Commission arbitrale des loyers d'habitation, 30 avril 2025, s G.L c/ État de Monaco
Abstract🔗
Bail d'habitation - Secteur protégé - Relogement - Fixation de loyer - Références locatives - Plafond légal - Double plafonnement - État du logement - Réduction du loyer
Résumé🔗
La Commission Arbitrale des Loyers d'Habitation fait droit à la demande d'une locataire relogée par l'État de Monaco après l'acquisition puis la démolition de son ancien logement, et fixe le montant du loyer de son nouveau logement à 1 064 € par mois, au lieu des 1 598,66 € initialement fixés. La locataire contestait le montant du loyer de l'appartement situé dans le secteur protégé de la Condamine, estimant que celui-ci excédait à la fois les références locatives disponibles et le plafond légal applicable selon les articles 18 et 23 de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée. Elle soulignait notamment l'absence de transmission préalable des références utilisées par le bailleur, la comparabilité insuffisante des logements produits par l'État et la hausse injustifiée du loyer pour un bien précédemment loué 943 € par mois deux ans plus tôt. La Commission constate que l'appartement litigieux ne pouvait être qualifié de « très bon état », contrairement à ce qu'affirmait le bailleur, et que le prix appliqué ne respectait pas le plafond légal prévu en cas de nouvelle location dans les cinq ans suivant un précédent bail. Appliquant le mécanisme de double plafonnement institué par l'article 23, elle fixe le loyer maximum à 1 064 €.
COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS D'HABITATION
n° H2022/000001
JUGEMENT DU 30 AVRIL 2025
En la cause de :
s G.L, demeurant x1, x1 à Monaco ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part,
Contre :
L'ÉTAT DE MONACO (ZA), représenté au sens de l'article 139 du Code de procédure civile par son Excellence le Ministre d'État, Palais du Gouvernement, Place de la Visitation à Monaco ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
Visa🔗
LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS D'HABITATION,
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu la requête de s G.L non datée et reçue le 6 mars 2020, enrôlée au Greffe sous le numéro H2022/000001 ;
Vu les lettres de convocation pour l'audience de conciliation du 6 avril 2022, adressées en recommandé avec accusé de réception par le Greffe le 23 mars 2022 ;
Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 17 janvier 2024 ayant notamment rejeté le moyen de péremption d'instance et la demande de nullité de la citation soulevés par l'ÉTAT DE MONACO (ZA) et renvoyé la cause et les parties à l'audience du mercredi 14 février 2024 à 9 heures 30 pour les conclusions au fond de l'ÉTAT DE MONACO (ZA) ;
Vu les conclusions de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur pour s G.L, en date du 22 novembre 2024 ;
Vu les conclusions de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur pour l'ÉTAT DE MONACO (ZA), en date du 15 janvier 2025 ;
À l'audience publique du 26 février 2024, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 30 avril 2024, par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été avisées.
Motifs🔗
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Depuis le 1er mai 2012, s G.L était titulaire d'un bail d'habitation relevant de la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée, portant sur un appartement de type F2, d'une superficie de 47,09 m² et situé dans l'immeuble dénommé x2 à Monaco. Cette location lui avait été consentie moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 1.643,83 € auquel s'ajoutait une provision sur charges de 50 €.
Le 21 décembre 2018, l'ÉTAT DE MONACO (ZA) a acquis l'entier immeuble dénommé x2 qui était voué à la démolition dans le cadre d'une opération immobilière. En février 2019, s G.L en était avisée.
L'ÉTAT DE MONACO (ZA) a proposé un relogement à sa locataire et selon contrat de bail signé le 17 décembre 2019, relevant du statut organisé par la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée, a loué à s G.L, avec effet à compter du même jour, pour une durée de six années, un appartement formant le lot n° 7, au rez-de-chaussée de l'immeuble x1, situé x1 à Monaco, se composant de trois pièces, cuisine équipée et aménagée, salle de bains, w.-c. et cave formant le lot n° 6.
