Cour d'appel, 10 avril 1972, S. c/ Hoirs S.

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Abstract🔗

Procédure civile

Conclusions - Exception de chose jugée - Recevabilité.

Succession

Partage partiel - Accord de tous les indivisaires.

Immeubles - Partage en nature - Droit de préemption - Loi n° 59-669 du 17 septembre 1959.

Résumé🔗

Les conclusions qui invoquent l'exception de chose jugée dans leurs motifs sans la reprendre dans leur dispositif ne saisissent pas le juge.

Les co-héritiers appelés à recueillir une succession ne peuvent faire un partage partiel ne comprenant que certains biens et délaissant les autres, provisoirement, dans l'indivision que si tous les indivisaires y consentent.

L'attribution d'un bien par voie de partage, même avec une soulte importante, n'étant pas une acquisition à titre onéreux, ne soumet pas l'attributaire au droit de préemption prévu par l'article 40 de l'ordonnance-loi n° 59-669 du 17 septembre 1959.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur l'appel, régulièrement interjeté en la forme, par P. S., d'un jugement rendu le vingt-et-un mai mil neuf cent soixante et onze, par le Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel, sur la poursuite de J.-J. S., a ordonné la licitation des immeubles dépendant des successions de leurs auteurs, les époux S.-M. et a commis Crovetto, notaire à Monaco, à l'effet de dresser cahier des charges de l'adjudication sur licitation et règlement de co-propriété des immeubles sis à Monaco ;

Considérant que l'appelant conclut à l'infirmation dudit jugement aux motifs que le partage ne peut logiquement comprendre que les immeubles en laissant les meubles dans l'indivision et que les immeubles peuvent être commodément partagés, après estimation, par expert, des meubles ;

Qu'il demande, en conséquence :

1° de nommer expert à l'effet de déterminer : a) la consistance et la valeur de l'actif successoral tant mobilier qu'immobilier, et, en particulier, la valeur de six cent quatre vingt seize parts dans la « Société Générale de Parfumerie » et d'une voiture automobile qui ont appartenu au sieur J. S. ;

b) de déterminer si les immeubles sont partageables en nature ;

2° de reconnaître, conformément à l'article 40 de l'Ordonnance-Loi n° 669 du dix-sept septembre mil neuf cent cinquante-neuf, son droit de préemption sur les locaux qu'il loue ;

Considérant qu'après avoir visé dans les motifs de ses conclusions, l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait à un jugement, ordonnant la licitation desdits immeubles, rendu le vingt-deux mai mil neuf cent soixante-neuf, sur la poursuite de D., syndic de la faillite de P. S., J.-J. S. oppose que la licitation des immeubles ne peut être retardée par le partage des meubles ; que le partage en nature des immeubles est impossible - des co-héritiers n'ayant pu s'entendre - ; qu'enfin, s'agissant d'une licitation, l'appelant n'est pas fondé à exercer le droit de préemption qu'il invoque ; qu'il demande, donc, la confirmation du jugement entrepris ;

Considérant que les autres intimés s'en rapportent à justice ;

Sur l'autorité de la chose jugée :

Considérant que l'autorité de la chose jugée, qui résulterait du jugement du vingt-deux mai mil neuf cent soixante-neuf, indiquée par J.-J. S., dans les motifs de ses conclusions, n'est pas reprise, par ce dernier, dans le dispositif des dites conclusions ; qu'il n'y a pas lieu, en conséquence, de se prononcer sur cette exception ; qu'au reste et superfétatoirement, le jugement du vingt-deux mai mil neuf cent soixante-neuf, ayant ordonné la licitation des immeubles, sur la poursuite du syndic D., sans que P. S. ait pu, ainsi qu'il le fait dans la présente procédure, exiger le partage de la totalité des biens meubles et immeubles dépendant des successions litigieuses, le dit jugement ne saurait, les deux demandes ayant un objet différent, avoir l'autorité de la chose jugée ;

Sur les biens devant faire l'objet du partage :

Considérant que les co-héritiers appelés à recueillir une succession ne peuvent faire un partage partiel ne comprenant que certains biens et délaissant les autres, provisoirement, dans l'indivision, que si tous y consentent ;

Considérant que l'appelant, opposant à la demande, que le partage doit englober les biens, meubles et immeubles dépendant des successions litigieuses, J.-J. S. ne saurait exiger et obtenir la seule licitation des immeubles ; qu'il convient, en conséquence, d'infirmer et d'ordonner le partage de la totalité des biens meubles et immeubles desdites successions ;

Sur le partage des meubles :

