Commission arbitrale des loyers commerciaux, 4 juin 2014, M. j. W. c/ Mme c. T. épouse K.

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Abstract🔗

Bail commercial - Révision du loyer - Non-respect du formalisme - Recevabilité de la demande (non)

Résumé🔗

Le dernier alinéa de l'article 21 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 précise que toute demande de révision du prix de location doit être introduite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extra-judiciaire comportant obligatoirement l'énonciation des motifs allégués pour justifier ladite demande, ainsi que l'indication du nouveau prix proposé. Ce formalisme n'ayant pas été respecté par le locataire, la demande de révision est irrecevable.


Motifs🔗

COMMISSION ARBITRALE

DES LOYERS COMMERCIAUX

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n° C2012/000014

JUGEMENT DU 4 JUIN 2014

En la cause de :

  • - M. j. W., né le 1er mai 1962 à Monaco (98000), de nationalité monégasque, demeurant « Y » X à Monaco,

  • DEMANDEUR, comparaissant en personne ;

d'une part,

Contre :

  • - Mme c. T. épouse K., née le 30 juillet 1943 à MONTREUIL SOUS BOIS (93100), de nationalité italienne, demeurant X à Monaco-Ville ;

  • DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu le billet d'avis M. j. W. en date du 17 septembre 2012, enrôlé au greffe le 18 septembre 2012 sous le numéro C2012/0000014 ;

Vu les lettres de convocation pour l'audience de conciliation du 10 octobre 2012 adressées en recommandé avec accusé de réception par le greffe le 19 septembre 2012 ;

Vu le procès-verbal de non-conciliation en date du 10 octobre 2012 ayant renvoyé la cause et les parties à l'audience du 21 novembre 2012 ;

Vu la note valant conclusions de M. j. W., en date du 12 décembre 2012 ;

Vu les conclusions de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur pour c. K., en date des 23 janvier 2013, 26 juin 2013, 20 novembre 2013 et 18 décembre 2013 ;

Ouï Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur pour Mme c. T. épouse K., défenderesse, en ses plaidoiries et conclusions ;

Ouï M. j. W., comparaissant en personne en ses explications et observations ;

CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :

Aux termes d'un contrat de bail en date du 26 octobre 2006, c. K. a loué à p. BR. un local situé 2 rue Emile de Loth à MONACO-VILLE, moyennant un loyer annuel de 18.000 euros indexé sur l'indice du coût de la construction de l'INSEE.

Par un acte notarié du 26 février 2008, p. BR. a vendu à j. W. le fonds de commerce de snack-bar exploité sous l'enseigne « BAR PIERRE » moyennant le paiement de la somme de 310.000 euros.

Par un avenant à ce contrat signé par c. K. et j. W. le même jour, le loyer annuel a été porté à la somme de 18.303,96 euros, soit 1.525,33 euros, payable par mensualité anticipée, le premier de chaque mois et indexé sur l'indice du coût des loyers de l'INSEE.

Par courrier en date du 7 septembre 2012, j. W. a saisi le Président de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux en application des dispositions de l'article 21 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 et a précisé, dans un autre courrier daté du 17 septembre 2012, qu'il souhaitait voir fixé le montant de son loyer à la somme mensuelle de 900 euros.

Procès-verbal de non-conciliation a été dressé le 10 octobre 2012 par ce magistrat qui a alors renvoyé les parties par-devant la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux à l'audience du 21 novembre 2012.

Par des conclusions déposées le 12 décembre 2012, j. W. a sollicité la fixation du loyer à la somme de 900 euros par mois.

Il soutient en substance :

  • - que les conditions économiques générales de la Principauté de Monaco se sont dégradées depuis l'année 2009 ;

  • - que le chiffre d'affaires annuel découlant de son activité commerciale ne lui permet pas de supporter les charges et frais de sorte que son résultat serait déficitaire s'il ne bénéficiait pas des aides du gouvernement princier ;

  • - que la clientèle est composée essentiellement de croisiéristes dont le pouvoir d'achat n'est pas très élevé et la fréquentation connaît un recul depuis l'année 2011 ;

  • - que le loyer réclamé de 900 euros par mois correspond, selon une étude comparative qu'il a menée, au prix moyen pour un commerce à la superficie équivalente au sien.

Dans des écritures déposées le 23 janvier 2013, c. K. a sollicité le débouté de j. W. de sa demande de diminution du montant de loyer et, à titre reconventionnel, la condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle réclame en outre de condamner le demandeur aux entiers dépens.

À l'appui de ses prétentions, elle indique :

  • - que j. W. ne démontre aucunement une évaluation des conditions économiques de Monaco justifiant une diminution du montant de son loyer qui n'a subi aucune augmentation depuis l'année 2006 ;

  • - que la fréquentation touristique en Principauté de Monaco est en hausse ainsi qu'en attestent notamment les articles parus dans les quotidiens ou hebdomadaires de la presse locale ;

  • - que son locataire ne justifie pas davantage d'une modification des conditions particulières de ce fonds, lequel est idéalement situé dans une rue piétonne et à proximité de commerces vendant des souvenirs et qui sont donc fréquentés par de nombreux touristes ;

  • - que j. W. a confié au mois de juillet 2011 la location gérance de son fonds de commerce de sorte qu'il perçoit à ce titre des redevances ;

  • - que la valeur locative des locaux litigieux correspond au loyer payé actuellement par j. W. ;

  • - qu'elle est très affectée par cette procédure qui requiert du temps passé et de l'énergie, souffrant de surcroît d'un cancer.