Le loyer annuel a été fixé par le bailleur à la somme de 19.183,92 €, soit 1.598,66 € par mois, payable par trimestres anticipés, les 1er janvier, avril, juillet et octobre de chaque année, le contrat de bail étant assorti d'une clause de révision annuelle opérant au 1er janvier de chaque année, la première augmentation devant avoir lieu le 1er janvier 2021.
Par courrier reçu au greffe du Tribunal de première instance de Monaco le 6 mars 2020, s G.L a saisi la Commission Arbitrale des Loyers d'Habitation sur le fondement de la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 afin de voir statuer sur le montant du loyer de l'appartement qu'elle loue auprès de l'ZA, situé x1, x1 à Monaco.
Lors de l'audience de conciliation du 6 avril 2022, les parties ne se sont pas conciliées.
Lors de l'audience de la Commission Arbitrale des Loyers d'Habitation du 13 décembre 2023, s G.L a sollicité le débouté de l'ÉTAT DE MONACO (ZA) de ses fin de non-recevoir et exception de nullité et, sur le fond, la fixation du prix de location de son logement à la somme mensuelle de 1.000 euros de manière rétroactive à compter du 17 décembre 2019. De son côté, l'ÉTAT DE MONACO (ZA) a soulevé, in limine litis, la péremption de l'instance et, subsidiairement, la nullité de la citation lui ayant été adressée et, très subsidiairement, la réouverture des débats si ses demandes préalables étaient rejetées.
Par jugement avant-dire-droit du 17 janvier 2024, la Commission Arbitrale des Loyers d'Habitation a :
- Rejeté le moyen de péremption d'instance soulevé par l'ÉTAT DE MONACO (ZA) ;
- Rejeté la demande de nullité de la citation soulevée par l'ÉTAT DE MONACO (ZA) ;
- Renvoyé la cause et les parties à l'audience du mercredi 14 février 2024 à 9h30 pour les conclusions au fond de l'ÉTAT DE MONACO (ZA) ;
- Condamné l'ÉTAT DE MONACO (ZA) aux dépens.
En l'état de ses dernières conclusions du 22 novembre 2024, s G.L sollicite :
- D'être accueillie en sa demande de réduction du prix de location ;
- De fixer le nouveau loyer à la somme mensuelle de 1.000 € ;
- De dire que le nouveau loyer s'appliquera, de manière rétroactive, à compter du 17 décembre 2019 ;
- De condamner l'ÉTAT DE MONACO (ZA) à lui payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 238-1 1° du Code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens ;
- De condamner l'ÉTAT DE MONACO (ZA) aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation.
s G.L a entendu tout d'abord rappeler :
- Qu'elle n'a appris qu'à la fin du mois de novembre 2019 que trois logements allaient lui être proposés en remplacement, tandis qu'on lui signifiait qu'elle devait libérer l'appartement de la x2 avant le 28 décembre 2019 ;
- Qu'elle n'a connu le montant du loyer à acquitter de 1.598,66 € par mois pour l'appartement de la x1 que le 11 décembre 2019, par courriel, soit très peu de temps avant la signature du bail ;
- Que devant libérer son précédent appartement avant le 28 décembre 2019, elle n'a eu d'autre choix que d'accepter ;
- Qu'en consultant le Journal Officiel elle a découvert que deux ans auparavant, le même appartement avait été proposé à la location pour un loyer de 943 € par mois ;
- Qu'actuellement, après indexation, le loyer mensuel s'élève à 1.830,52 €, auquel s'ajoute une provision sur charges de 40 € ;
- Que pour ces raisons et en application de l'article 18 alinéa 3 de la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée, elle conteste l'écart entre les loyers pratiqués.
