Commission arbitrale des loyers commerciaux, 24 juin 2015, M. a. CO. c/ La société anonyme monégasque A
Abstract🔗
Bail commercial - Renouvellement du bail - Fixation du loyer - Valeur locative
Résumé🔗
Il convient, par application de l'article 6 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, de fixer le loyer du bail commercial renouvelé en fonction de l'étendue, la situation, le confort, les aménagements et les facilités d'exploitation qu'ils présentent. S'agissant d'un local à usage industriel, dont les mises aux normes ont été financées par la société locataire, d'une superficie de 750 m², situé au 4ème étage avec ascenseur, le loyer doit être fixé à 150 000 euros par an.
Motifs🔗
COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX
-------------------
C2014/0000009
JUGEMENT DU 24 JUIN 2015
Et en la cause :
- M. a. CO., né le 20 avril 1957 à Nice (Alpes-Maritimes) de nationalité monégasque, demeurant et domicilié X à Monaco (98000) venant aux droits de Mme CO. née m. DO.,
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
contre :
- La société anonyme monégasque A (SAM) dont le siège social est X1 à Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice demeurant et domicilié audit siège,
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,
Vu la requête de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour a. CO., demandeur, en date du 13 mars 2014, enrôlée au greffe le 14 mars 2014 sous le numéro C2014/000009 ;
Vu les lettres de convocation pour l'audience de conciliation du 30 avril 2014 adressées en recommandé avec accusé de réception par le greffe le 27 mars 2014 ;
Vu le procès-verbal de non-conciliation en date du 30 avril 2014 renvoyant les parties à l'audience de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux du 28 mai 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur pour a. CO., en dates des 28 mai 2014 et 4 novembre 2014 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur pour la SAM A, en dates des 15 octobre 2014 et 21 mai 2015 ;
Ouï Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour a. CO. ;
Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SAM A ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Par acte sous seing privé du 28 juillet 1999, m. DO. épouse CO., aux droits de laquelle vient a. CO., a donné à bail commercial à la société A à usage exclusif de laboratoire de fabrication de produits pharmaceutiques un local industriel d'environ 750m2 sis dans l'immeuble X.
Par le truchement de l'agence B, a. CO. a souhaité négocier une augmentation du loyer dans le courant de l'année 2012 afin de le porter de 133.680 euros annuels hors taxes à 200.000 euros.
Les négociations n'aboutissaient pas.
Par acte du 19 décembre 2013, a. CO. a notifié un congé pour le 30 juin 2014, avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 375.000 euros hors taxes et hors charges.
Par requête en date du 13 mars 2014, a. CO. saisissait le Président de la Commission de céans afin de tentative de conciliation.
Par procès-verbal du 30 avril 2014, il était constaté l'absence de conciliation et l'affaire et les parties étaient renvoyées à l'audience du 28 mai 2014.
a. CO. demande à la Commission de constater l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail, de fixer le loyer annuel du bail renouvelé à la somme de 375.000 euros hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2014 et à titre subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise.
Il fait valoir à l'appui de ses demandes que son action est fondée sur les articles 4 et 6 de la loi n° 490 de sorte que le nouveau loyer doit être fixé sur la seule base de la valeur locative à la date de prise d'effet de renouvellement du bail sans qu'il soit nécessaire de démontrer une évolution, changement ou modification des locaux.
Il rappelle que les locaux loués ont une superficie de 750 m2 et considère que les pièces versées aux débats par la SAM A ne remet pas en cause cette évaluation notamment puisque le document évaluant la surface à 681,35 m2 n'a pas été établi par un géomètre et en tout état de cause mentionne expressément qu'elle concerne la surface occupée et évalue dans le même temps la surface totale à 736,30m2.
Il déclare que la construction de l'immeuble est récente, qu'il est en parfait état et dispose de tous les aménagements utiles à l'exploitation des locaux loués.
Il considère que le fait que la SAM A a effectué d'importants travaux de réaménagement démontre que celle-ci entent pérenniser son activité en ces lieux et que ceux-ci disposent donc de toutes les caractéristiques nécessaires.
