraires des premiers juges,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a, sur la demande du sieur L. G., prononcé la nullité de la procédure de vente sur saisie immobilière intentée par le sieur A. et reprise par ses hoirs à l'encontre de la S.C.I. « Monte-Carlo Résidence Palace » ;

La réformant pour le surplus,

Déclare V. R. irrecevable en son action,

Dit que L. G. peut se prévaloir à l'encontre des appelants du défaut de cause de l'acte du 2 décembre 1967 dit « prêt O. » et des grosses n° 1 à 40 en résultant en vertu desquelles a été entreprise la procédure de saisie-immobilière ;

Dit que ces grosses n'ont pas été payées par A. et ne lui ont été remises qu'en représentation d'une partie de la dissimulation du prix des biens vendus aux termes de l'acte passé le 1er décembre 1967 entre les sieurs G. et A., d'une part, la S.C.I. « Monte-Carlo Résidence Palace » de l'autre,

Dit que les effets de cette dissimulation sont régis par l'article 38 de l'Ordonnance du 29 avril 1828,

Décerne aux hoirs A. le donné-acte par eux sollicité et visé aux motifs,

Composition🔗

MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Marquilly, Boisson, Marquet, Clérissi av. déf., Champsaur (du barreau de Nice) et Cénac (du barreau d'Aix-en-Provence) av.

Note🔗

Un pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par arrêt de la Cour de Révision en date du 17 avril 1975 (A) et C.R. 17 avril 1975 (B).

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