Au soutien de sa demande de diminution de loyer, s G.L, qui relève que la liste des références ayant servi à déterminer le loyer n'a jamais été portée à sa connaissance préalablement par le bailleur alors qu'elle doit l'être dès avant la signature du bail, fait valoir :
- Que s'agissant des caractéristiques de l'appartement dans lequel elle a été relogée, sa surface habitable de 52,28 m² n'est pas beaucoup plus grande que celle de celui de 47,09 m² qu'elle occupait avant ; qu'elle bénéficiait auparavant d'une terrasse de 20 m², soit plus grande que celle du nouvel appartement de 14,56 m² ; que l'ancien appartement était situé au premier étage à la différence du nouveau, situé en étage et sans ascenseur nécessitant la montée de 120 marches pour y accéder ;
- Qu'en considération des critères légaux, les références proposées par le défendeur ne correspondent pas à des immeubles « de qualité similaire et présentant des prestations équivalentes » ; que c'est donc en vain que l'ÉTAT DE MONACO (ZA) explique que le loyer était conforme aux références sur la zone et pour un type équivalent d'appartement ; que l'allégation se heurte encore au fait que parmi les loyers référencés les plus bas, en 2019, le plus bas sur la zone, n'était pas de 30,64 € le m² comme l'indique l'ÉTAT DE MONACO (ZA), mais de 26,96€ le m² ; que le loyer demandé s'élève à 30,57 m², ce qui implique qu'il n'est pas dans la fourchette la plus basse ;
- Qu'en 2017, plusieurs offres de location ont été publiées par la Direction de l'Habitat concernant des appartements dans l'immeuble x1 pour des loyers bien inférieurs, le prix au m² par mois ne dépassant pas 18,27 € le m² ;
- Que d'ailleurs, l'appartement qui lui a été attribué avait été proposé à la location en 2017 pour 943 € par mois, soit 18,03 € le m² au regard d'une superficie habitable de 52,28 m² ; que ce prix tenait compte de l'état neuf de l'appartement et sa remise en peinture déjà faite fin 2016 ; qu'au demeurant, la remise en peinture de l'appartement ne participe pas d'une amélioration, mais uniquement du respect de l'obligation qui pèse sur tout bailleur, de remettre une chose en bon état locatif ;
- Que deux ans plus tard, l'ÉTAT DE MONACO (ZA) ne pouvait en demander 1.598,66 € par mois, ce qui représente une augmentation de 69,5 % par rapport à l'offre de location publiée au Journal de Monaco du 31 mars 2017 pour le même appartement ; que rien ne peut justifier une telle augmentation, tant au regard des prestations offertes que des loyers pratiqués alentours ;
- Que l'ÉTAT DE MONACO (ZA) ne démontre pas que le loyer appliqué satisfait au plafond édicté par les articles 19 et 20 de la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000, modifiée ;
- Qu'elle rappelle les termes de l'article 23 de la Loi n° 1.235 qui prévoit un plafonnement du loyer ;
- Qu'elle sollicite ainsi que le loyer soit ramené à la somme mensuelle de 1.000 € et ce, avec effet rétroactif au 17 décembre 2019.
Dans ses écritures en défense datées du 15 janvier 2025, l'ÉTAT DE MONACO (ZA) demande de :
- Débouter s G.L de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner s G.L au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
- Condamner s G.L aux dépens dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation.
