Cour d'appel, 2 avril 1973, C. et sept sociétés du groupe C. c/ S.A. Intrafor-Cofor.
Abstract🔗
Marché de travaux - Travaux - Retard - Responsabilité de l'exécutant (non) - Révision des prix - Principe et modalités - Accord des parties - Preuve
Résumé🔗
Alors qu'il est établi que la responsabilité du retard dans l'exécution de travaux n'incombe pas à la société chargée de ces travaux, l'existence d'un accord verbal sur le principe et les modalités d'une formule de révision des prix peut être rapportée par tous moyens et même par présomption.
Motifs🔗
LA COUR,
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par C., la S.A.T.P.M.M. la S.E.R.E.A.T.E.C., le Crédit de Monaco, la Phocéenne, la S.C.I. Rocazur, la S.C.I. Escorial et la S.C.I. Escorial Supérieur, d'un jugement rendu le 24 février 1972, par le Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel, accueillant la Société Intrafor-Cofor en son contredit et y faisant droit, l'a déclarée admise au passif de la liquidation judiciaire commune du sieur C. et des Sociétés de son groupe, dont la S.A.T.P.M.M. pour la somme de 46 553, 89 F., à titre chirographaire :
Considérant que les appelants font grief aux premiers juges d'avoir admis la révision des prix du marché de travaux conclu entre la Société Intrafor-Cofor et la S.A.T.P.M.M., en se fondant d'une part sur la responsabilité de la S.A.T.P.M.M. dans l'allongement de la durée des travaux, et d'autre part, sur le silence de la S.A.T.P.M.M., aux lettres d'Intrafor-Cofor des 7 mai 1968 et 4 juillet 1969, relatives à la révision des prix ; qu'ils soutiennent, d'une part, que la responsabilité du retard apporté à l'exécution des travaux ne leur incombe pas, mais incombe au contraire à Intrafor-Color et d'autre part, que leur silence ne signifie pas qu'ils aient accepté la proposition de révision des prix ; que les accords intervenus les 18 janvier et 6 février 1967, ne prévoyaient aucune clause de révision de prix et que leur refus de payer les augmentations réclamées prouve leur intention de ne pas accepter la révision proposée ; que subsidiairement, les appelants demandent qu'au cas où la Cour déciderait que l'intimée pouvant invoquer le bénéfice de la révision de prix, elle juge que ladite révision ne serait applicable qu'aux travaux entrepris après le 7 mai 1968, date de la première demande de révision ;
Considérant que l'intimée sollicite la confirmation pure et simple du jugement entrepris ;
Considérant que D. ès qualités de liquidateur judiciaire de C. et des Sociétés S.A.T.P.M.M., Sereatec. La Phocéenne, Roc Azur, Crédit de Monaco, Escorial et Escorial Supérieur, s'en rapporte à justice sur le bien fondé de l'appel ;
Considérant que par échange de lettres des 18 janvier et 6 février 1967, intervenait un accord entre la S.A.T.P.M.M. et la Société Intrafor-Cofor, sur un marché de travaux concernant l'ancrage du mur de soutènement de l'immeuble Escorial ; qu'il était indiqué dans la lettre Intrafor-Cofor du 18 janvier 1967, que « ces prix sont établis dans les conditions économiques en vigueur au 1er janvier 1967 » ;
Que cette mention, que les appelants interprètent comme une précaution contre une majoration des prix, dans le cas où la S.A.T.P.M.M. aurait tardé à accepter le marché, et l'intimée comme une clause de révision, ne peut pas être considérée à proprement parler comme une clause de variation automatique ; mais elle permet néanmoins d'établir les indices de base dans l'éventualité de l'application d'une clause de révision ;
Considérant que les travaux, qui dans l'esprit des parties devaient être conduits très rapidement, ont en fait duré de février 1967 à fin avril 1969, en raison de nombreuses modifications intervenues en cours d'exécution, notamment dans l'allongement de la dimension des tirants ;
