Cour d'appel, 1 février 1971, B. c/ Vve C.

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Abstract🔗

Baux commerciaux - Baux d'habitation

Nature de la location - Utilisation réelle des lieux - Congé - Maintien dans les lieux.

Résumé🔗

Lorsque, contrairement à leur affectation donnée par les parties à usage « de bureaux et de domiciliation de société », les locaux loués ont été affectés exclusivement à l'usage d'habitation sans protestation du bailleur au cours du bail, celui-ci n'a pas constitué un bail commercial mais la location de locaux d'habitation, ouvrant droit au maintien dans les lieux du preneur.


Motifs🔗

La Cour,

Statuant sur l'appel, régulièrement interjeté par B., d'un jugement rendu, le onze juillet mil neuf cent soixante-huit, par le Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel a décidé que, le bail qui liait B. à dame C., ayant cessé le premier septembre mil neuf cent soixante-six, la clause résolutoire y insérée ne pouvait plus être invoquée ; que l'occupation des lieux par dame C. relevait de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 ; qu'en conséquence, cette dernière avait droit au maintien dans les lieux, s'est déclaré incompétent pour fixer le prix de location et a rejeté toutes autres demandes des parties ;

Considérant que, par acte sous seing privé du seize août mil neuf cent cinquante-sept, B. a donné à bail à dame C., pour trois ans renouvelables, à compter du premier septembre mil neuf cent cinquante-sept et pour le prix de deux mille francs l'an, un local à usage de « bureau et de domiciliation de société » composé de cinq pièces, situé au premier étage de l'immeuble portant le n° 19 ;

Considérant que, par convention des six août mil neuf cent soixante et premier août mil neuf cent soixante-trois, ledit bail a été renouvelé pour trois ans aux mêmes conditions, mais pour un loyer annuel élevé, successivement à deux mille six cent quarante francs et trois mille six cents francs ;

Considérant que B. lui ayant donné congé, motivé par « des nécessités familiales » le treize décembre mil neuf cent soixante-cinq, dame C. a formé une demande de renouvellement de bail, fondée sur la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ;

Considérant qu'à cette demande, B. a opposé que la location litigieuse n'était pas une location à caractère commercial soumise à la législation sur les baux commerciaux ;

Considérant que, procès-verbal de non-conciliation ayant été dressé le cinq août mil neuf cent soixante-six, les parties, bien qu'en ayant reçu notification, le sept septembre mil neuf cent soixante-dix, n'ont pas suivi sur cette demande ;

Considérant que, dame C. ayant adressé à B., le cinq octobre mil neuf cent soixante-sept, le terme du 2e trimestre 1967, calculé suivant le décompte de surface corrigée, qu'elle lui avait notifié le sept juillet mil neuf cent soixante-sept, ce dernier, invoquant une clause résolutoire, lui a fait commandement, le onze octobre mil neuf cent soixante-sept, de payer le loyer du bail expiré qu'il prétendait prorogé, puis l'a assignée, le vingt février mil neuf cent soixante-huit, en résiliation du bail, expulsion des lieux et paiement de loyers ;

Considérant que dame C. a soutenu que c'était par suite d'une erreur qu'elle avait invoqué la loi n° 490 du 24 novembre 1948, son bail étant un bail de local à usage d'habitation ; qu'elle a, en conséquence, demandé reconventionnellement, de dire sa location soumise aux dispositions de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959, de constater que le prix mensuel de son loyer, au premier janvier mil neuf cent soixante-huit, était de cent cinquante quatre francs, soixante-seize centimes ; de dire qu'elle avait rempli, depuis le premier juillet mil neuf cent soixante-sept, ses obligations en adressant à B., qui les avait refusés, les loyers fixés conformément aux dispositions de l'Ordonnance-Loi susvisée et avait, par suite, droit au maintien dans les lieux ;

Considérant que les premiers juges, constatant que le bail du seize août mil neuf cent cinquante-sept, avait pris fin le trente et un août mil neuf cent soixante-six, par l'arrivée de son terme et le congé donné, ont décidé que les locaux occupés, dont B. déniait le caractère commercial et qui dépendaient d'un immeuble ancien, relevaient de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre mil neuf cent cinquante-neuf ; qu'en conséquence, dame C. bénéficiait d'un maintien dans les lieux considérés comme vacants ;