L'ÉTAT DE MONACO (ZA) fait tout d'abord observer :
- Qu'en 2019, il n'existait aucune obligation de relogement à la charge du propriétaire en cas de démolition de l'immeuble et que c'est donc par pure bienveillance que l'ÉTAT DE MONACO (ZA) a proposé à s G.L de l'aider à se reloger en lui proposant différents appartements dépendant du secteur protégé ;
- Que notamment, au mois de novembre 2019, l'ÉTAT DE MONACO (ZA), pour satisfaire ses exigences comme celle liée au quartier, lui a proposé un appartement de type F3 d'une superficie de 66,84 m² (dont 14,56 m² de terrasse) situé dans l'immeuble dénommé x1 moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 1.598,66 € auquel s'ajoutait une provision sur charges de 40 € ;
- Qu'en tout état de cause s G.L a accepté la proposition de relogement dans l'immeuble x1 qui lui était particulièrement favorable puisqu'elle se retrouvait à bénéficier d'un appartement plus grand, de typologie supérieure et correspondant à la composition de son foyer, moyennant le paiement d'un loyer plus faible, et situé dans le quartier sollicité de la Condamine ;
- Qu'elle a bien été informée, une semaine avant la signature du bail, du montant du loyer et qu'elle ne l'a pas discuté ; que le 17 décembre 2019, son époux, s.L, a demandé, par email la confirmation du lieu de rendez-vous pour la signature du bail sans émettre le moindre commentaire ; que s G.L a même eu l'agréable surprise de constater que le loyer mentionné dans le contrat à hauteur de 1.598,66 € était inférieur à celui qui lui avait été annoncé le 11 décembre 2019.
S'agissant du montant du loyer, l'ÉTAT DE MONACO (ZA) fait valoir :
- Qu'il a été proposé à s G.L un appartement dans le quartier de la Condamine, de type F3, d'une superficie habitable de 52,28 m² moyennant un loyer mensuel de 1.598,66 €, ce qui représente un prix au m² de 30,57 € ;
- Que s'agissant de la liste des références ayant servi à déterminer le montant du loyer l'ÉTAT DE MONACO (ZA) rappelle que les loyers de référence pour les locations soumises à la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée sont publiés chaque année sur le site du Gouvernement Princier qui est accessible à tous ;
- Que l'ÉTAT DE MONACO (ZA) produit aux débats les loyers de référence des années 2017 et 2019 dont il ressort que le prix au m² des appartements de type F3 « en très bon état » ou « refaits à neuf », loués dans le quartier de la Condamine était compris pour l'année 2017 entre 15,81 € et 37,73 € et pour l'année 2019 entre 30,64 € et 40,15 € ;
- Que l'appartement de type F3 proposé à s G.L était dans un très bon état puisqu'il avait été complètement rénové fin 2016 ; qu'en mars 2017, il avait été mis à la location moyennant un loyer mensuel de 943 €, ce qui correspond à un prix au m² de 18,03 € ;
- Que le montant du loyer proposé en mars 2017 se situait donc dans la fourchette basse des loyers de référence de l'année 2017 ;
- Qu'en décembre 2019, l'appartement qui venait d'être intégralement repeint, a été proposé à s G.L moyennant un loyer qui se situe également dans la fourchette basse des loyers de référence pour l'année 2019 et qu'il est même inférieur au loyer de référence le plus bas mentionné ;
- Que pour un appartement de type F3 « en très bon état » ou « refait à neuf », loué dans le quartier de la Condamine, le prix au m², pour l'année 2019 était bien compris entre 30,64 € et 40,15 € ;
- Qu'en l'état, la Juridiction de Céans ne pourra que constater le caractère totalement infondé et injustifié de la demande en réduction de loyer de s G.L étant rappelé que cette dernière sollicite une réduction du loyer à hauteur de 1.000 €, ce qui correspondrait à un prix au m² de 19,12 €, soit à un prix très nettement inférieur aux loyers de référence pour l'année 2019 ;
- Que l'ÉTAT DE MONACO (ZA) est donc fondé à solliciter le rejet de la demande en réduction de loyer formée par s G.L.
Après plusieurs renvois, l'affaire a été plaidée à l'audience du 26 février 2025 et mise en délibéré au 30 avril 2025.
SUR CE,
La question dont la présente juridiction est saisie, tient à arbitrer le prix du loyer au regard des règles applicables, d'ordre public.
Aux termes de l'article 18 de la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée, selon sa version en vigueur au 17 décembre 2019 :
« Le loyer est établi par référence aux loyers appliqués dans le même secteur d'habitation pour des locaux comparables relevant du même régime juridique à la date de promulgation de la présente loi, situés dans le même quartier ou un quartier voisin, dans des immeubles de qualité similaire et présentant des prestations équivalentes.