Considérant que ces retards ne sont pas imputables à Intrafor-Cofor, comme le prétend S.A.T.P.M.M., mais bien à cette dernière ; qu'en effet il ne peut être reproché à l'intimée d'avoir fait une mauvaise évaluation de l'importance et de la durée des travaux, puisque les études préparatoires ont été faites par la S.A.T.P.M.M. ou la S.E.R.E.A.T.E.C., entreprise du groupe C. ; que dans sa lettre du 18 janvier 1967, Intrafor-Cofor remercie la S.A.T.P.M.M. d'avoir bien voulu lui communiquer les derniers résultats de l'étude à laquelle elle s'est livrée pour la mise au point du projet de mur de soutènement ; qu'au dossier figurent cinq plans établis par la S.E.R.E.A.T.E.C. datés du 16 janvier au 14 décembre 1967 ; que dans ses lettres des 2 septembre, 28 novembre et 19 décembre 1967, S.A.T.P.M.M. demande à l'intimée de procéder à des opérations complémentaires ou supplémentaires (carottages, drains, câbles) ; que dans le courant des années 1967 et 1968, les ouvriers d'Intrafor-Cofor restèrent 97 jours sans travail ;
Considérant qu'en raison de la durée exceptionnelle des travaux Intrafor-Color demandait, par lettre du 7 mai 1968 à S.A.T.P.M.M. l'application d'une formule de révision des prix du marché ; que dans cette lettre, il est rappelé que « le programme de tirants de l'immeuble l'Escorial avait subi quelques modifications, qui entraînent dans l'immédiat l'arrêt de l'activité jusqu'aux premiers jours de juin » ;
Considérant que cette lettre laisse supposer que des entretiens préalables se sont déroulés, puisque il y est écrit « pour répondre à votre demande et dans le but de vous être agréables, nous proposons de neutraliser l'application de la formule pendant les six premiers mois de notre activité sur votre chantier » ;
Considérant qu'aucune réponse à cette lettre ne fut donnée par S.A.T.P.M.M., pas davantage qu'à la lettre du 4 juillet 1969, par laquelle Intrafor-Cofor demande le paiement d'une facture de 46 553,89 F, concernant la révision des prix du marché du 6 février 1967 ; que par lettres des 16 décembre 1969, 27 janvier 1970, 23 février 1970, des rappels étaient adressés à S.A.T.P.M.M. qui ne répondait toujours rien et ne payait pas ;
Considérant que cette attitude révèle que S.A.T.P.M.M. n'avait aucune objection à formuler à l'encontre de la demande de révision des prix et qu'elle en acceptait le principe et le mode de calcul, que le retard apporté au règlement de cette facture peut s'expliquer par les difficultés financières qui aboutirent au règlement judiciaire de la S.A.T.P.M.M. et des Sociétés du Groupe C. ;
Considérant que ces divers éléments permettent de considérer comme suffisamment établie l'existence d'un accord verbal sur le principe et les modalités d'une formule de révision, la preuve pouvant être rapportée en matière commerciale par tous moyens et même par présomptions ;
Considérant que, cet accord portant sur l'ensemble des propositions faites par Intrafor-Cofor, il n'y a pas lieu d'adopter une formule de révision différente se référant à d'autres indices ;
Qu'il n'y a pas lieu également de faire droit à la demande subsidiaire des appelants et de dire que la révision ne serait applicable qu'aux travaux entrepris après le 7 mai 1968, l'accord des parties se bornant à neutraliser la période des premiers six mois à dater du début des travaux et ne faisant pas référence à une application de la formule limitée à l'avenir ;
Considérant, dans ces conditions, que la confirmation du jugement entrepris s'impose ;
Considérant qu'il n'est apporté, par ailleurs, aucun élément de preuve satisfaisant en ce qui concerne tous autres moyens ou arguments présentés par les parties ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges,
En la forme, reçoit les appelants en leur appel ;
Au fond, dit cet appel mal fondé ;
Confirme le jugement du 24 février 1972 ;
Composition🔗
MM. Cannat prem. pr., François prem. subst. gén., MMe Sanita. Marquilly av. déf. cren (du barreau de Paris) av.