Commission arbitrale des loyers commerciaux, 11 octobre 2017, L'entité morale de droit italien A c/ La SAM B
Abstract🔗
Baux commerciaux - Renouvellement du bail - Fixation du loyer - Durée du nouveau bail
Résumé🔗
En application de l'article 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, le loyer du bail commercial renouvelé doit être fixé à 4 500 euros par mois, compte tenu de la bonne situation des locaux et de la configuration particulière des locaux offrant peu de confort et de facilités d'exploitation. La durée du bail renouvelé est fixée à 6 ans en application de l'article 2 de la loi n° 490.
Motifs🔗
COMMISSION ARBITRALE
LOYERS COMMERCIAUX
Dossier n° C2016/000003
JUGEMENT DU 11 OCTOBRE 2017
En la cause de :
- L'entité morale de droit italien dénommée A, dont le siège social se trouve X1 à Turin (10152) en Italie, agissant poursuites et diligences de son Directeur, le Père Don Lino PI. y demeurant en sa qualité ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part,
Contre :
- La SAM B, dont le siège social se trouve X2 à Monaco ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,
Vu le billet d'avis de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur pour A, en date du 6 janvier 2016 ;
Vu les lettres de convocation pour l'audience de conciliation du 20 janvier 2016 adressées en recommandé avec accusé de réception par le greffe le 12 janvier 2016 ;
Vu le procès-verbal de non-conciliation en date du 20 janvier 2016 renvoyant les parties à l'audience de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux du 24 février 2016 ;
Vu les lettres de convocation adressées en recommandé avec accusé de réception par le Greffe le 22 janvier 2016 ;
Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 12 octobre 2016 ayant notamment renvoyé la cause et les parties à l'audience du 23 novembre 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de la A, en date du 18 janvier 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM B, en date du 26 avril 2017 ;
Ouï Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, pour la A, en ses plaidoiries et conclusions ;
Ouï Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, pour la SAM B, en ses plaidoiries et conclusions ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Par Jugement en date du 12 octobre 2016 auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits de la cause, la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux a débouté la A de sa demande d'expertise et sursit à statuer sur la demande du B quant à la durée du bail.
La A demande à la Commission de fixer le loyer dû par le B à la somme de 216.000 euros par an à compter du 1er janvier 2016, débouter la défenderesse de ses demandes et en tant que de besoin la déclarer irrecevable en sa demande reconventionnelle tendant à dire que le bail est renouvelé pour une durée de 6 années.
Elle fait valoir à l'appui de ses demandes que le loyer actuellement versé est nettement inférieur à la valeur locative des locaux correspondant aux critères d'évaluation prévus par l'article 6 de la loi 490.
Elle rappelle que le montant du loyer n'a pas été confirmé par la commission dans son jugement du 15 octobre 2014 comme correspondant à la valeur locative du bien.
Elle fait valoir que le local se situe dans le carré d'or et que le loyer moyen des locaux alentours se situe à 85,61 euros du m2 par mois, alors qu'est aujourd'hui payé un loyer de 6 euros du m2 par mois.
Elle rappelle que le local mesure environ 370m2, qu'il est situé à proximité de 3 parkings publics, qu'il bénéficie d'ouvertures directes sur l'avenue de Grande Bretagne et d'un accès direct pour la clientèle.
Elle fait valoir que sa demande porte le montant du loyer à 48,64 euros du m2 par mois, ce qui serait particulièrement raisonnable au regard du marché actuel dans ce secteur.
Elle estime qu'il n'est nullement démontré que les travaux réalisés par la défenderesse n'entreraient pas dans ses obligations contractuelles d'entretien locatif ou n'auraient pas été effectués pour les seuls besoins de son activité et même que les éléments des débats tendent à démontrer qu'il s'est agi d'une mise en conformité contre les risques incendies pour les lieux ouverts au public.
Elle fait valoir que la durée du bail depuis l'origine a été de trois années, renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation des parties, et que cela a été la volonté des parties, conformément aux possibilités que laisse la loi 490 sur ce point.
Elle considère que la question de la durée du bail n'a pas été soumise au préalable de conciliation puisque ce point n'a pas été soulevé, de sorte que la demande reconventionnelle de la défenderesse n'est pas recevable.
En réponse, la SAM B demande à la commission de dire que le bail liant les parties a été renouvelé pour une durée de 6 ans à compter du 1er janvier 2016 et débouter la A de l'ensemble de ses demandes.
Elle fait valoir que les dispositions sur la durée des baux commerciaux sont d'ordre public et qu'en application de celles-ci, le bail ne peut valablement être renouvelé que par périodes de six années puisque la première période, de 1985 à 1992 était de six années, sans quoi il serait contrevenu à la loi 490.
Elle estime qu'aux termes de l'article 6 alinéa 1er de la loi 490, il n'est pas indispensable que l'ensemble des prétentions des parties soient évoquées lors de la tentative de conciliation et qu'en outre, sa demande ne serait pas une véritable demande reconventionnelle mais une défense à une demande formulée par le bailleur tendant à ce que soit constaté que le bail est renouvelé pour trois ans.
Elle fait ensuite valoir que le bail a été régulièrement réévalué par les parties et pour la dernière fois en 2004, loyer qui a ensuite été modifié par le jeu de la clause d'indexation prévue au contrat de bail.
Elle estime que le local ne se situe pas dans le carré d'or et que les éléments de comparaison versés aux débats ne correspondent pas à la situation du local et qu'en outre, ils correspondent à des immeubles de standing supérieur.
Elle indique que les offres versées aux débats ne reflètent pas forcément la réalité du marché.