La liste des références ayant servi à déterminer le loyer est portée à la connaissance du locataire avant la conclusion du contrat de bail.
En cas de désaccord sur le montant du loyer, le Ministre d'État ou la partie la plus diligente peut saisir la commission arbitrale des loyers instituée à l'article 24, au plus tard dans un délai de trois mois suivant la conclusion du contrat. ».
Les articles 19 et 20 de ladite loi visés par la demanderesse qui concernent les modifications de loyer lors d'un renouvellement ou en cours de bail ne sont pas applicables au cas d'espèce.
Par contre l'article 23 de la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée, selon sa version en vigueur au 17 décembre 2019 qui concerne le montant du loyer lors de la conclusion du bail trouve à s'appliquer.
Il dispose que :
« La Commission arbitrale instituée à l'article 24 est compétente pour statuer sur la fixation du loyer, en cas de désaccord sur le montant du loyer demandé à la conclusion du bail ou sur l'augmentation de loyer proposée lors du renouvellement.
La Commission arbitrale, saisie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, selon le cas en application du troisième alinéa de l'article 11 ou du troisième alinéa de l'article 18, tente de concilier les parties sur le montant du loyer.
À défaut de conciliation, elle fixe ce montant comme indiqué à l'article 18, s'agissant d'une nouvelle location, ou à l'article 19, s'agissant d'un renouvellement de bail.
Toutefois, lorsque la Commission est saisie en application du troisième alinéa de l'article 18, le montant du loyer fixé par la commission conformément au précédent alinéa ne peut excéder celui qui résulte de l'application d'un coefficient égal à cinq fois la variation de la moyenne sur quatre trimestres de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) pour l'ensemble des ménages (France entière) publié par l'Institut National de la Statistique et des Études Économiques français, au montant du dernier loyer applicable aux termes du précédent contrat de bail, lorsque celui-ci a pris fin depuis moins de cinq ans.
La Commission arbitrale doit permettre à chacune des parties d'avoir accès à toutes informations utiles à la fixation du loyer ou au fondement de ses prétentions, au besoin en ordonnant leur communication. ».
En l'espèce, il ressort du contrat de bail en date du 17 décembre 2019 versé aux débats que l'ÉTAT DE MONACO (ZA) a donné à bail à cette date à s G.L un appartement de 3 pièces au rez-de-chaussée de l'immeuble x1, situé x1 à Monaco, d'une superficie de 52,28 m² et relevant des dispositions de la Loi n° 1.235 modifiée, pour un loyer mensuel de 1.598,66 € hors charges, payable par trimestres anticipés.
- Sur la liste de références produite par le bailleur
S'agissant du contrat de bail litigieux, l'article 18 de la Loi n° 1.235 modifiée énonce que le loyer est établi par référence aux loyers appliqués dans le même secteur d'habitation pour des locaux comparables relevant du même régime juridique à la date de promulgation de la présente loi, situés dans le même quartier ou un quartier voisin, dans des immeubles de qualité similaire et présentant des prestations équivalentes.
Si le bailleur n'a pas fourni la liste des références ayant servi à déterminer le montant du loyer réclamé à son locataire en 2019, il a produit la liste des références des loyers des années 2017 et 2019 ayant servi à déterminer le loyer majoré dans le cadre de la présente instance.
- Sur la situation de l'immeuble
Si les appartements de référence se situent dans le même secteur que l'appartement de s G.L, soit le quartier de la Condamine à Monaco, il est constant que des disparités de loyer existent au sein même dudit quartier et notamment selon la situation exacte de l'immeuble qui peut être plus proche de la mer ou de la Place d'Armes, de son accessibilité ou de son état.
Ceci résulte d'une lecture attentive des deux tableaux de références de loyer produits par le bailleur en pièce 5 (année 2017) et 6 (année 2019).
À titre d'exemple, on observe notamment que les appartements en location dans la rue de Millo, très bien située, restent parmi les plus chers en 2017 mais aussi en 2019.