Considérant qu'appelant, B. soutient que, dame C. ayant, avec son accord, continué sa jouissance, après l'expiration du bail, en payant jusqu'au premier juillet mil neuf cent soixante-sept, loyers et charges sur la base contractuelle, le bail a été reconduit ; qu'il est donc fondé à demander, par application de la clause résolutoire qui était insérée au bail initial, la résiliation du bail, l'expulsion des lieux et le paiement des loyers ;

Que concluant, en conséquence, à l'irrecevabilité des demandes de dame C. fondées sur l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 et, par suite, à l'infirmation du jugement déféré, il demande de faire droit aux fins de son exploit introductif d'instance ;

Considérant que l'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris ;

Sur la demande principale :

Considérant que le congé donné le treize décembre mil neuf cent soixante-cinq pour le trente et un août mil neuf cent soixante-six, a empêché la tacite reconduction ; qu'il n'est pas établi, en effet, que B., qui par lettre du quatorze juin mil neuf cent soixante-six, l'a réitéré, ait expressément renoncé par la suite, au bénéfice dudit congé ; qu'au contraire, le rappel dans sa lettre adressée à dame C. le dix juillet mil neuf cent soixante-sept « qu'il avait mis comme condition de sa location le paiement d'un loyer de trois cent cinquante francs par mois » exclut chez lui, à raison de la modification d'une des conditions du bail expiré, l'intention de renouveler ce dernier ; qu'en conséquence, son acceptation jusqu'au trente juin mil neuf cent soixante-sept, des loyers dudit bail n'implique pas sa renonciation aux effets du congé ;

Considérant que c'est à bon droit dans ces conditions, que les premiers juges constatant que le bail expiré n'était pas reconduit ont déclaré B. non fondé en ses demandes et l'ont débouté ;

Sur la demande reconventionnelle :

Considérant qu'il résulte des circonstances de la cause, que contrairement à l'affectation à l'usage « de bureaux et de domiciliation de société » donnée à la location par les parties, dans le contrat, les lieux ont été affectés à l'usage d'habitation ; que dame C. n'y a, en effet, jamais exercé une activité commerciale, sans que B., qui le cinq août mil neuf cent soixante-six a reconnu que le bail était non commercial et étranger au domaine d'application de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, sur les loyers commerciaux, ait, avant expiration du bail, protesté ;

Considérant qu'ainsi l'utilisation réelle des lieux ne répondant pas à l'exigence de l'exploitation d'un fonds de commerce dans les lieux loués, condition essentielle d'application de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, l'acte de location n'a pas constitué un bail commercial ;

Considérant que c'est à juste titre, par suite, que le Tribunal, restituant implicitement, à la location sa véritable nature, a décidé que les lieux occupés, qui dépendaient d'une construction ancienne, constituaient des locaux d'habitation assujettis aux dispositions de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959 ;

Qu'il a, de même, à bon droit, constaté par application des dispositions de la loi susvisée, que le bail expiré n'étant pas prorogé ou reconduit, dame C., ayant satisfait à ses obligations en adressant aux échéances convenues par mandats, à B., qui les a refusés, les loyers fixés suivant décompte de surface corrigée, bénéficiait de plein droit du maintien dans les lieux occupés - considérés comme vacants - aux conditions de l'occupation antérieure non contraires aux dispositions de l'Ordonnance-Loi du 17 septembre 1959 ;

Considérant enfin que, la fixation du loyer appartenant exclusivement à la Commission arbitrale instituée par l'article 17 de l'Ordonnance-Loi n° 669 du 17 septembre 1959, le Tribunal était incompétent pour en connaître ;

Considérant qu'il n'est apporté, par ailleurs, aucun élément de preuve satisfaisant en ce qui concerne tous autres moyens ou arguments présentés par les parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS et ceux non contraires des premiers juges :

Reçoit B. en son appel régulier en la forme ;

Au fond, dit cet appel non fondé ;

Confirme, en conséquence, le jugement attaqué ;

Rejette en tant que de besoin comme inutiles ou mal fondées toutes autres demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires des parties ;

Composition🔗

MM. Cannat, prem. prés., François, prem. subst. proc. gén., MMe Clerissi et Marquet, av. déf.

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