Il indique qu'en outre depuis mars 2013, les accès ont été nettement améliorés par la liaison dite MARQUET et l'accroissement de la capacité des parkings publics à Fontvieille et que cette amélioration de la circulation a un impact sur la valeur des locaux puisque leur activité suppose la livraison régulière de matériels et produits.
Il fait valoir que d'autres locaux dans le même immeuble ont des loyers annuels compris entre 413,59 et 467,72 euros par an au mètre carré.
Il conteste toute volonté de donner une plus-value aux locaux dans le but de les vendre et rappelle que s'il a pu effectuer des propositions inférieures, cela s'est fait dans le cadre de négociations à l'amiable.
Il conteste également tout abus de sa part dans la présente instance.
Il estime que la SAM A résiste de manière abusive et sollicite dans le corps de ses conclusions, sans le reprendre dans le dispositif de celles-ci, qu'il lui soit alloué la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts à ce titre.
En réponse, la SAM A demande à la commission de débouter a. CO. de l'ensemble de ses demandes et le condamner à lui verser une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Elle fait valoir en premier lieu qu'elle ne conteste pas que la finalité de la demande est bien fondée sur l'article 6 et non sur l'article 21 de la loi 490 et qu'il appartiens au demandeur de justifier sa demande, de sorte qu'il ne peut être fait droit à la demande d'expertise pour pallier la carence du demandeur dans l'administration de la preuve.
Elle considère que la demande est faite de manière arbitraire et en veut pour preuve que dans le cours des négociations, cette demande est passé de 200.000 euros à 375.000 euros en deux ans.
Elle indique que l'étendue, la situation, le confort et les aménagements des locaux n'ont pas subi de modification substantielle depuis la signature du bail et que la modification de la circulation routière dans le quartier de Fontvieille n'a eu aucune incidence sur son exploitation et ne pourrait en tous cas justifier une telle augmentation de loyer.
Elle déclare qu'au contraire, l'immeuble s'est dégradé avec le temps et n'a pas été rénové, nécessitant d'ailleurs un reclassement régulier du monte-charge.
Elle indique que les locaux loués sont en réalité de 681,35 m2 et non de 750 m2.
Elle rappelle que les loyers payés par d'autres locataires et sur lesquels a. CO. fonde sa demande concernent des locaux à usage de bureaux qui n'ont pas la même valeur que des locaux a usage industriel.
Elle estime que si les locaux sont parfaitement adaptés à son activité, c'est de son fait et non de celui du propriétaire puisqu'elle a réalisé elle-même les réaménagements nécessaires à son activité qui répond à une réglementation très stricte.
Elle déclare qu'au vu du coût des travaux non encore amortis, l'augmentation de loyer compromettrait sérieusement la poursuite de son activité en Principauté de Monaco et que contrairement à ce qui est indiqué, les locaux ont effectivement été mis en vente et en déduit que la présente instance n'a pour but que de permettre une plus-value sur le bien.
SUR CE :
Il est constant que la SAM A loue l'intégralité du 4ème étage de l'immeuble nommé X.
Aux termes du contrat de bail du 28 juillet 1999 liant les parties, les locaux loués sont d'une surface utile approximative de 750 m2.
Selon l'attestation de Emmanuel DEVERINI, Architecte DPLG, la surface totale du 4ème étage est de 736,30 m2, dont 54,95 m2 des parties communes et 681,35 m2 de surface effectivement utilisée ;
S'il est en général fait usage à un géomètre pour pouvoir régler des problèmes notamment de bornage, un architecte est à même de calculer un métrage carré.
Les parties communes du quatrième étage, ainsi qu'il l'est visible sur les photographies versées aux débats, sont, in fine, utilisées au seul bénéfice de la SAM A.
En outre, il convient de rappeler que les méthodes d'évaluation des surfaces utiles ont évolué depuis 1999.
Ainsi, les termes du contrat de bail sont respectés puisque la totalité de la surface mise à disposition est proche des 750 m2 environ, mentionnés dans le contrat de bail.