À l'inverse, les prix dans la fourchette inférieure en 2017 le restent en 2019.
En d'autres termes, il n'est pas pertinent de faire un amalgame entre toutes les références d'un même quartier et de présenter le fait que l'appartement se situait dans la fourchette basse en 2017 et qu'il doit se situer dans la moyenne en 2019.
En outre, si les références du x1 étaient nombreuses en 2017 (5 références), force est de constater qu'il n'y en a aucune en 2019.
Il aurait été pertinent à ce titre que l'ÉTAT DE MONACO (ZA), propriétaire de l'immeuble, produise les contrats de location en cours en 2019 consentis aux locataires du x1 pour les appartements qui figuraient sur la liste de 2017.
- Sur l'état de l'appartement
Si la facture de travaux de rénovation totale de l'appartement par la société MR CONCEPT pour un montant de 61.806,60 € HT date du 30 novembre 2016, aucune indication n'est donnée quant à la date effective des travaux. Selon les conclusions de l'ÉTAT DE MONACO (ZA), ils auraient été réalisés fin 2016 avant sa mise en location en mars 2017.
Les photos produites, bien que non datées, sont celles prises vraisemblablement après la rénovation totale.
Le défendeur, produit également la facture de la société POGGI et fils du 22 janvier 2020, qui concerne cette fois la réfection des peintures de l'appartement pour un montant de 5.866,75 € HT, réfection, qui aurait eu lieu avant l'entrée dans les lieux de s.G en décembre 2019.
De l'état des lieux établi le 16 décembre 2019, il résulte que l'entrée et le couloir étaient en « bon état » ; que la terrasse était « en état d'usage » ; que la cuisine, les toilettes, le séjour, les deux chambres et la salle de bain étaient « en bon état ».
Dès lors, contrairement à ce que soutient le bailleur, l'appartement ne peut être qualifié de logement « en très bon état ».
S'il l'était en mars 2016 après sa réfection totale et avant sa précédente mise en location, rien ne permet d'affirmer qu'il l'était toujours en décembre 2019 notamment au regard de l'état des lieux sus-évoqué. La remise au propre de l'appartement en 2019 par des travaux de peinture s'inscrit en tout état de cause dans le cadre de l'obligation de délivrance, du bailleur.
Il est observé que malgré sa rénovation complète fin 2016 ou début 2017, le bien, alors « en très bon état », n'a été loué que 943 € par mois en mars 2016, soit 18,28 €/m².
Quant à la qualité et aux prestations de l'immeuble, elles sont difficilement évaluables en l'absence de photos alors qu'elles doivent être comparées avec des immeubles de qualité similaire et présentant des prestations équivalentes.
Contrairement à ce que soutient le bailleur, le prix le plus bas au m² du tableau de références de 2017 n'est pas de 30,64 €/m² mais s'établit à 26,96 € pour un appartement « en état moyen » et 27,21 € pour un appartement « refait à neuf ».
Or ces deux références concernent la rue des Açores, voie plus centrale, juste à côté du marché de la Condamine. L'appartement litigieux est plus éloigné et surtout, bien moins accessible eu égard aux nombreuses marches à gravir pour y accéder (120 marches selon s.G).
Dès lors, il résulte, au vu des seuls éléments de comparaison produits, qu'un prix au m² de 26 € peut être retenu, soit un loyer de 1.307 €/mois.
Toutefois, le législateur a entendu mettre en place un système d'évaluation du loyer à double détente :
- Sur le plafond de l'article 23
L'article 23 alinéa 3 de la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée, selon sa version en vigueur au 17 décembre 2019 énonce que lorsqu'elle est saisie, la Commission arbitrale, à défaut de conciliation, fixe le montant comme indiqué à l'article 18, s'agissant d'une nouvelle location.
