Cour d'appel, 15 mars 1971, Dame L. et G. c/ S.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Baux commerciaux

Loyer révisé. Valeur locative. Eléments d'appréciation.

Résumé🔗

La référence au taux de croissance des loyers d'habitation à surface corrigée pendant la période considérée ne peut être admise comme élément de variation automatique s'agissant d'un local ne présentant pas les caractéristiques d'un local d'habitation loué commercialement ; qu'il convient de constater la variation, dans le sens de la hausse, des conditions économiques générales de la Principauté.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par la dame L. A., séparée de biens du sieur G., d'un jugement rendu, le quatorze mai mil neuf cent soixante-dix, par la Commission arbitrale des locaux commerciaux, lequel a fixé à trois mille huit cent cinquante francs par an, à compter du premier avril mil neuf cent soixante-neuf, le loyer que le sieur S. R. devra payer à son bailleur, dame L., pour le local commercial qu'il occupe à Monte-Carlo ;

Considérant que l'appelante fait grief à la décision attaquée d'avoir retenu à très peu de chose près, les conclusions de l'expertise officieuse du sieur R., choisi par l'intimé ; qu'elle n'a tenu compte ni des variations des conditions économiques de la Principauté, ni de sa propre jurisprudence, ni du taux d'augmentation, pendant la même période, de la surface corrigée des locaux d'habitation ; qu'elle estime, qu'à compter du premier avril mil neuf cent soixante-neuf, la valeur locative équitable s'établit à six mille francs par an ;

Considérant que l'intimé sollicite la confirmation pure et simple du jugement entrepris ;

Considérant que le local litigieux se compose au rez-de-chaussée d'un magasin de 16 m2 50, au sous-sol, relié par un escalier intérieur, d'un laboratoire n° 1 de 16 m2 34, au rez-de-chaussée, à l'arrière de l'immeuble, d'un laboratoire n° 2 de 9 m2 12, soit au total 41 m2 96 ; qu'il possède l'électricité, le gaz de ville, un poste d'eau avec vidange et un W.C. commun ;

Considérant qu'il se trouve placé dans un quartier de Monte-Carlo, à la fois central, commerçant et résidentiel ; qu'un commerce d'optique, lunetterie y est exploité ; qu'il a été acquis par S. au locataire précédent, moyennant un droit au bail de trente mille francs ;

Considérant que le loyer annuel de trois mille francs, fixé d'un commun accord entre les parties au premier avril mil neuf cent soixante-trois, ne correspond évidemment plus à la valeur locative telle qu'elle résulte de l'application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 490, par suite d'une modification dans les conditions économiques générales de la Principauté ; qu'aux termes de l'article 21 de ladite loi 490 une demande de révision du prix du loyer est donc recevable et fondée ; que si les parties sont d'accord sur le principe, elles s'opposent sur le montant de l'augmentation devant prendre effet au premier avril mil neuf cent soixante-neuf ;

Considérant que l'appelante, tout en acceptant la production par son adversaire d'un rapport d'expertise officieux établi par le sieur R., en conteste l'autorité et la valeur ; qu'elle fait valoir que les modes de calcul proposés sont arbitraires ; qu'il n'est pas tenu compte dans cette étude de l'emplacement particulièrement favorable du commerce exploité ; que la part accordée par la Commission arbitrale pour tenir compte de cet élément et majorer le chiffre moyen proposé par R. est dérisoire (17 francs par an) ; qu'elle propose que le coefficient de majoration tienne compte de l'augmentation de la surface corrigée des locaux d'habitation pendant le même laps de temps, laquelle serait de l'ordre de soixante dix pour cent ;

Considérant que le système employé par Roussel, dont l'étude ne peut être retenue qu'à titre de simple renseignement, n'est pas concluant ; que la seconde méthode de calcul d'ailleurs fort complexe aboutit à un résultat qui ne peut être admis, puisque le chiffre proposé de deux mille deux cent quarante huit francs de loyer annuel en mil neuf cent soixante-neuf, est nettement inférieur à celui de trois mille francs fixé par les parties elles-mêmes, en mil neuf cent soixante-trois et qui doit être considéré comme la valeur locative équitable, au premier avril mil neuf cent soixante-trois ; que ce chiffre, en contradiction flagrante avec ceux obtenus par les deux autres méthodes, contribue néanmoins à rabaisser notablement la moyenne ;

Considérant qu'il ne peut pas davantage être admis, comme élément de variation automatique, la référence au taux de croissance des loyers d'habitation à surface corrigée de mil neuf cent soixante-trois à mil neuf cent soixante-neuf, étant donné qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, d'un local présentant les caractéristiques d'un local d'habitation loué commercialement ;

Considérant qu'il convient avant tout de constater que les conditions économiques générales de la Principauté ont nettement varié, dans le sens de la hausse, entre mil neuf cent soixante-trois, date de référence, et mil neuf cent soixante-neuf, date de l'augmentation à intervenir, et qu'il y a lieu de consacrer cette variation par une augmentation assez sensible du prix du loyer ; qu'une augmentation de mille cinq cents francs du loyer annuel, fixé précédemment à trois mille francs, est de nature à compenser la variation desdites conditions ;

Considérant que cette majoration correspond d'ailleurs exactement à celle proposée par le sieur R. et qui est relative à l'augmentation, de mil neuf cent soixante-trois à mil neuf cent soixante-neuf, de l'indice du coût de la construction établi par l'Académie d'Architecture de Paris, qui est passé de l'indice 44,55 au 2e trimestre mil neuf cent soixante-trois, à l'indice 66,11 au deuxième trimestre mil neuf cent soixante-neuf, soit une augmentation de cinquante pour cent ; qu'il n'est pas déraisonnable de rapprocher l'augmentation des loyers des locaux commerciaux d'un indice se rapportant au coût de la construction ;

Considérant qu'un loyer annuel de quatre mille cinq cents francs, correspond à la valeur locative du local commercial litigieux, évaluée en fonction de l'étendue, de la situation, du confort des aménagements, des facilités d'exploitation qu'il présente, et de l'évolution des conditions économiques générales de la Principauté ;

Considérant qu'il n'est apporté par ailleurs, aucun élément de preuve satisfaisant, en ce qui concerne tous autres moyens ou arguments présentés par les parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

En la forme, reçoit la dame L., épouse G., en son appel ;

Au fond, dit cet appel bien fondé ;

Infirme le jugement du quatorze mai mil neuf cent soixante-dix, et statuant à nouveau, fixe à quatre mille cinq cents francs par an, à compter du premier avril mil neuf cent soixante-neuf, le loyer que le sieur S. R. devra payer à son bailleur, dame L. A., pour le local commercial qu'il occupe à Monte-Carlo ;

Composition🔗

MM. Cannat, prem. prés., François, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquet et Lorenzi, av. déf.

  • Consulter le PDF