Considérant qu'à défaut d'inventaires produits et de tous autres éléments d'appréciation, il est nécessaire de recourir à une expertise aux fins de dresser état estimatif des meubles, objets mobiliers, valeurs, titres et créances desdites successions ;

Que l'appelant est, en conséquence, fondé à demander à faire établir le compte de la part sociale, dans la « Société Générale de Parfumerie », ayant appartenu à J. S., à son décès, ainsi que le compte de la créance de la succession contre l'héritier ayant tiré profit de la vente de la voiture automobile, propriété du de cujus ;

Sur le partage des immeubles :

Considérant que les immeubles à partager comprennent :

1° deux immeubles de rapport, sis à Monaco divisés respectivement en six et dix appartements et en plusieurs locaux commerciaux ;

2° un immeuble sis à Roquebillières, composé d'un terrain de 91 a, 10 ca, divisé en deux et d'une villa ;

Considérant que, compte tenu de cette consistance et des lots, qu'il est nécessaire de constituer, ces immeubles sont, eu égard aux droits des parties, partageables en nature ; qu'un tel partage a, d'ailleurs, fait l'objet de plusieurs projets dressés par l'expert Matas, qui n'ont pu être réalisés à défaut par les parties de s'entendre ; qu'en outre, feue M. M. a consenti une donation partage à ses enfants, qui tous l'ont acceptée, l'acte authentique portant la dite donation, partage n'ayant pu être passé du fait du décès de la de cujus, survenu entre temps ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'ordonner le partage en nature et préalablement à toutes opérations de nommer expert à l'effet de former des lots pour être procédé par voie d'attribution et à défaut d'entente entre les co-héritiers, par tirage au sort ;

Sur le droit de préemption invoqué par P. S. :

Considérant que le partage en nature des immeubles étant ordonné, le droit invoqué est subordonné à une cession et, partant, à une acquisition à titre onéreux ;

Considérant que l'attribution d'un bien par voie de partage, même avec une soulte importante, n'étant pas une acquisition à titre onéreux, ne soumet pas l'attributaire au droit de préemption prévu par l'article 40 de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 ; que l'appelant ne saurait, dans ces conditions, exercer un tel droit ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Reçoit P. S. en son appel régulier en la forme ;

Au fond, dit cet appel fondé ;

Rejetant, en tant que de besoin l'exception de chose jugée, infirme le jugement attaqué ;

Ordonne :

1° le partage de la totalité des biens meubles et immeubles dépendant des successions des époux S.-M. ;

2° le partage en nature des immeubles ;

Déclare P. S. non bénéficiaire du droit de préemption de l'article 40 de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 ;

Ordonne qu'il sera procédé aux opérations de compte, liquidation et partage des dites successions devant Crovetto, notaire à Monaco, et, préalablement à ces opérations, commet Matas, demeurant à Menton, 5 avenue Edouard VII, expert, à l'effet, serment préalablement prêté de :

1° rechercher tant dans la maison qu'occupaient les époux S., qu'en tous autres lieux, les meubles, objets mobiliers, valeurs, titres et créances dépendant des successions litigieuses ;

Déterminer la valeur des meubles et objets mobiliers, en fixer l'estimation, dire s'ils peuvent être commodément partagés et en ce cas, fixer pour chacun des parts et leur valeur, et dans le cas contraire, fixer le lotissement le plus avantageux et les mises à prix convenables pour une vente aux enchères publiques ;

2° faire le compte :

a) de la part sociale de J. S. à son décès, dans la Société Générale de Parfumerie et, en conséquence, de la créance de la succession contre les héritiers ayant continué ladite société ;

b) de la créance de la succession contre le ou les héritiers ayant tiré profit de la vente de la voiture automobile ayant appartenu à J. S. ;

3° de déterminer la valeur et fixer l'estimation des immeubles dépendant des dites successions, former, éventuellement à charge de soultes, chacune des parts et indiquer leur valeur ;

Dit que pour l'accomplissement de sa mission, l'expert, assisté éventuellement de tout sapiteur de son choix, parties présentes ou dûment appelées, entendues en leurs dires, fins et moyens et conclusions, s'entourera de tous renseignements, entendra tous sachants, examinera tous documents et pièces utiles et dressera rapport qui sera déposé au Greffe Général dans les six mois du présent arrêt, pour être par les parties conclu et la Cour statué ce que de droit ;

Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance de Monsieur le Premier Président ;

Composition🔗

MM. Cannat, prem. prés., François, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquet et Sanita, av. déf. ; Sbarrato, av.

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