Cependant, l'alinéa 4 du même article énonce que toutefois, lorsque la commission est saisie en application du troisième alinéa de l'article 18, le montant du loyer fixé par la commission conformément au précédent alinéa ne peut excéder celui qui résulte de l'application d'un coefficient égal à cinq fois la variation de la moyenne sur quatre trimestres de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) pour l'ensemble des ménages (France entière) publié par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques français, au montant du dernier loyer applicable aux termes du précédent contrat de bail, lorsque celui-ci a pris fin depuis moins de cinq ans.
Cette intention du législateur de créer un « double dispositif » protecteur du locataire, par, en premier lieu, le système des références et, en second lieu, par un plafonnement chiffré, apparaît clairement lors des débats au Conseil National relatifs à la Loi n° 1.291 du 21 décembre 2004 (Journal de Monaco du 22 septembre 2006, p. 1267 à 1269).
En l'espèce, et bien que l'ÉTAT DE MONACO (ZA) n'ait pas jugé utile de produire le contrat de bail de 2017, il n'est pas contesté par les parties que le précédent locataire de cet appartement s'acquittait d'un loyer de 943 € mensuel et que ce contrat était déjà régi par la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000.
Il est également constant et non contesté que le précédent contrat de bail a pris fin depuis moins de 5 ans.
Ainsi, la Commission Arbitrale des Loyers d'Habitation est tenue par le plafond chiffré institué par la loi.
Il est enfin observé que la réalisation de travaux par le propriétaire aux fins de valorisation de son patrimoine, dont la réalité n'est pas contestée, n'est pas un critère, au sens de la loi, qui permette de dépasser ce plafond.
Selon le mode de calcul décrit par le Tribunal Suprême dans son arrêt en date du 20 mars 2007, la variation sur quatre trimestres de l'indice de référence fait apparaître une hausse de 2,56 % :
Moyenne indice des prix à la consommation (hors tabac) pour l'ensemble des ménages (France entière) publié par l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques français :
- De janvier 2019 à décembre 2019 : 103,77
- De janvier 2017 à décembre 2017 : 101,18
- Variation : (103,77-101,18)/101,18 = 0,0256
- Application de 5 x ce taux à un loyer de 943 € : 943 x 5 x 0,0256 = 120,70 €
- Soit un loyer mensuel total de 1.063,70 € arrondi à 1.064 €.
Ainsi, le loyer maximum auquel pourrait prétendre le bailleur ne saurait excéder la somme de 1.064 € par mois.
En conséquence, et en l'état de l'ensemble des éléments précités, la Commission Arbitrale des loyers d'habitation fixe à 1.064 € hors charges, le loyer correspondant à l'appartement dont l'ÉTAT DE MONACO (ZA) est propriétaire au x1 à Monaco.
L'ÉTAT DE MONACO (ZA) succombant en ses demandes sera débouté de sa demande de versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile.
Il convient également de condamner l'ÉTAT DE MONACO (ZA) à verser à s G.L la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile.
Il convient enfin de condamner l'ÉTAT DE MONACO (ZA) aux dépens, distraits au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS D'HABITATION,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Vu les dispositions des articles 18 et 23 de la Loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée ;
Fixe à la somme mensuelle de 1.064 euros, hors charges, le loyer correspondant à l'appartement sis x1 à Monaco loué par l'ÉTAT DE MONACO (ZA) à s G.L suivant bail du 17 décembre 2019 et à compter de cette date ;
Déboute l'ÉTAT DE MONACO (ZA) de sa demande en paiement des frais de procédure ;
Condamne l'ÉTAT DE MONACO (ZA) à payer à s G.L la somme de 2.000 € au titre de frais prévus par l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Condamne l'ÉTAT DE MONACO (ZA) aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Après débats en audience de la Commission Arbitrale des Loyers d'Habitation de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation la composant,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 30 AVRIL 2025, par Madame Anne-Sophie HOUBART, Président, Madame r.F, Messieurs l.C et f.A, assesseurs, assistés de Madame Clémence COTTA, Greffier.