Dans de nouvelles conclusions déposées le 17 avril 2013, j. W. sollicite l'entier bénéfice de ses précédentes écritures.

Il souligne que son loyer a subi une correction de 10,05 % depuis la création de son commerce par le jeu des clauses d'indexation et que la crise économique a aussi eu des répercussions en Principauté de Monaco.

Il précise en outre être en concurrence avec de nombreux autres établissements de restauration rapide et déclare que la location gérance n'a pas été renouvelée en raison du montant élevé du loyer qui interdit la mise en œuvre de travaux qu'il estime pourtant nécessaires pour rendre son commerce plus attractif.

Dans des conclusions déposées le 26 juin 2013, c. K. maintient ses précédents moyens et prétentions et demande en outre à la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux de rejeter des débats les attestations communiquées par le demandeur sous les numéros 12, 13, 14 et 15 pour être non conformes aux dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile.

Dans des écritures déposées le 23 octobre 2013, j. W. a modifié sa demande de révision du prix de son loyer qu'il souhaite à présent voir fixé à la somme mensuelle de 1.550,77 euros, soit une réduction de 100 euros par rapport au loyer actuel, et justifie sa position par la nouvelle mise en location gérance au mois de septembre 2013 de son local pour un montant de 350 euros, le nouveau gérant ayant financé des travaux et investi dans des nouveaux matériaux.

Dans ses conclusions datées du 20 novembre 2013, c. K. a prix acte de cette nouvelle demande formulée par j. W. mais à laquelle elle est également opposée et ce pour les mêmes raisons que celles exposées dans ses précédentes écritures.

Dans de dernières conclusions déposées le 18 décembre 2013, j. W. a maintenu sa demande ainsi que son opposition à sa condamnation au paiement de dommages et intérêts pour avoir intenté abusivement la présente procédure.

L'affaire a alors été plaidée à l'audience du 19 février 2014 puis mise en délibéré à celle du 30 avril 2014 lors de laquelle la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux a ordonné la réouverture des débats afin de connaître la position des parties quant à l'absence d'envoi par j. W. de la lettre recommandée ou de l'acte extra-judiciaire prévus par le dernier alinéa de l'article 21 de la loi n° 490 du 24 novembre 1948.

Entendus à cet effet, c. K. et j. W. s'en sont tous deux rapportés à justice.

SUR CE,

  • I- Sur le rejet des pièces n° 12, 13, 14 et 15 produites par j. W.

Il résulte des dispositions prévues à l'article 324 du Code de procédure civile que :

  • « L'attestation doit, à peine de nullité :

  • 1° être établie par une personne remplissant les conditions requises pour être entendue comme témoin ;

  • 2° être écrite, datée et signée de la main de son auteur ;

  • 3° mentionner les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties ;

  • 4° préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

  • 5° indiquer qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur sait qu'une fausse attestation l'exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal ;

  • 6° être accompagnée de tout document officiel, en original ou photocopie, justifiant de l'identité de son auteur et comportant sa signature. »

Il est acquis que les pièces n° 12, 13, 14 et 15 versées aux débats par le demandeur ne satisfont aucunement aux exigences légales suscitées, à savoir que ne sont pas mentionnées la date et le lieu de naissance de leurs auteurs, la profession de ces derniers, à l'exception de la pièce n° 12, ainsi que l'existence ou l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêts avec les parties.

Par ailleurs, il n'est pas précisé si leurs auteurs ont quelque intérêt au procès et que ces attestations ont été établies en vue de leur production en justice et qu'ils savent qu'une fausse attestation les exposerait aux sanctions prévues par l'article 103 du Code pénal.

Par conséquent, il y a lieu de déclarer nulles lesdites attestations.

  • II- Sur la recevabilité de la demande formée par j. W.

Le dernier alinéa de l'article 21 de la loi n° 490 en date du 24 novembre 1948 précise que toute demande de révision du prix de location doit être introduite par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extra-judiciaire comportant obligatoirement l'énonciation des motifs allégués pour justifier ladite demande, ainsi que l'indication du nouveau prix proposé.

Il est établi en l'espèce que j. W. n'a aucunement respecté ce formalisme préalable à la saisine aux fins de tentative de conciliation du Président de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux et obligatoirement prévu par la loi dont les dispositions sont d'ordre public.

Par conséquent, il y a lieu de déclarer sa demande en révision du montant de son loyer irrecevable.

  • III- Sur la demande de dommages et intérêts formée par c. K.

Il n'entre pas dans les attributions de la Commission Arbitrale des Loyers Commerciaux d'accorder des dommages et intérêts de sorte qu'il convient de déclarer cette demande irrecevable.

Il y a lieu enfin de condamner j. W., lequel succombe principalement, aux dépens avec distraction au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION ARBITRALE DES LOYERS COMMERCIAUX,

Statuant contradictoirement,

Ordonne la nullité des pièces n° 12, 13, 14 et 15 versées aux débats par le demandeur ;

Déclare j. W. irrecevable en sa demande de révision du montant de son loyer ;

Déclare irrecevable la demande de c. K. tendant à obtenir des dommages et intérêts ;

Et condamne j. W. aux dépens avec distraction au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Président, Messieurs Jean MARCHIO, Samuel MOSCHKOWITZ, Henri LEIZE et Madame Patricia GRIMAUD PALMERO, assesseurs, et prononcé au Palais de Justice à Monaco, le 4 JUIN 2014, par M. Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Président, Messieurs Jean MARCHIO (empêché ce jour), Samuel MOSCHKOWITZ, Michel MONFORT et Jean-Luc CLAMOU, assesseurs, assistés de Madame Antoinette FLECHE, Greffier.

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