Cour d'appel, 12 février 1973, Société anonyme Entreprises J.-B. P. et Fils c/ Société Civile Immobilière Vicpa
Abstract🔗
Référés
Compétence - Contestation sérieuse - Incompétence d'ordre public - Constatation d'office - Demande d'expertise - Entrepreneur - Obligation de garantie - Prescription extinctive décennale - Contestation sérieuse (oui) - Urgence (non) - Juge des référés - Incompétence
Résumé🔗
Selon l'article 419 alinéa 1er du Code de procédure civile, la compétence du juge des référés cesse lorsqu'il y a lieu de trancher une contestation sérieuse de nature à préjudicier au principal. Dans ce cas, son incompétence est absolue et d'ordre public et doit être constatée d'office (1).
En l'espèce, le moyen tiré de la prescription extinctive décennale édictée par l'article 2030 du Code civil constitue une contestation sérieuse, touchant au fond du droit. En outre aucune urgence n'est invoquée. Le juge des référés était donc incompétent pour statuer sur la demande d'expertise qui lui était présentée (2).
Motifs🔗
LA COUR,
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme, par la Société anonyme Entreprises J.-B. P. et Fils, d'une ordonnance de référé rendue le 29 juin 1972 par le Président du Tribunal de Première Instance de Monaco.
Considérant que, par cette ordonnance, le premier juge, à la demande de la Société Civile Immobilière Vicpa, propriétaire de l'appartement sis au 7e étage de l'immeuble A., ., construit par la Société Entreprises P. et Fils, a nommé, tous droits, moyens et actions des parties réservés, ainsi que les dépens, un expert à l'effet :
a) de visiter et décrire l'appartement précité, ainsi que sa toiture terrasse ;
b) de dire si cette dernière présente des fissurations ou autres inconvénients ayant eu et ayant encore pour effet d'occasionner des infiltrations d'eau et de rechercher la cause de telles infiltrations ;
c) de préciser les dégâts qu'elles ont occasionnés dans l'appartement, d'indiquer et d'évaluer les travaux nécessaires à sa remise en état et de fournir tous renseignements permettant d'apprécier un trouble de jouissance ;
d) d'évaluer les travaux de réfection de la toiture terrasse, s'ils s'imposent ;
e) de rechercher la date à laquelle il a été procédé à la réception des travaux de construction de l'appartement ;
Considérant que la Société appelante fait grief au juge des référés d'avoir fait droit à la demande d'expertise dont il était saisi, alors que cette demande ayant été formée le 19 juin 1972, et l'appartement litigieux construit par elle « au cours de l'année 1960 » elle avait opposé à ladite demande la prescription extinctive décennale de l'obligation de garantie des entrepreneurs prévue par l'article 2090 du Code civil et avait soutenu contrairement aux prétentions de la Société Vicpa, que cette prescription n'avait pas été interrompue aux termes de l'article 2064 du Code susvisé, par une sommation qui lui avait été faite le 24 juillet 1969, par acte extrajudiciaire, d'avoir à remédier à un défaut d'étanchéité de la toiture terrasse qu'elle avait édifiée ;
Considérant qu'en persistant dans ses moyens de première instance, elle ajoute qu'il n'a nullement été fait état de ce défaut à l'occasion d'une réception provisoire ayant fait l'objet d'un procès-verbal dressé le 10 décembre 1960, et que la Société Vicpa ayant pris possession des lieux sans aucune réserve le 10 janvier 1961, après paiement du prix dû par elle, cette prise de possession équivaut à une réception définitive ;
Considérant qu'au surplus, elle déclare qu'elle n'a jamais reconnu le bien-fondé des prétentions de l'intimée, ni pris un engagement à l'égard de celle-ci :
Considérant qu'elle prétend, que, dans ces conditions, le premier juge devait constater que la prescription de l'article 2090 du Code civil faisait obstacle à la demande d'expertise de la Société Vicpa et la rejeter ;
Qu'elle requiert, en conséquence, que l'ordonnance entreprise soit infirmée ;
Considérant, qu'au contraire, la Société intimée conclut à sa confirmation ;
Considérant que, selon l'article 419, alinéa 1er du Code de procédure civile, la compétence du juge des référés cesse lorsqu'il y a lieu de trancher une contestation sérieuse, de nature à préjudicier au principal ; que, dans ce cas, son incompétence est absolue et d'ordre public et doit être constatée d'office ;
Considérant, en l'espèce, que les moyens soulevés par la Société « Entreprise J.-B. P. et Fils » tirés par elle de la prescription extinctive décennale édictée par l'article 2090 du Code civil, constituent une contestation sérieuse, touchant au fond du droit ;
Considérant, en outre, qu'aucune urgence n'est invoquée ;
Considérant, par suite, qu'en tout état de cause, le premier juge était incompétent pour statuer sur la demande d'expertise de la Société Vicpa, et que sa décision doit être infirmée ;
Considérant que les parties succombent respectivement et que les dépens de première instance et d'appel doivent être compensés ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
En la forme, reçoit l'appel de la Société anonyme « Entreprises J.-B. P. et Fils » ;
Infirme, d'office, l'ordonnance entreprise ;
Composition🔗
MM. Cannat prem. pr., François prem. subst. gén., MMe Boisson et Boeri av. déf. Walicki (du barreau de Nice) et Sbarrato av.