En tout état de cause, les parties se sont accordées dès 1999 sur l'évaluation du métrage carré des locaux loués.
Il est constant que suite au congé délivré avec offre de renouvellement et la saisine consécutive de la présente Commission, l'évaluation du nouveau loyer par ladite commission doit se faire conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi 490 et donc en fonction de l'étendue, la situation, le confort, les aménagements et les facilités d'exploitation qu'ils présentent.
Ainsi, s'il n'est pas indispensable pour fixer un nouveau montant de loyer que des éléments nouveaux soient intervenus, ceux-ci sont à prendre en compte afin de pouvoir considérer les facilités d'exploitation et la situation que les locaux présentent.
Il est constant que les locaux loués sont à usage industriel.
Il est admis que des locaux à usage industriel n'ont pas la même valeur locative que des locaux a usage de bureaux, quand bien même ils seraient situés dans le même immeuble ou dans une position équivalente.
Les points de comparaison sur le prix annuel au mètre carré cités par a. CO. concernent des locaux loués à usage de bureaux et ne peuvent donc constituer un élément de fixation du loyer.
Ainsi, le montant demandé par a. CO. ne peut être adopté puisque celui-ci est clairement destiné à des locaux à usage de bureaux.
Les nouvelles facilités de circulation et de parking mise en avant par a. CO. n'ont pas d'incidence directe sur la situation d'un local industriel qui par essence ne reçoit pas de public ou de clientèle qui pourrait subordonner un achat ou une relation commerciale à la facilité d'accès des locaux ou qui bénéficierait d'un meilleur passage et donc achalandage.
En outre, si le locataire reçoit effectivement des livraisons fréquentes, la facilitation de la circulation est un bénéfice pour le transporteur et non pour le destinataire des livraisons.
Les pièces versées aux débats démontrent que d'importants travaux d'aménagement ont été effectués par la SAM A mais il n'est apporté aucun élément sur des travaux qui auraient été réalisés par le bailleur, de sorte que l'adéquation parfaite des locaux avec les besoins du locataire est le fait de ce dernier et non du bailleur.
En outre, lesdits travaux, dans leur grande majorité, sont relatifs à la mise en conformité des locaux avec la réglementation sur les laboratoires et les normes de sécurité.
In fine, les seuls éléments véritablement mis à disposition du locataire par le bailleur dans ce cadre sont, outre un local de grande taille, un monte-charge permettant de recevoir les livraisons facilement.
Les éléments versés aux débats permettent à la Commission de s'estimer suffisamment informée sur l'étendue, la situation, le confort, les aménagements et les facilités d'exploitation des locaux loués.
Il n'y a donc pas lieu à ordonner une expertise afin d'éclairer la Commission sur le montant de la valeur locative des locaux.
Il résulte de l'ensemble de ces considérations qu'il convient de fixer le montant du nouveau loyer à la somme de 150.000 euros annuel hors taxes et hors charges.
Chacune des parties succombant au moins partiellement en ses demandes, il n'y a donc pas lieu de considérer qu'elles auraient fait preuve d'abus dans leur droit d'ester en justice ou dans leur droit de résister aux demandes formulées.
Il convient donc de les débouter toutes deux de leurs demandes de dommages et intérêts respectives.
Il convient enfin de condamner la SAM A, succombant principalement en la présente instance aux dépens.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,
Statuant contradictoirement,
Fixe à la somme de 150.000 euros le nouveau loyer annuel hors taxes et hors charges que la SAM A sera tenue de verser à a. CO. ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la SAM A aux dépens, distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Florestan BELLINZONA, Président, Messieurs Jean-Claude GUILLAUME, Henri LEIZE, Michel MONFORT-PEGLION et Jean-Luc CLAMOU, assesseurs, et prononcé en audience publique de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux au Palais de Justice à Monaco, le 24 JUIN 2015, par Messieurs Samuel MOSCHKOWITZ, Michel MONFORT-PEGLION, Jean-Luc CLAMOU et Jean-Claude GUILLAUME, assistés de Madame Antoinette FLECHE, Greffier.