Elle rappelle qu'en outre, si la surface louée est importante, elle doit être pondérée pour la partie en sous-sol qui ne présente pas les mêmes caractéristiques quant à l'exploitation que la partie en rez-de-chaussée.
Elle déclare que les locaux présentent une configuration particulière offrant peu de confort, de possibilités d'aménagement et de facilités d'exploitation et que si aujourd'hui les lieux sont adaptés à l'exploitation, ce n'est que du fait du preneur qui a effectué d'importants travaux en 2011, y compris des travaux de mise en conformité aux normes de sécurité incendie qui ont été mises à sa charge par le contrat de bail alors que ceux-ci incombent normalement au bailleur et que le surplus des travaux était nécessaire de par la vétusté des locaux et qui auraient dû revenir au bailleur.
SUR QUOI :
Sur le montant du loyer :
Aux termes de l'article 4 de la loi 490, si, à la date d'expiration du contrat de location, aucun accord n'est intervenu, ou si, antérieurement à cette date, le bailleur a manifesté son intention de s'opposer au renouvellement, les parties comparaîtront, à la requête de la plus diligente d'entre elles, devant le président du tribunal de première instance.
Aux termes de l'article 5 du même texte, Lorsqu'il résulte de la tentative de conciliation que le bailleur consent en principe au renouvellement et que le différend porte sur le prix, la durée, les conditions accessoires ou sur l'ensemble de ces éléments, ou lorsque le défaut du propriétaire a été constaté par une ordonnance devenue définitive, le président fixe la date à laquelle les parties seront convoquées devant une commission arbitrale.
Aux termes de l'article 6 de la même loi, il appartient à la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux de fixer le prix de location qui ne pourra, en aucun cas, être inférieur à la valeur des locaux évalués en fonction de l'étendue, de la situation, du confort, des aménagements et des facilités d'exploitation qu'ils présentent.
En l'espèce, les parties s'accordent sur le principe du renouvellement du bail, de sorte qu'il convient que la commission fixe le montant du loyer.
Les locaux litigieux sont situés à proximité du carré d'or de Monaco, bien que n'en faisant pas partie.
L'immeuble dans lequel ils se situent est un immeuble ancien ne présentant que peu d'aménagements modernes.
En outre, les locaux ont une forme particulière qui vient limiter les facilités d'exploitations.
De plus, ils ne bénéficient pas d'une grande baie vitrée mais de plusieurs baies de taille moyenne, limitant ainsi l'attractivité du local.
Si l'immeuble est situé à proximité d'un parking et d'un centre commercial, ceux-ci n'ont que peu d'influence sur l'achalandage du commerce puisque tant la situation que l'activité commerciale de prêt sur gage limitent l'effet attractif de ces facilités et du centre commercial proche.
Il résulte de ces considérations qu'il convient de fixer le loyer relatif aux locaux litigieux à la somme mensuelle de 4.500 euros, hors taxes et hors charges.
Sur la durée du bail :
Aux termes de l'article 6 de la loi 490, la Commission statue sur le différend dont elle est saisie par procès-verbal.
Aux termes de l'article 5 de la même loi, le magistrat conciliateur fait consigner le cas échéant les prétentions respectives des parties et notamment les motifs de la contestation soulevée par le bailleur.
Il n'est pas exigé que l'ensemble des moyens soient exposés, notamment pour le preneur.
En l'espèce, il est en outre constant que dans les demandes de la bailleresse, dès le procès-verbal de non conciliation, figure la question de la durée du bail puisque dans les demandes est mentionné « Constater que les parties se sont déjà accordées sur le principe du renouvellement du bail pour une durée de 3 ans à compter du 1er janvier 2016 qui expirera le 31 décembre 2018. »
Ainsi, la question de la durée du bail a toujours été dans le débat, même si lors de la tentative de conciliation le preneur n'a pas expressément contesté ce point.
Il en résulte que la demande de la SAM B est recevable.
Aux termes de l'article 2 de la loi 490, si le bail échu avait une durée déterminée, la durée du nouveau bail sera égale à celle-ci, elle ne pourra toutefois pas être inférieur à trois ans ni supérieure à neuf ans.
Aux termes de l'article 28 de la loi susvisée, seront nuls et de nul effet, quels qu'en soient la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour conséquence de faire échec aux dispositions de la loi 490.
Il est admis de manière constante que ladite loi est porteuse d'un ordre public composite, de protection comme de direction qui prohibe ainsi toute renonciation.
Ainsi, tout ce qui a pour objet de faire échec aux dispositions de cette loi est réputé nul.
Par conséquent, les renouvellements de bail intervenus auraient tous dû être d'une durée minimale de six années et non de trois comme convenu entre les parties, de sorte qu'en janvier 2016, échéance correspondant à un renouvellement par tranches de six années, le renouvellement dont le principe a été accepté par les parties ne peut qu'être de six ans.
Il convient donc de dire que le bail liant les parties est renouvelé pour une durée de six ans, à compter du 1er janvier 2016 jusqu'au 31 décembre 2021.
Sur les dépens :
Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, il convient de faire masse des dépens et dire qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,
Statuant Contradictoirement,
Fixe le loyer mensuel des locaux donné à bail par la A à la SAM B, sis X3, à la somme de 4.500 euros hors taxes et hors charges, à compter du 1er janvier 2016.
Dit que le contrat de bail a été renouvelé pour une durée de six années à compter du 1er janvier 2016, jusqu'au 31 décembre 2021.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux, au Palais de Justice à Monaco le 11 OCTOBRE 2017 par Monsieur Florestan BELLINZONA, Président, Madame Reine VARON, Messieurs Michel MONFORT, Jean-Luc BUGHIN et Georges BRYCH, assesseurs, assistés de Madame Carole FRANCESCHI, Greffier stagiaire.